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Circulaire DGAS/IAJF n° 2002-440 du 5 août 2002 relative aux contentieux ayant pour objet le paiement des heures entre la 35e et la 39e heure dans les établissements sociaux et médico-sociaux, entre le 1er janvier 2000 pour les entreprises de 20 salariés et plus, le 1er janvier 2002 pour les entreprises de moins de 20 salariés, et la date d'application effective de la réduction collective de la durée du travail


Le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité à Mesdames et Messieurs les préfets de région, direction régionale des affaires sanitaires et sociales (pour mise en oeuvre) ; Mesdames et Messieurs les préfets de département, direction départementale des affaires sanitaires et sociales (pour mise en oeuvre) L'objet de la présente circulaire est :
1. De préciser les suites à donner aux instances en cours et aux contentieux potentiels suite à l'arrêt de la Cour de cassation du 4 juin 2002 relatif au paiement des heures effectuées entre la 35e et la 39e heure, entre le 1er janvier 2000 ou le 1er janvier 2002, et la date d'entrée en vigueur effective de la RTT.
2. De préciser les mécanismes comptables de prise en compte de ces contentieux.
3. De mettre en place un dispositif de diagnostic, de prévention et de traitement des risques financiers relatifs à la trésorerie des établissements et de leur organisme gestionnaire.

La chambre sociale de la Cour de cassation, par trois arrêts rendus le 4 juin 2002, a confirmé l'interprétation retenue précédemment par certains TGI et la cour d'appel de Paris en ce qui concerne l'application de l'accord-cadre du 12 mars 1999 relatif à la réduction du temps de travail dans les établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées, modifiant la convention collective du 15 mars 1966.

De ces arrêts, il résulte que, en application de l'accord-cadre précité, d'une part la mise en oeuvre de la RTT intervient à compter du 1er janvier 2000 (ou du 1er janvier 2002 pour les entreprise de moins de 20 salariés), sans être subordonnée à la conclusion d'un accord d'entreprise ni à la mise en oeuvre effective dans l'entreprise de la réduction du temps de travail, et d'autre part que les salariés qui ont continué à travailler après cette date sans avoir bénéficié de la réduction du temps de travail ont droit à l'indemnité compensatoire de maintien du salaire à son niveau antérieur et au paiement des heures accomplies au-delà de 35 heures, en tant qu'heures supplémentaires, majorées de la bonification applicable (10 %).

Les contentieux jusque-là introduits ne portent que sur le champ de la convention collective de mars 1966, au motif que l'accord-cadre du 12 mars 1999, et notamment l'article 18 relatif au versement de l'indemnité de réduction du temps de travail, dite différentielle pour le maintien de la garantie du salaire base 39 heures, était d'application directe.

Les accords signés et agréés pour la mise en oeuvre de la RTT dans la plupart des autres conventions collectives de la branche UNIFED et de la branche de l'aide à domicile n'ont pas été rédigés de manière semblable et ont clairement subordonné l'entrée en vigueur de la RTT à un accord local.

Les conséquences de ces arrêts sur les établissements concernés sont les suivantes : sur la période qui s'étend du 1er janvier 2000 ou du 1er janvier 2002, selon la taille des établissements, à la date de mise en oeuvre effective de la RTT (en moyenne six mois après), les salariés se voient reconnaître le droit d'obtenir le paiement des heures supplémentaires correspondantes (les employeurs ont le plus souvent déjà versé la majoration de 10 %), soit un surcoût pouvant aller jusqu'à 11,43 % de la masse salariale concernée sur la période considérée.

1. La suite à donner aux actions contentieuses

Deux des arrêts de la Cour de cassation sont des arrêts de principe engagés par des organisations syndicales. A ce titre, ils n'emportent pas de conséquence juridique sur les situations individuelles. Toutefois, les salariés concernés ne manqueront pas de s'en prévaloir pour réclamer le paiement des heures effectuées. Il convient donc de distinguer deux cas de figure.

