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Cassation, 18 novembre 2010, pourvoi n°09-16.806 (établissement de santé - contrôle T2A - réclamation de l'indu)

Voir Cour de cassation, 16 décembre 2010, pourvois n°09-17.215 (établissement de santé - contrôle T2A - réclamation de l'indu)

La Cour de cassation retient qu'une caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) qui réclame à un établissement de santé le remboursement de prestations indues dans le cadre du contrôle de la tarification à l'activité (T2A) ne peut pas se contenter de s'appuyer sur le rapport de contrôle et doit prouver que la facturation de ces prestations était injustifiée, comme le dispose l'article 1315 du Code civil ("celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver").

La Cour de cassation rejette donc les deux pourvois déposés par la CPAM de Haute-Garonne contre deux décisions du Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de Toulouse qui la déboutaient de ses demandes en répétition de l'indu contre une clinique en considérant que "selon l'article 1315 du Code civil, auquel ne déroge pas l'article L. 133-4 du Code de la sécurité sociale, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; et attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, relevant notamment que la caisse ne produisait aucune pièce justificative autre que les conclusions d'un rapport de contrôle sur site ne comportant que des généralités, le tribunal a pu décider, sans inverser la charge de la preuve, que les actes litigieux ne justifiaient pas la facturation du forfait tarifaire retenu par la caisse au terme du contrôle de la clinique".

En revanche, un arrêt de la même cour en date du 18 novembre 2010 estime qu'une CPAM peut se contenter d'indiquer la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la date du ou des versements indus dans sa lettre de recouvrement, sans avoir à justifier précisément en quoi les prestations ne respectent pas la réglementation. Les juges observent en effet que "ayant relevé que la notification initiale de l'indu du 11 mars 2008 et la mise en demeure du 7 juillet suivant comportaient en annexe un tableau récapitulatif mentionnant, pour chacun des cinq dossiers dont la facturation était contestée, notamment, le numéro de l'assuré social, les nom et prénom du patient, les dates d'entrée et de sortie, le numéro de facture, le montant facturé, la date du paiement, le montant de l'indu et le motif de l'indu au regard des règles de la tarification, le tribunal en a exactement déduit que la polyclinique avait bien eu connaissance de la cause, de la nature et du montant de l'indu, ainsi que de celle de la date des paiements, de sorte que la motivation des deux lettres comportait l'ensemble des éléments exigés par l'article R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale".

Formation restreinte.
SÉCURITÉ SOCIALE
18 novembre 2010.
Pourvoi n° 09-16.806.
Arrêt n° 2074.
Rejet.
BULLETIN CIVIL - BULLETIN D'INFORMATION.

Statuant sur le pourvoi formé par la société Polyclinique du Cotentin, société anonyme, dont le siège est [...], contre le jugement rendu le 8 juillet 2009 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Lô, dans le litige l'opposant à la Caisse nationale militaire de sécurité sociale, dont le siège est [...],
défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour la société Polyclinique du Cotentin

IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué D’AVOIR rejeté le recours de la POLYCLINIQUE DU COTENTIN et de l’avoir condamnée à verser à la CAISSE une somme de 2.072,77 €, outre 207,28 € au titre de la majoration de retard, avec intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2008 ;

