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Circulaire du 7 juillet 2011 relative à la qualité du droit

Paris, le 7 juillet 2011

Le Premier ministre à Monsieur le ministre d'Etat, Mesdames et Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs les secrétaires d'Etat
 

A la qualité de la règle de droit s'attachent des enjeux déterminants pour l'attractivité de notre système juridique et pour notre compétitivité économique. La sécurité juridique, la prévisibilité du droit et la simplification de règles inadaptées ou dépassées sont des attentes régulièrement exprimées par nos concitoyens et nos entreprises.
 

Chaque projet de norme nouvelle doit ainsi être soumis à un examen de nécessité et de proportionnalité aussi circonstancié que possible, au regard de ses effets prévisibles et des exigences de stabilité des situations juridiques. Son élaboration doit en outre être l'occasion d'un réexamen du bien-fondé des règles qu'il est prévu de modifier et de la cohérence d'ensemble de la réglementation correspondante.
 

D'importants progrès ont été accomplis en ce domaine, sous l'effet notamment de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et de la révision générale des politiques publiques. Ils ont été qualifiés de « changement qualitatif majeur » par le récent rapport de l'Organisation de coopération et de développement économiques intitulé « Mieux légiférer en France ».
 

Au nombre de ces avancées figurent la réalisation d'une étude d'impact à l'appui de chaque projet de loi et des textes réglementaires concernant les entreprises et les collectivités territoriales, l'adoption régulière de trains législatifs de simplification, la diversification des méthodes de consultation sur les projets de réglementation, une nette amélioration des résultats obtenus dans l'application des lois et la transposition des directives européennes.
 

Ces progrès doivent être non seulement consolidés mais amplifiés. Je souhaite qu'ils le soient selon deux axes d'effort principaux.
 

D'une part, le pilotage de la production normative doit se perfectionner, de manière à mieux assurer l'application des lois et la mise en œuvre des réformes. L'organisation de chaque département ministériel doit à cet effet être adaptée pour permettre, en relation étroite avec le secrétariat général du Gouvernement, une programmation précoce des différentes étapes du cheminement des textes identifiés comme prioritaires et un suivi dynamique de ce cheminement.
 

D'autre part, l'intervention de règles de droit nouvelles doit être plus systématiquement subordonnée à l'examen de critères tirés des principes de proportionnalité et de cohérence de l'ordonnancement juridique. Il est en particulier nécessaire de tirer les conséquences des nouvelles règles de partage de l'ordre du jour parlementaire, en veillant à laisser à l'écart des projets de loi toute disposition à caractère réglementaire. La démarche d'évaluation doit donner lieu dans chaque ministère comme au niveau interministériel à une mutualisation des méthodes et des ressources disponibles. La pratique, en cours d'expérimentation, qui consiste à accompagner la publication d'un décret d'une notice expliquant en des termes accessibles à la généralité des citoyens l'objet et la portée du texte ainsi que ses conditions d'entrée en vigueur, a fait ses preuves. Elle doit être généralisée à l'ensemble des décrets réglementaires.
 

Je vous demande de veiller à la mise en œuvre des instructions détaillées en annexe de la présente circulaire, qui remplace les circulaires des 26 août et 30 septembre 2003 relatives à la qualité du droit. Le respect de ces disciplines est de la responsabilité première du ministère à l'origine d'un projet de règle nouvelle.

 

A N N E X E S
 

 

A N N E X E I
PILOTAGE DE L'ACTIVITÉ NORMATIVE
Organisation du pilotage par département ministériel

La production normative est devenue un exercice sous forte contrainte :
― elle doit assurer le respect d'échéances diverses : priorités politiques définies par le Gouvernement, échéances de transposition des directives, respect du délai raisonnable pour l'application des lois et du délai d'habilitation pour l'adoption des ordonnances, dates communes d'entrée en vigueur pour les textes concernant les entreprises...
― elle doit en même temps se plier à un ensemble de disciplines destinées à mieux maîtriser le volume et l'impact des règles nouvelles : consultations préalables à caractère généraliste ou spécialisé, notamment celle, désormais fréquente, du commissaire à la simplification et de la commission consultative d'évaluation des normes applicables aux collectivités locales ; réalisation d'études et de fiches d'impact...
Un ministère ne peut concilier ces différentes contraintes s'il n'est pas doté d'un dispositif de pilotage robuste.
Concrètement, il lui faut disposer d'une structure centrale de coordination, qui maîtrise la vision d'ensemble des échéances et connaisse l'état des textes à leurs différents stades d'élaboration :
― en interne, elle a une mission d'alerte sur le respect des différents délais et peut en outre aider les services producteurs de textes à mieux maîtriser les contraintes procédurales (par exemple en construisant un calendrier des consultations requises) ;
― vers l'extérieur, elle est l'interlocuteur des autorités et services en charge de la programmation interministérielle.
 