1.1. Les contentieux en cours

Trois situations peuvent prévaloir qui doivent donner lieu à des traitements différenciés :
certains contentieux engagés par des salariés ont donné lieu en première instance, voire en appel, à des décisions qui leur sont défavorables. Le plus souvent, celles-ci ont été suivies de pourvois en appel ou en cassation. Il convient dans ce cas d'inviter les employeurs à laisser la procédure se dérouler jusqu'à une décision favorable au salarié. C'est l'issue la plus probable au terme de laquelle il conviendrait de ne pas poursuivre la procédure. Toutefois, un renversement de jurisprudence est toujours possible ;
il en est de même lorsqu'un contentieux perdu par l'employeur a donné lieu de sa part à un pourvoi en appel ou en cassation avant le 4 juin 2002, date des arrêts de principe rendus par la Cour de cassation ;
lorsqu'un contentieux a donné lieu à une décision favorable aux salariés et qu'aucun pourvoi n'a été formé avant le 2 juin 2002, l'employeur doit procéder au paiement des sommes dues. Un pourvoi en appel ou en cassation pourrait en effet se traduire par la mise à sa charge de pénalités pour abus de procédure.

1.2. Les contentieux pouvant être engagés par des salariés susceptibles de bénéficier du paiement des heures

Ce cas de figure concerne des salariés qui, bien que n'ayant pas engagé de contentieux, sont potentiellement bénéficiaires des conséquences des arrêts de principe de la Cour. Sauf renversement de jurisprudence, tout contentieux désormais engagé par ces salariés se solderait par une condamnation de l'employeur.

Il convient donc d'inviter les employeurs à négocier les conditions de compensation du non-paiement des heures effectuées et de rechercher des solutions qui soient compatibles avec les capacités financières des associations.

2. Le traitement comptable et financier

Les recommandations exposées ci-dessous peuvent être étendues à toute situation présentant des analogies avec celle exposée précédemment, par exemple au règlement des contentieux dits « temps de travail en chambre de veille ».

2.1. L'opposabilité aux différents financeurs des établissements relevant de l'article L. 312-1 du CASF des contentieux

Les condamnations ne sont opposables à chacun des différents financeurs des établissements relevant de l'article L. 312-1 du CASF que dans la mesure :
où elles concernent des personnels dont les postes ont été budgétés et qui ont été inscrits aux tableaux des effectifs approuvés ;
où les dépenses correspondent à une organisation du travail en adéquation avec les missions confiées aux établissements et dont l'efficience est reconnue.

Dans le cas contraire, ces dépenses sont susceptibles d'être qualifiées comme étant excessives ou injustifiées, au sens des articles L. 314-3 à L. 314-5 du CASF ou de l'article L. 313-8 du même code, et laissées à la charge des gestionnaires.

2.2. Traitements comptables des condamnations

Ces condamnations entraînent des charges de personnel qui doivent être imputées aux comptes adéquats des chapitres 63 et 64.

Si ces contentieux, avant les jugements définitifs ou les versements des rappels, ont fait l'objet de provisions pour litiges (compte 151 alimenté par les dotations du compte 68752), ces provisions doivent être soldées (compte 78752) à concurrence du montant des condamnations.

Si les provisions pour litiges n'ont pas été constituées, ou l'ont été à un niveau insuffisant, ces charges exceptionnelles de personnel non compensées vont entraîner un déficit comptable d'exploitation qui sera incorporé selon les règles budgétaires et tarifaires applicables à l'établissement considéré.

Le compte 10686 (réserve de compensation) et le compte 111 (excédents affectés au financement de mesures d'exploitation) peuvent être totalement ou partiellement soldés pour le financement des condamnations.

Pour les établissements relevant de la compétence tarifaire de l'Etat, surtout pour ceux en dotation globale comme les CHRS, l'incorporation d'un important déficit d'exploitation peut s'avérer incompatible avec le respect des enveloppes limitatives de crédits notifiées en application des articles L. 314-3 à L. 314-5 du CFAS.

Dans d'autres établissements, cela peut entraîner pour les usagers des ressauts tarifaires et donc fortement majorer leur participation financière à leur prise en charge.

Pour les établissements pour personnes âgées, l'article 39 du décret n° 99-317 du 26 avril 1999 permet d'étaler un tel déficit sur trois ans.

Pour les autres établissements sociaux et médico-sociaux, il est possible et peut donc apparaître pertinent de faire jouer les mécanismes comptables des charges à étaler :
inscription au compte 791 du montant équivalant aux charges d'exploitation et aux charges exceptionnelles à transférer ;
le produit constaté et calculé à ce compte 791 qui est non encaissable est aussi imputé en emploi de la section d'investissement (compte 481) et au bilan de l'établissement ;
amortissement pendant 3 à 5 ans de cette charge à étaler au compte 6812.

