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Conseil d'Etat, 19 octobre 2005, Renaud B. (praticien hospitalier - indemnité pour activité dans plusieurs établissements - établissements rassemblés sur un site unique)

 

Un praticien hospitalier exerçant ses activités pour le compte de deux établissements, mais rassemblés sur un site hospitalier unique, ne peut se voir refuser l'indemnité pour activité dans plusieurs établissements pour cet unique motif :

[...] Considérant qu'il résulte de ces dispositions que si l'éloignement géographique des établissements entre lesquels un praticien hospitalier partage son activité est au nombre des éléments d'appréciation qui peuvent être retenus pour attribuer à un praticien l'indemnité pour activités dans plusieurs établissements, l'éloignement ne constitue pas une condition nécessaire d'une telle attribution [...]

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 juillet et 20 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B., demeurant (...) ; M. B. demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 5 mai 2004 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant d'une part à l'annulation de la décision du 18 juillet 2002 du directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation de Poitou-Charentes lui refusant le bénéfice de la prime multi-sites, et de la décision du 24 septembre 2002 rejetant son recours gracieux, d'autre part à ce qu'il soit enjoint sous astreinte audit directeur de lui octroyer l'indemnité ou, à tout le moins, de procéder à un nouvel examen de sa demande ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 84-131 du 24 février 1984 modifié, notamment par le décret n° 99-563 du 6 juillet 1989, portant statut des praticiens hospitaliers ;
Vu l'arrêté du 17 octobre 2001 relatif à l'activité exercée dans plusieurs établissements par différentes catégories de personnels médicaux, odontologiques et pharmaceutiques et précisant, d'une part, les conditions d'application de cette disposition, d'autre part le montant et les conditions d'attribution à certains de ces praticiens, médecins, odontologistes ou pharmaciens, de l'indemnité prévue pour l'exercice de cette activité ;
Vu le code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller statue en audience publique et après audition du commissaire du gouvernement…2° sur les litiges relatifs à la situation des fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que des agents ou employés de la Banque de France, à l'exception de ceux concernant l'entrée au service, la discipline et la sortie du service » ; qu'aux termes de l'article R. 811-1 du même code : « …dans les litiges énumérés aux 1°, 4°, 5°, 6°, 7°, 8°, et 9°, de l'article R. 222-13, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. Il en va de même pour les litiges visés aux 2° et 3° de cet article, sauf pour les recours comportant des conclusions tendant au versement ou à la décharge de sommes d'un montant supérieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15…. » ; que ce montant est fixé à 8 000 euros par l'article R. 222-14 précité ; que le litige soumis par M. B. au tribunal administratif de Poitiers, tendait au versement de l'indemnité instituée par l'article 28 du décret du 24 février 1984 au bénéfice des praticiens hospitaliers pour un montant inférieur à 8 000 euros ; que le Conseil d'Etat est, par suite, compétent pour connaître du jugement rendu par le tribunal administratif sur ce litige par la voie de la cassation ;

Considérant qu'aux termes de l'article 28 du décret du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers, dans sa rédaction alors en vigueur, les praticiens perçoivent, après service fait : « 5° Une indemnité pour activité dans plusieurs établissements, versée pour favoriser le développement de la mise en réseau des établissements visés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions relatives à la fonction publique hospitalière et les actions de coopération mentionnées à l'article L. 713-12 du code de la santé publique. Un arrêté des ministres chargés de la santé et du budget détermine les conditions d'attribution et le montant de cette indemnité » ; qu'aux termes de l'article 6 de l'arrêté interministériel pris pour l'application de ce décret : « (…) cette indemnité peut être versée pour une activité exercée sur plusieurs établissements, à condition que cette activité représente un engagement du praticien représentant au minimum, en moyenne, deux demi-journées hebdomadaires
d'activités réalisées en dehors de son établissement de rattachement. » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que si l'éloignement géographique des établissements entre lesquels un praticien hospitalier partage son activité est au nombre des éléments d'appréciation qui peuvent être retenus pour attribuer à un praticien l'indemnité pour activités dans plusieurs établissements, l'éloignement ne constitue pas une condition nécessaire d'une telle attribution ; que par suite, en jugeant que le directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation de Poitou-Charentes était tenu de refuser cette indemnité à M. B. dès lors qu'il exerçait ses activités pour le compte de deux établissements sur un site hospitalier unique, le tribunal administratif de Poitiers a entaché son jugement d'une erreur de droit ; que dès lors, M. B. est fondé à en demander l'annulation ;

Considérant que, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il ressort des termes de la décision du 18 juillet 2002 que le directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation de Poitou-Charentes s'est cru tenu de refuser l'indemnité dès lors que les deux services dans lesquels le docteur B. exerçait ses fonctions étaient implantés dans le même établissement ; que pour les motifs exposés ci-dessus cette décision était illégale ; que M. B.est fondé à en demander l'annulation ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. B. :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ;

Considérant que si la présente décision n'implique pas nécessairement l'octroi de cette indemnité à M. B., il appartient à l'administration de réexaminer la demande de l'intéressé au regard des motifs de la présente décision dans un délai de deux mois ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Agence régionale de l'hospitalisation de Poitou-Charentes la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. B. tant devant le tribunal administratif de Poitiers que devant le Conseil d'Etat ;

DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 5 mai 2004 du tribunal administratif de Poitiers et les décisions du 18 juillet 2002 et du 24 septembre 2002 du directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation de Poitou-Charentes sont annulés.
Article 2 : L'Agence régionale de l'hospitalisation de Poitou-Charentes réexaminera la demande de M. B. au regard des motifs de la présente décision dans un délai de deux mois.
Article 3 : L'Agence régionale de l'hospitalisation de Poitou-Charentes versera à M. B. la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Renaud B. au directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation de Poitou-Charentes et au ministre de la santé et des solidarités.