Cette fonction revient normalement à la direction des affaires juridiques du ministère. D'autres formes d'organisation sont possibles, en fonction des spécificités ministérielles. Mais quel que soit le choix retenu, il est nécessaire qu'il existe une structure unique compétente pour l'ensemble du ministère, placée sous l'autorité du haut fonctionnaire chargée de la qualité de la réglementation. Et il faut que son responsable puisse accéder à l'ensemble des informations relatives à la production normative du ministère cheminant dans le système d'organisation en ligne des opérations normatives (SOLON).
 

Pour indispensable qu'elle soit, cette centralisation n'est pas suffisante. L'expérience montre qu'elle ne peut atteindre son objectif s'il n'existe pas, dans chaque service producteur, une conscience et une connaissance suffisantes des contraintes et des écueils de la production normative.
 

Enfin, il arrive fréquemment ― c'est l'une des faiblesses manifestes de notre organisation ― que la responsabilité de la production d'un texte ne soit pas pleinement assumée d'un bout à l'autre de la chaîne conduisant à sa publication. Il en résulte de fréquents « temps morts », un projet de texte restant en consultation dans un autre ministère ou en suspens après la consultation du Conseil d'Etat, sans qu'aucune autorité précisément identifiée se sente en charge de son sort.
 

C'est la raison pour laquelle le dossier accompagnant chaque projet de texte devra désormais faire apparaître l'identité du fonctionnaire de la direction productrice, de préférence du rang de sous-directeur ou de chef de bureau, qui sera « responsable » du projet d'un double point de vue : il pourra certifier que les préoccupations de qualité de la production juridique ont été prises en compte ; il vérifiera la pertinence de la programmation ; il devra, directement ou par l'intermédiaire de son directeur, faire les diligences requises s'il apparaît que le projet de texte subit des retards injustifiés. C'est lui que les services du Premier ministre (secrétariat général du Gouvernement ou secrétariat général des affaires européennes) ou la structure centrale de coordination alerteront en cas de détection d'une difficulté ou d'un retard.
 

Cette responsabilisation des directions productrices doit être regardée comme le corollaire nécessaire de la grande dispersion de la production normative qui caractérise le système français, par opposition aux Etats dotés de services spécialisés.

Procédure de programmation des textes prioritaires

La programmation des décrets d'application des lois, des mesures nationales d'exécution des directives européennes et de l'entrée en vigueur des textes concernant les entreprises est arrêtée par les services du Premier ministre selon les procédures définies, respectivement, par les circulaires des 27 septembre 2004, 29 février 2008 et 23 mai 2011.
 

La conjonction des contraintes évoquée plus haut fait que ce travail de programmation doit être réalisé de manière plus précoce que ce n'était jusqu'ici l'usage.
En pratique, la programmation des décrets d'application des lois sera désormais engagée dès le stade de la mise au point de la rubrique de l'étude d'impact du projet de loi en dressant la liste prévisionnelle. Les directions responsables seront identifiées lors de la réunion de relecture du projet de loi précédant l'inscription à l'ordre du jour du conseil des ministres. Cette programmation sera actualisée si l'impact des évolutions que connaîtra le texte lors de la discussion parlementaire le justifie.
 

Le suivi de sa mise en œuvre donne lieu à actualisation régulière sur le portail interministériel de la qualité et de la simplification du droit.

Dispositions relatives au recueil des contreseings

Les retards pris dans la procédure d'élaboration des décrets au stade du recueil des contreseings sont un problème identifié de longue date. Ils sont d'autant moins acceptables qu'ils obligent ensuite fréquemment à déclencher des procédures d'urgence pour respecter des échéances de publication liées à des contraintes politiques ou juridiques.
 