Ces mécanismes comptables, s'ils règlent ou atténuent l'acuité des questions relatives aux équilibres budgétaires et comptables ainsi que du respect des enveloppes de crédits limitatifs, ne règlent bien évidemment pas la question relative à d'éventuelles difficultés de trésorerie de l'établissement concerné et de son association gestionnaire.

2.3. Difficultés de trésorerie potentielles

Les difficultés de trésorerie d'un établissement peuvent être totalement ou partiellement réduites en faisant jouer les comptes de liaison de trésorerie entre tous les établissements de l'association relevant de l'article L. 312-1 du CASF, si tous les établissements ne sont pas concernés par les condamnations et s'ils ont des situations de trésorerie favorables.

Comme l'a précisé la circulaire DGAS/5B n° 2001/605 du 10 décembre 2001 relative aux placements financiers des fonds de trésorerie des établissements sociaux et médico-sociaux gérés par des associations et des fondations, avant de réaliser des placements financiers sur les trésoreries des établissements financés par les pouvoirs publics, il est logique que les établissements en situation de trésorerie favorable soient solidaires de ceux qui sont dans des situations inverses.


Si la solidarité entre établissements relevant de l'article L. 312-1 du CASF n'est pas possible ou n'est pas suffisante, des mesures comme un emprunt de trésorerie peuvent être prises.

Certes, ces mesures ont pour inconvénient de générer des coûts supplémentaires : frais financiers, amortissement des charges financières à étaler... qui doivent pouvoir être pris en compte dans le cadre des enveloppes limitatives de crédits.

Aussi, au niveau départemental et régional, les crédits disponibles sur les enveloppes (les trésoreries d'enveloppes) peuvent être affectés au financement de ces contentieux puisqu'il s'agit de dépenses non pérennes et exceptionnelles.

2.4. Dispositif de diagnostic, de prévention et de traitement des situations de trésorerie difficile

Pour faire face aux situations financières particulièrement difficiles de certaines associations gestionnaires en raison :
de l'importance des montants cumulés des condamnations effectives ou potentielles ;
de leur situation de trésorerie ;
de l'insuffisance de crédits non pérennes sur les enveloppes départementales et régionales ;
des financements non pérennes et non reconductibles dans les bases de référence des enveloppes régionales et nationales sont éventuellement susceptibles d'être dégagés à titre exceptionnel au niveau national.

Pour pouvoir prétendre à de tels financements, il convient de constituer et faire remonter au bureau 5B de la DGAS, par l'intermédiaire des DDASS, un dossier comprenant :
les bilans et les comptes de résultats consolidés 2000 et 2001 de l'association ;
les bilans et les comptes de résultats 2000 et 2001 de chaque établissement concerné relevant de la compétence tarifaire de l'Etat, établis selon le modèle fixé par un arrêté interministériel du 8 septembre 2001,
les bilans financiers de l'association gestionnaire et de chacun des établissements concernés établis selon le modèle fixé par arrêté du 4 mai 2001 ;
les informations complémentaires suivantes pour les exercices 2000, 2001 et 2002 :
le montant total des condamnations effectives ou potentielles et des frais connexes (honoraires d'avocats par exemple) en fin de chacun des exercices ;
les montants des condamnations effectives ou potentielles et des frais connexes (honoraires d'avocats par exemple) décaissés en fin de chacun des exercices ;
les montants des condamnations effectives ou potentielles et des frais connexes (honoraires d'avocats par exemple) non décaissés en fin de chacun des exercices ;
le montant des provisions pour litiges en fin de chacun des exercices.

Les DDASS vérifieront le contenu du dossier et devront formuler un avis portant sur l'opportunité de donner suite à la demande de financement, notamment au regard des critères spécifiés par la présente circulaire. Il vous est recommandé de coordonner, au niveau du CTRI, les modalités de traitement de ces dossiers.

Mes services, et en particulier le bureau de la politique salariale et des conventions collectives et le bureau de la réglementation financière et comptable à la DGAS, sont à votre disposition pour toutes les informations complémentaires et pour trouver des réponses aux difficultés que vous pourriez rencontrer dans la mise en oeuvre de cette circulaire.

Pour le ministre et par délégation :
La directrice générale de l'action sociale, S. Leger