AUX MOTIFS QUE sur l’argument de la partie demanderesse tiré d'un prétendu défaut de motivation de la notification de payer, de la mise en demeure et de la décision prise par la Commission de Recours Amiable de la CPAM de la Manche, la Polyclinique du Cotentin - qui souligne à juste titre que la Caisse doit apporter la preuve du caractère indu des prestations dont le montant est réclamé - sollicite l'annulation, pour défaut de motivation, de la notification de payer du 11 mars 2008, de la mise en demeure du 7 juillet 2008 et de la décision expresse de rejet de la Commission de Recours Amiable ; que la juridiction de céans considère que tant la notification de payer que la mise en demeure - lesquels se réfèrent, à bon droit, au rapport de contrôle - comportent l'ensemble des éléments exigés par l'article R. 133-9-1 du Code de la sécurité sociale ; qu’en effet, ces deux courriers rappellent qu'il s'agit d'indus notifiés dans le cadre d'un contrôle opéré en matière de T2A sur le fondement de l'article L. 133-4 du Code de la sécurité sociale ; de plus, lesdits courriers comportent en annexe un tableau récapitulatif mentionnant pour chacun des 5 dossiers litigieux dont la facturation est contestée, notamment les éléments suivants : le numéro de l'assuré social, le nom et prénom du malade, la date d'entrée et de sortie, le numéro de facture, le montant facturé, la date du paiement, le montant de l'indu, le motif de l'indu avec l'indication suivante : « Conditions de facturation énoncées dans l' arrêté du 5 mars 2006 non remplies : article 5-10 (prise en charge de moins d'une journée) » ; qu’ainsi, l'établissement avait bien connaissance de la cause, de la nature et du montant des indus, ainsi que celle de la date des paiements ; que la décision critiquée, prise le 11 septembre 2008 par la Commission de Recours Amiable de la CNMSS, est pourvue d'une motivation suffisante puisqu'elle mentionne : « les actes médicaux effectués ne requéraient pas une prise en charge en hospitalisation de jour » ; que par suite, l'argument de la Polyclinique du Cotentin sera écarté ; qu’il n'y a nullement lieu à annulation, au simple motif d'un prétendu défaut de motivation, de la notification de payer, de la mise en demeure ou de la décision expresse de rejet prise par la Commission de Recours Amiable de la CNMSS (cf. en ce sens T.A.S.S. du Morbihan 12 novembre 2007 et T.A.S.S. d'Ille-et-Vilaine du 25 avril 2008) ; que sur la question du caractère fondé ou non des GHS 8341 facturés, la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 relative au financement de la sécurité sociale pour 2004 a modifié le processus de financement des établissements des deux secteurs d'hospitalisation, public et privé, en mettant en place la tarification à l'activité (ou T2A) ; que l'article 5-10° de l' arrêté du 5 mars 2006 précise : « Lorsque le patient est pris en charge moins d'une journée, à l'exception des cas où il est pris en charge dans un service d'urgence, un GHS ne peut être facturé que dans les cas où sont réalisés des actes qui nécessitent : 1) une admission dans une structure d'hospitalisation individualisée mentionnée à l'article D. 6124-301 du code de la santé publique disposant de moyens en locaux, en matériel et en personnel, et notamment des équipements adaptés pour répondre aux risques potentiels des actes réalisés, 2) un environnement respectant les conditions de fonctionnement relatives à la pratique de l'anesthésie ou la prise en charge par une équipe paramédicale et médicale dont la coordination est assurée par un médecin, 3) l'utilisation d'un lit ou d'une place pour une durée nécessaire à la réalisation de l'acte ou justifié par l'état de santé du patient ; que lorsque l'une de ces conditions n'est (pas) remplie, la prise en charge du patient donne lieu à facturation de consultations ou actes mentionnés à l'article L. 162-26 du Code de la sécurité sociale ou réalisés en médecine de ville » ; qu’il s'agit donc de conditions cumulatives ; que par suite, dès lors qu'une seule des trois conditions prévues par l'arrêté précité n'est pas remplie, l'établissement n'est pas fondé à facturer un GHS et la prise en charge du patient donne lieu simplement à facturation de consultations ou actes mentionnés à l'article L. 162-26 du Code de la sécurité sociale ou réalisés en médecine de ville ; qu’en l'espèce, la CNMSS a refusé, sur la base du rapport établi par l'Unité de Coordination Régionale de Basse-Normandie (soit au vu des éléments présentés par la Polyclinique du Contentin dans le cadre d'un contrôle opéré, dossier par dossier), la facturation de GHS 8341 « affections de la bouche et des dents avec certaines extractions, réparations et prothèses dentaires sans anesthésie : séjours de moins de deux jours » pour cinq gestes de chirurgie maxillo-faciale (avulsion de dents de sagesse) réalisés du 21 mars au 20 juillet 2006 ; qu’il résulte de la combinaison de l'article R. 162-32-1 du Code de la sécurité sociale et de l'article 5-10° de l' arrêté du 5 mars 2006 que la facturation d'un GHS est subordonnée à l'hospitalisation médicalement justifiée du patient selon les critères du
décret du 2 octobre 1992 ; que l'utilisation d'un plateau technique ne suffit pas à constituer une hospitalisation ; que la Polyclinique du Cotentin, en l'état du dossier déposé par ses soins, ne justifie pas qu'il y ait eu hospitalisation médicalement justifiée pour les cinq dossiers, objet du présent litige ; que dès lors, faute de remplir les conditions fixées à l'article 5-10° de l'
arrêté du 5 mars 2006 , les actes en cause ne relèvent pas d'un GHS et la caisse s'avère bien fondée en sa réclamation ; que par suite, il convient de débouter la Polyclinique du Cotentin de l'intégralité de ses prétentions et de la condamner à payer à la CNMSS la somme de 2.072,77 € au titre de l'indu notifié, outre 207,28 € au titre de la majoration de retard de 10 % ; que la somme globale de 2.280,05 € sera productive d'intérêts de retard au taux légal à compter du 7 juillet 2008 (date de la mise en demeure) jusqu'au parfait paiement ;

