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Conseil d'Etat, 17 février 2012, n° 331277 (Vaccination contre l'hépatite B - facteur aggravant de l'état de santé - responsabilité)

Mme A a subi, dans le cadre de l'obligation vaccinale liée à son activité professionnelle, trois injections d'un vaccin anti-hépatite B ; qu'ayant développé une sclérose en plaques, elle a recherché la responsabilité de l'Etat à raison de cette affection qu'elle impute à la vaccination obligatoire. Le Ministre chargé de la santé a estimé que "la vaccination pouvait être considérée comme un facteur aggravant de l'état de santé" de Mme A et lui a proposé une rente annuelle viagère de 60 000 francs. Estimant ce montant insuffisant, Mme A a saisi le Tribunal administratif de Toulouse d'une demande d'indemnisation de ses préjudices qui a rejeté sa demande. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 juin 2009 de la Cour administrative d'appel de Bordeaux qui a confirmé le rejet de sa demande par le Tribunal administratif.

La Cour casse et annule l'arrêt en date du 30 juin 2009 pour les motifs suivants : "considérant que le fait qu'une personne ait manifesté des symptômes d'une sclérose en plaque antérieurement à la vaccination contre l'hépatite B qu'elle a reçue n'est pas, par lui-même, de nature à faire obstacle à ce que soit recherchée l'imputabilité de l'aggravation de cette affection à la vaccination ; que le lien direct entre la vaccination et l'aggravation de la pathologie doit être regardé comme établi lorsque des signes cliniques caractérisées d'aggravation sont apparus dans un bref délai à la suite d'une injection et que la pathologie s'est, à la suite de la vaccination, développée avec une ampleur et un rythme qui n'étaient pas normalement prévisibles au vu des atteintes que présentait la personne antérieurement à celle-ci".

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 août et 30 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Michèle A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08BX00582 du 30 juin 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 014544 du 28 décembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices résultant de sa vaccination contre l'hépatite B ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de Mme A, de la SCP Roger, Sevaux, avocat de l'Office national de l'indemnisation des accidents médicaux et de Me Foussard, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Defrenois, Levis, avocat de Mme A, à la SCP Roger, Sevaux, avocat de l'Office national de l'indemnisation des accidents médicaux et à Me Foussard, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A a subi, dans le cadre de l'obligation vaccinale liée à son activité professionnelle, trois injections d'un vaccin anti-hépatite B, en septembre, octobre et novembre 1992, puis un rappel le 28 septembre 1993 ; qu'ayant développé une sclérose en plaques, elle a recherché, sur le fondement de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, la responsabilité de l'Etat à raison de cette affection qu'elle impute à la vaccination obligatoire ; que le ministre chargé de la santé, après avoir recueilli l'avis de la commission de règlement amiable des accidents vaccinaux, a estimé que la vaccination pouvait être considérée comme un facteur aggravant de l'état de santé de Mme A et lui a proposé, par décision du 13 juillet 2001, une rente annuelle viagère de 60 000 francs ; qu'estimant ce montant insuffisant, Mme A a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande d'indemnisation de ses préjudices et se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé le rejet de sa demande par le tribunal administratif ; qu'après son décès, ses héritiers ont repris l'instance ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que le fait qu'une personne ait manifesté des symptômes d'une sclérose en plaque antérieurement à la vaccination contre l'hépatite B qu'elle a reçue n'est pas, par lui-même, de nature à faire obstacle à ce que soit recherchée l'imputabilité de l'aggravation de cette affection à la vaccination ; que le lien direct entre la vaccination et l'aggravation de la pathologie doit être regardé comme établi lorsque des signes cliniques caractérisés d'aggravation sont apparus dans un bref délai à la suite d'une injection et que la pathologie s'est, à la suite de la vaccination, développée avec une ampleur et à un rythme qui n'étaient pas normalement prévisibles au vu des atteintes que présentait la personne antérieurement à celle-ci ; que la cour administrative d'appel, qui a relevé que les premières manifestations de la sclérose en plaques dont Mme A a été reconnue atteinte étaient apparues avant la première injection du 8 septembre 1992, ne pouvait, par suite, sans erreur de droit, écarter toute imputabilité de l'aggravation de la pathologie de Mme A à la vaccination au seul motif que la maladie s'était déclarée antérieurement à celle-ci ; que son arrêt doit par suite être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros que M. Jean A, M. Jérôme A, Mlle Virginie A et Mlle Marine A demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens , ainsi que la somme de 1500 euros que demande la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne au même titre ;

D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 30 juin 2009 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : L'Etat versera à M. Jean A, M. Jérôme A, Mlle Virginie A et Mlle Marine A la somme de 3000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean A, M. Jérôme A, Mlle Virginie A et Mlle Marine A, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne et à l'Office national de l'indemnisation des accidents médicaux.