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Conseil d'Etat, 12 juillet 1995, MINISTRE DU BUDGET / M. X

N° 140588

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le recours du MINISTRE DU BUDGET enregistré le 20 août 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DU BUDGET demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 18 juin 1992, par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a annulé le jugement du 29 novembre 1990 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. X tendant à l'annulation de la décision du 3 octobre 1985 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de réviser sa situation administrative et sa pension de retraite sur la base du 3ème échelon du grade de commissaire de police ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code du service national ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Hourdin, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.103 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : "La période durant laquelle le réfractaire aura dû vivre hors-la-loi est considérée comme service militaire actif" ; qu'aux termes de l'article L.63 du code du service national : " ... Le temps de service national actif ... est compté, dans la fonction publique, pour sa durée effective dans le calcul de l'ancienneté de service exigée pour l'avancement et pour la retraite ..." ; que, selon l'article L.15 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "Les émoluments de base sont constitués par les derniers émoluments soumis à retenue afférents à l'indice correspondant à l'emploi, grade, classe et échelon effectivement détenus depuis six mois au moins par le fonctionnaire ou militaire au moment de la cessation des services valables pour la retraite ..." ; et que, en vertu de l'article L.55 du même code : "La pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : A tout moment en cas d'erreur matérielle ; dans un délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit" ; que si cette dernière disposition permet notamment de redresser toute erreur de droit concernant la détermination de la situation administrative du fonctionnaire retraité au jour de son admission à la retraite et ayant eu une influence sur la liquidation de sa pension, il appartient à l'autorité chargée de cette liquidation de vérifier, sous le contrôle de la juridiction administrative, l'existence et la portée des erreurs alléguées, sans que les intéressés puissent se prévaloir de droits acquis qu'ils tiendraient d'actes intervenus postérieurement à la date de leur admission à la retraite et modifiant rétroactivement leur situation administrative à cette date, pour des motifs autres que l'exécution d'une loi, d'un règlement ayant légalement un effet rétroactif ou d'une décision du juge de l'excès de pouvoir ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que M. X, commissaire divisionnaire de police, au 3ème échelon de son grade depuis le 2 octobre 1981, admis à la retraite le 9 décembre 1981, était fondé à demander le réexamen de sa situation administrative et la révision subséquente de sa pension de retraite au motif que son avancement au 3ème échelon aurait dû intervenir à une date antérieure, en application des dispositions précitées de l'article L.103 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et de l'article L63 du code du service national, qui assimilent à des services militaires la période du 12 octobre 1942 au 26 août 1944, pendant laquelle il était réfractaire, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, être annulé ;

Considérant que, conformément à l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, pour demander, en vertu de l'article L.15 du code des pensions civiles et militaires de retraite, la révision de la pension qui leur a été concédée, les pensionnés ne peuvent se prévaloir de droits acquis qu'ils tiendraient d'actes intervenus postérieurement à la date de leur admission à la retraite et modifiant rétroactivement leur situation administrative à cette date, pour des motifs autres que l'exécution d'une loi ou d'un règlement ayant légalement un effet rétroactif ou d'une décision du juge de l'excès de pouvoir ;

Considérant que la pension de M. X, qui ne justifiait pas, à la date de sa radiation des cadres le 9 décembre 1981, de six mois d'ancienneté dans le troisième échelon de grade des commissaires divisionnaires de police, a été liquidée, conformément à l'article L.15 du code précité, sur la base des émoluments afférents au 2ème échelon de son grade ; que si, postérieurement à sa radiation des cadres, l'intéressé s'est vu décerner, à sa demande, le 5 février 1985 par le préfet de la région Alsace, le titre de "patriote réfractaire à l'annexion de fait" et s'est vu reconnaître par l'autorité militaire le 12 décembre 1985 la qualité de réfractaire à l'armée allemande, ces décisions n'ont été prises pour aucun des motifs susindiqués ; que, par suite, M. X n'est, en tout état de cause, pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement du 29 novembre 1990, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 octobre 1985 par laquelle le ministre de l'intér
ieur a refusé de réviser sa situation administrative et ses droits à pension ;

DECIDE :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 18 juin 1992 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant la cour administrative d'appel de Nancy est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à M. X.