1°) ALORS QUE la notification de payer un indu et la mise en demeure de payer cet indu doivent permettre au débiteur d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de ses obligations ; que le tableau annexé à la notification de payer du 11 mars 2008 et à la mise en demeure du 7 juillet 2008 énonçait : « Faits reprochés : conditions de facturation énoncées dans l’
arrêté du 5 mars 2006 non remplies : article 5-10 (prise en charge de moins d’un journée) » ; que ce tableau ne précisait aucunement quelle condition prévue par l’article 5-10 de cet arrêté, applicable en cas de prise en charge de moins d’une journée, n’était pas, in concreto, remplie dans les cas litigieux, ce alors que ce texte prévoit plusieurs conditions dont la réunion permet de facturer un forfait de séjour et de soins dénommés « groupes homogènes de séjours » (GHS) ; que cette motivation n’a donc pas mis la société POLYCLINIQUE DU COTENTIN en mesure de connaître la cause exacte de l’indu réclamé ; qu’en considérant néanmoins que la notification de payer et la mise en demeure étaient suffisamment motivées en l’espèce, le Tribunal a violé l’
article R. 133-9-1 du Code de la sécurité sociale ;

2°) ALORS QUE la charge de la preuve incombe à la CAISSE lorsqu'elle agit en répétition d'indemnités indûment versées ; que dès lors que la charge de la preuve du caractère indu des forfaits de séjour et de soins dénommés « groupes homogènes de séjours » (GHS) pesait sur la CAISSE, la réunion des conditions d’application de l’article 5-10° de l’ arrêté du 5 mars 2006
était présumée en l’espèce ; qu’en rejetant le recours de la POLYCLINIQUE DU COTENTIN et en la condamnant à verser l’indu réclamé par la CAISSE au motif que l’établissement de santé n’établissait pas l’une des conditions d’application de l’article 5-10° précité, tenant à la nécessité des hospitalisations litigieuses, le Tribunal, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l’ article 1315 du Code civil ;

3°) ALORS QU’il n’était pas contesté qu’il y avait eu hospitalisation dans les cas litigieux et que la CAISSE soutenait uniquement que ces hospitalisations n’étaient pas médicalement justifiées ; qu’il était en effet discuté des conditions d’application de l’ article R. 162-32 du Code de la sécurité sociale relatif aux « catégories de prestations d'hospitalisation donnant lieu à une prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale » et plus particulièrement du « séjour et les soins avec ou sans hébergement, représentatifs de la mise à disposition de l'ensemble des moyens nécessaires à l'hospitalisation du patient », la « prise en charge des frais occasionnés par ces prestations étant assurée par des forfaits », lesdits forfaits étant prévus par l’
arrêté du 5 mars 2006 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie ; qu’à supposer que le Tribunal ait considéré qu’il n’y avait pas eu d’hospitalisation dans les cas litigieux, au motif que l'utilisation d'un plateau technique ne suffit pas à « constituer » une hospitalisation, il aurait alors modifié les termes du litige et violé l’ article 4 du Code de procédure civile ;

