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Conseil d'État, 19 décembre 2007, n° 282091 (Candidature d'un médecin au poste de praticien hospitalier à temps plein)

En l’espèce, un médecin qui a été reçu au concours national de praticien hospitalier et qui est inscrit sur la liste d’aptitude publiée au JO, a présenté sa candidature au poste de praticien hospitalier à temps plein auprès d’un centre hospitalier ; candidature qui a fait l’objet d’une décision implicite de rejet confirmée par le silence gardé par le ministre de la santé à la suite du recours gracieux qu’il avait formé. Le CE a considéré que la CAA de Nantes a relevé à bon droit que la procédure de recrutement des PH ne confère aucun droit à nomination par le ministre, mais a commis une erreur de droit en se bornant à examiner si la décision du ministre avait privé ce médecin d’une perte de chance de présenter une candidature ultérieure, sans rechercher si ce dernier avait perdu une chance d’être nommé dans ce CH.

Conseil d'État
5ème et 4ème sous-sections réunies

N° 282091   

Inédit au recueil Lebon

M. Delarue, président

M. Marc Lambron, rapporteur

M. Terry Olson, commissaire du gouvernement

SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats

Lecture du mercredi 19 décembre 2007

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 juillet et 4 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Eustathios A, demeurant ... ;

M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 4 février 2005, en tant que, par cet arrêt, la cour administrative d'appel de Nantes a, tout en annulant, d'une part, le jugement du 26 février 2003 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de la décision implicite du ministre chargé de la santé rejetant la candidature de l'intéressé au poste de praticien hospitalier à temps plein dans le service de chirurgie générale, endocrinienne et digestive du centre hospitalier régional d'Orléans-la-Source, d'autre part, la décision implicite précitée, rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 152 000 euros en réparation des préjudices personnel, moral et professionnel qu'il a subis ainsi que du trouble dans ses conditions normales d'existence du fait de la faute commise de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

2°) réglant l'affaire au fond, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 152 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 1998 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 84-131 modifié du 24 février 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Lambron, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, reçu au concours national de praticien hospitalier en 1994 et inscrit sur la liste d'aptitude publiée au Journal officiel le 11 février 1995, a présenté sa candidature au poste de praticien hospitalier à temps plein dans le service de chirurgie générale, endocrinienne et digestive du centre hospitalier d'Orléans-la-Source ; que sa candidature a fait l'objet d'une décision implicite de rejet, confirmée par le silence gardé par le ministre de la santé à la suite d'un recours gracieux du 10 avril 1998 ; que la cour administrative d'appel de Nantes, statuant sur l'appel formé par l'intéressé contre le jugement du 26 février 2003 du tribunal administratif d'Orléans qui avait rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision ainsi que ses conclusions indemnitaires, a par un arrêt du 4 février 2005 annulé cette décision au motif que le ministre, en nommant un autre praticien sur le poste sur lequel M. A s'était porté candidat alors même que la candidature de ce praticien n'avait fait l'objet ni d'un examen ni d'un avis motivé de la commission médicale d'établissement, et que par suite la commission statutaire nationale n'avait pu donner, sans violer les dispositions de l'article 13 du décret du 24 février 1984, portant statut des praticiens hospitaliers, un avis favorable à sa nomination, avait commis une erreur de fait et une erreur de droit ; que la cour a, toutefois, rejeté les conclusions de M. A tendant au versement d'une indemnité ; que ce dernier se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a rejeté ces conclusions indemnitaires ;

Considérant que la cour a relevé à bon droit que la procédure de recrutement des praticiens hospitaliers ne confère aucun droit à nomination par le ministre, quand bien même les candidats auraient-ils reçu l'aval de la commission médicale d'établissement et de la commission statutaire nationale ; que, toutefois, en se bornant à examiner si la décision du ministre avait privé M. A d'une chance de faire acte de candidature ultérieurement, sans rechercher s'il avait perdu une chance d'être nommé au centre hospitalier d'Orléans-la-Source où il exerçait auparavant comme contractuel, la cour a entaché d'erreur de droit l'arrêt susvisé en date du 4 février 2005, dont le requérant, dès lors, est fondé à demander l'annulation en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, exerçait les fonctions de praticien hospitalier en qualité de contractuel depuis 1993 au centre hospitalier d'Orléans-la-Source, dont l'expérience médicale n'était pas contestée, et qui avait d'ailleurs bénéficié d'un avis favorable de la commission médicale d'établissement par soixante voix en sa faveur et une abstention le plaçant très en avant des trois autres postulants, avait des chances sérieuses d'accéder audit poste, n'eût été la décision qui l'en a illégalement privé, compte étant tenu, par surcroît, de ce que le poste qu'il briguait, redevenu vacant à la suite de la démission immédiate de son nouveau titulaire, n'a pas été remis au concours ; que toutefois l'intéressé a retrouvé un emploi de praticien hospitalier dans un autre établissement ; que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation des préjudices financiers, moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par le requérant, lequel est fondé à demander l'annulation du jugement susvisé du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires, en l'évaluant à une somme de 20 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 1998, date de réception par l'administration de sa demande préalable d'indemnité ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


D E C I D E :

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 4 février 2005 et le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 26 février 2003 sont annulés en tant qu'ils ont rejeté les conclusions indemnitaires de M. A.

Article 2 : L'Etat versera à M. A une somme de 20 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 1998.

Article 3 : L'Etat versera à M. A une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Eustathios A et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.