En droit, il convient de rappeler que la fonction du contreseing est de permettre au ministre contresignataire, qui n'a pas la qualité de coauteur du décret, de s'assurer que ses services sont prêts à le mettre en œuvre. Il s'y ajoute que le recueil de certains contreseings ne procède pas d'une exigence constitutionnelle, mais d'un souci de bonne administration, dont il serait paradoxal qu'il soit cause de retards injustifiés. Enfin, une large part des textes soumis au contreseing sont le résultat d'un travail interministériel et il n'y a donc pas lieu de reprendre leur examen au fond au stade du contreseing.
 

Ces délais inutiles doivent être abrégés, en appliquant les règles suivantes pour les décrets nécessaires à l'application d'une loi ou à la transposition d'une directive :
― pour les décrets en Conseil d'Etat, sauf divergence signalée au secrétariat général du Gouvernement dans la semaine qui suit l'examen du texte par le Conseil d'Etat, un délai maximum d'un mois devra être respecté entre la date de délivrance de la minute du Conseil d'Etat et la date de signature du texte ;
― pour les décrets simples ayant fait l'objet d'un arbitrage ou d'un accord interministériel matérialisé par le compte rendu d'une réunion interministérielle, le même délai courra à compter de la date de diffusion du compte rendu ou de la dernière consultation nécessaire.
 

Le secrétariat général du Gouvernement est chargé de revoir avec les bureaux des cabinets les opérations de recueil des contreseings, afin qu'elles soient compatibles avec ces règles.
Il lui est par ailleurs demandé de veiller à la bonne hiérarchisation de la production réglementaire des ministères, et de traiter prioritairement les textes présentant un enjeu politique ou juridique.

A N N E X E I I
DISCIPLINES À SUIVRE DANS L'ÉLABORATION
DE PROJETS DE RÉGLEMENTATION

En sus des règles énoncées par le guide pour l'élaboration des textes législatifs et réglementaires (accessible sur la page d'accueil de Légifrance), sont à respecter les obligations suivantes, que les hauts fonctionnaires chargés de la qualité de la réglementation ont la responsabilité de promouvoir au sein de leur département ministériel dans l'exercice de leurs missions de pilotage de la production normative, de conseil aux services rédacteurs, voire de supervision d'actions de formation.

Respect du partage entre les domaines de la loi et du règlement

L'élaboration de l'étude d'impact d'un projet de loi doit être l'occasion d'accorder une attention particulière au respect du partage entre les domaines respectifs de la loi et du règlement opéré par les articles 34 et 37 de la Constitution.
Si nécessaire, le secrétariat général du Gouvernement ajuste en conséquence, avec l'accord de mon cabinet, les projets de texte en cours d'élaboration, y compris au stade de la mise au point préalable à la saisine du Conseil d'Etat.

Exigences d'évaluation préalable

L'analyse de la nécessité, de la proportionnalité et des effets prévisibles des règles de droit nouvelles est une méthode à laquelle l'administration doit s'attacher dans l'élaboration de toute norme législative ou réglementaire.

Pour les projets de loi, elle s'effectue selon les méthodes définies par la circulaire du 15 avril 2009 relative à la procédure législative et, pour les projets de texte réglementaire, selon les méthodes fixées par la circulaire du 17 février 2011 relative à la simplification des normes concernant les collectivités territoriales et les entreprises ainsi que par la circulaire du 23 mai 2011 relative aux dates communes d'entrée en vigueur des normes concernant les entreprises.
 

Chaque département ministériel a la responsabilité de développer dans son champ de compétence les ressources utiles à ces travaux. Le secrétariat général du Gouvernement anime le réseau de ces pôles ministériels de ressources.

Consolidation des projets de texte législatifs et réglementaires

Seule est de nature à garantir la correcte rédaction d'un projet de texte modificatif et à prévenir les risques de malfaçon la pratique consistant pour le rédacteur à élaborer conjointement ce projet et la version du ou des textes modifiés en résultant.
Dans l'hypothèse où un projet de texte modifie un texte existant, son élaboration doit donner lieu à la mise au point d'un document faisant apparaître les dispositions qu'il s'agit de réformer dans leur version résultant du projet, sous la forme de modifications apparentes. Ce document sera actualisé tout au long du cheminement du projet de texte et constituera une base de travail pour le travail interservices et interministériel.