4°) ALORS, subsidiairement, QU’en retenant que l'utilisation d'un plateau technique ne suffit pas à « constituer » une hospitalisation ce alors qu’il était fait valoir que les patients avaient été admis dans la POLYCLINIQUE DU COTENTIN, structure d'hospitalisation, le Tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l’article 5-10 ° de l’
arrêté du 5 mars 2006 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie ;

5°) ALORS, en tout état de cause, QUE l'utilisation d'un plateau technique au sein d’une structure d'hospitalisation présuppose une hospitalisation ; qu’en statuant ainsi, le Tribunal a violé l’article 5-10 ° de l’ arrêté du 5 mars 2006 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie.
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 21 octobre 2010, où étaient présents : M. Loriferne, président, M. Prétot, conseiller rapporteur, M. Mazars, conseiller doyen, Mme Genevey, greffier de chambre ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Lô, 8 juillet 2009), rendu en dernier ressort, que la société Polyclinique du Cotentin (la polyclinique) a fait l’objet, du 10 au 18 septembre 2008, d’un contrôle de son activité par l’agence régionale d’hospitalisation de Basse-Normandie ; qu’à la suite de celui-ci, la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (la caisse) lui a notifié un indu correspondant à des anomalies relevées dans la facturation de certains actes ; que la polyclinique a saisi d’un recours une juridiction de la sécurité sociale ;

Attendu que la polyclinique fait grief au jugement de rejeter son recours et de la condamner au paiement d’une certaine somme à la caisse, alors, selon le moyen, que la notification de payer un indu et la mise en demeure de payer cet indu doivent permettre au débiteur d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue des obligations ; que le tableau annexé à la notification de payer du 11 mars 2008 et à la mise en demeure du 7 juillet 2008 énonçait : «Faits reprochés : conditions de facturation énoncées dans l’ arrêté du 5 mars 2006
non remplies : article 5-10 (prise en charge de moins d’une journée)» ; que ce tableau ne précisait aucunement quelle condition prévue par l’article 5-10 de cet arrêté, applicable en cas de prise en charge de moins d’une journée, n’était pas, in concreto, remplie dans le cas litigieux, ce alors que ce texte prévoit plusieurs conditions dont la réunion permet de facturer un forfait de séjour et de soins dénommés «groupes homogènes de séjour» (GHS) ; que cette motivation n’a donc pas mis la société Polyclinique du Cotentin en mesure de connaître la cause exacte de l’indu réclamé ; qu’en considérant néanmoins que la notification de payer et la mise en demeure étaient suffisamment motivées en l’espèce, le tribunal a violé l’
article R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu’ayant relevé que la notification initiale de l’indu le 11 mars 2008 et la mise en demeure du 7 juillet suivant comportaient en annexe un tableau récapitulatif mentionnant, pour chacun des cinq dossiers dont la facturation était contestée, notamment, le numéro de l’assuré social, les nom et prénom du patient, les dates d’entrée et de sortie, le numéro de facture, le montant facturé, la date du paiement, le montant de l’indu et le motif de l’indu au regard des règles de la tarification, le tribunal en a exactement déduit que la polyclinique avait bien eu connaissance de la cause, de la nature et du montant de l’indu, ainsi que de celle de la date des paiements, de sorte que la motivation des deux lettres comportait l’ensemble des éléments exigés par l’ article R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu que les autres branches du moyen ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Polyclinique du Cotentin aux dépens ;
Vu l’ article 700 du code de procédure civile , rejette la demande de la société Polyclinique du Cotentin ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille dix.
Sur le rapport de M. Prétot, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la Polyclinique du Cotentin, l’avis de Mme de Beaupuis, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

M. LORIFERNE, président.