Composition des dossiers de saisine du Conseil d'Etat et du secrétariat général du Gouvernement

Sous peine de report de l'instruction, les dossiers des projets de décret soumis à l'examen du Conseil d'Etat ou transmis au secrétariat général du Gouvernement en vue de leur publication comprennent :
― une fiche recensant l'ensemble des consultations obligatoires et mentionnant la date à laquelle il y a été ou sera procédé, à laquelle sont joints les avis rendus ou, à défaut, les lettres de saisine des organismes consultés ;
― une fiche présentant les conditions d'application outre-mer du projet de texte et les consultations qui s'en déduisent ;
― une fiche exposant le raisonnement tenu quant à la nécessité de mesures transitoires et leurs modalités ;
― pour les projets de décret modifiant les textes en vigueur, la version consolidée du texte modifié en faisant apparaître les modifications en corrections apparentes ;
― en cas de transposition de directive, un tableau de concordance entre les dispositions de droit de l'Union à mettre en œuvre et le droit national établi suivant le modèle figurant dans le guide pour l'élaboration des textes législatifs et réglementaires ;
― dans l'hypothèse où le projet créerait ou réformerait une commission consultative, l'étude de nécessité prévue par l'article 2 du décret n° 2006-62 du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif. L'étude fait apparaître avec précision l'adéquation de ce projet avec les termes de la circulaire du 8 décembre 2008 relative à la modernisation de la consultation, en prenant appui sur la base de données des instances existantes régulièrement actualisée par le secrétariat général du Gouvernement et consultable sur le portail interministériel de la qualité et de la simplification du droit.

Production d'une notice explicative à l'appui des décrets réglementaires

La publication des décrets réglementaires, d'une part, et de certains arrêtés réglementaires, dont ceux concernant les entreprises, d'autre part, s'accompagne d'une notice explicative, c'est-à-dire d'un document synthétique destiné à éclairer le lecteur du Journal officiel de la République française sur la portée du texte nouveau. La notice se substitue au rapport de présentation, hors les cas où celui-ci est prévu par les textes, comme dans le cas des rapports de présentation des ordonnances.
 

Une notice n'est ni un support de communication ni un commentaire juridique : sa seule vocation est de donner une information fiable et accessible sur la nature et la portée des mesures susceptibles d'intéresser directement les destinataires des textes. Sa mise au point est l'occasion pour l'administration qui en a la charge de faire l'effort, dès le stade de son élaboration, de se placer du point de vue de ces derniers pour apprécier les effets qu'ils en percevront.
 

La notice doit éclairer ses destinataires sur la portée du texte. Il est préconisé de la concevoir comme un document court (une demi-page).
 

La rubrique « Objet » caractérise, en un nombre limité de mots-clés, l'objet du texte. Sa mise au point ne dispense pas le rédacteur de prêter une attention particulière à l'intitulé du texte qui est un élément déterminant pour sa compréhension.
 

La rubrique « Entrée en vigueur » indique si les règles nouvelles affectent des situations en cours. Elle détaille, le cas échéant, les mécanismes d'entrée en vigueur différée ainsi que, s'il y a lieu, le calendrier des mesures transitoires. Dans le cas où l'entrée en vigueur du texte est régie par la règle de droit commun de l'article 1er du code civil, il est indiqué : « Le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication. »
 

La rubrique « Notice » doit être rédigée dans une langue d'usage courant. Elle doit être compréhensible pour un public qui, tout en prêtant intérêt à la réforme, n'est pas nécessairement par avance averti de ses tenants et aboutissants. Au cas où plusieurs catégories de destinataires sont potentiellement concernées (professionnels, particuliers, ...), la rédaction doit être conçue pour être accessible au public le moins averti.
 

Cette rubrique doit exposer de manière précise et concise l'objet de la réforme emportée par le texte. En cas de texte modificatif, on s'attachera à y faire apparaître la portée des innovations que celui-ci emporte.
 

La rubrique « Références » précise que le texte modifié peut être consulté sur Légifrance (exemple : « le texte modifié par le présent décret peut être consulté, dans sa rédaction issue de cette modification, sur le site

Légifrance [http://www.legifrance.gouv.fr] »). Le cas échéant, elle donne la référence des normes de rang supérieur (directives, lois) dont le texte fait application (exemple 1 : « Le présent décret est pris pour l'application de l'article x de la loi n° xxxx-xx du 00/00/xxxx. » ; exemple 2 : « Le présent décret met en œuvre l'article x de la directive xxxx-xx du 00/00/xxxx. »).

 

Source : JORF n°0157 du 8 juillet 2011