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Conseil d'État, 1er mars 2006, Daniel X ( compétence du directeur d’établissement en matière de mesure de suspension des activités d’un chef de service – mis en péril de la continuité du service et sécurité des patients )

Dans des circonstances exceptionnelles et eu égard à l’urgence, le directeur d’un établissement public de santé peut, pour assurer la continuité du service et prévenir de graves incidents, légalement décider de suspendre un praticien de ses activités thérapeutiques et cliniques au sein du centre hospitalier en raison de son comportement.
Le directeur de l’établissement devra en référer immédiatement aux autorités compétentes pour prononcer la nomination du praticien concerné. « [...] Considérant qu'aux termes de l'article 25 du décret du 24 février 1984 portant statut des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires : « Lorsque l'intérêt du service l'exige, la suspension d'un agent qui fait l'objet d'une procédure disciplinaire peut être prononcée par arrêté conjoint des ministres respectivement chargés des universités et de la santé » ; que toutefois, dans des circonstances exceptionnelles où sont mis en péril la continuité du service et la sécurité des patients, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le chef d'établissement puisse sur le fondement de ses attributions de conduite générale de l'établissement et de son autorité sur l'ensemble du personnel qui résultent de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique prendre, sous le contrôle du juge, une mesure de suspension des activités cliniques et thérapeutiques et des fonctions de chef de service d'un praticien hospitalier, à condition d'en référer immédiatement aux autorités compétentes pour prononcer la nomination du praticien concerné ; [...] "

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu l'ordonnance n° 0105397 du président du tribunal administratif de Lille, en date du 18 avril 2005, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 21 avril 2005, renvoyant au Conseil d'Etat, par application des dispositions de l'article R. 3512 du code de justice administrative, la requête présentée par M. Daniel X, demeurant ... ;
Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Lille le 15 novembre 2001, présentée par M. Daniel X ; M. X demande : 1°) l'annulation de la décision du 22 octobre 2001 du directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Lille le suspendant de toutes ses activités cliniques et thérapeutiques ainsi que de ses fonctions de chef de service de psychiatrie infantojuvénile ; 2°) la mise à la charge du centre hospitalier régional universitaire de la somme de 15 000 F (2 286,74 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la note en délibéré présentée pour M. X enregistrée le 13 février 2006 ; Vu le code de la santé publique ; Vu le décret n° 84-135 du 24 février 1984 modifié ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. JeanPhilippe Mochon, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Tiffreau, avocat de M. X ,
- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ; Considérant que M. X, professeur des universités praticien hospitalier qui exerçait à titre provisoire les fonctions de chef du service de psychiatrie infantojuvénile du centre hospitalier régional universitaire de Lille demande l'annulation de la décision du 15 novembre 2001 par laquelle le directeur général de cet établissement l'a suspendu de toutes ses activités cliniques et thérapeutiques ainsi que de ses fonctions de chef de service ; Considérant qu'aux termes de l'article 25 du décret du 24 février 1984 portant statut des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires : « Lorsque l'intérêt du service l'exige, la suspension d'un agent qui fait l'objet d'une procédure disciplinaire peut être prononcée par arrêté conjoint des ministres respectivement chargés des universités et de la santé » ; que toutefois, dans des circonstances exceptionnelles où sont mis en péril la continuité du service et la sécurité des patients, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le chef d'établissement puisse sur le fondement de ses attributions de conduite générale de l'établissement et de son autorité sur l'ensemble du personnel qui résultent de l'article L. 61437 du code de la santé publique prendre, sous le contrôle du juge, une mesure de suspension des activités cliniques et thérapeutiques et des fonctions de chef de service d'un praticien hospitalier, à condition d'en référer immédiatement aux autorités compétentes pour prononcer la nomination du praticien concerné ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le comportement de M. X, professeur des universités et praticien hospitalier remplissant les fonctions de chef de service temporaire au sein du service de psychiatrie infanto-juvénile du centre hospitalier régional et universitaire de Lille, a eu pour effet de provoquer le départ d'une proportion importante de personnels médicaux et non médicaux et de tarir le recrutement de leurs remplaçants, en particulier les nouveaux internes ; qu'une telle situation compromettait de manière grave et imminente la continuité du service et faisait courir des risques à la santé des patients ; que dans ces circonstances exceptionnelles et eu égard à l'urgence, le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Lille, qui exerce, aux termes de l'article L. 61437 du code de la santé publique, son autorité sur l'ensemble des personnels de son établissement, pouvait légalement, pour assurer la continuité du service et prévenir de graves incidents, décider à condition, comme il l'a fait en l'espèce, d'en référer immédiatement aux autorités compétentes pour prononcer la nomination du praticien concerné, de suspendre celui-ci de ses activités cliniques et thérapeutiques au sein du centre hospitalier sans qu'y fassent obstacle les dispositions susmentionnées de l'article 25 du décret du 24 février 1984 ; qu'il suit de là que les moyens tirés de ce que, le directeur général de ce centre hospitalier n'était pas compétent pour prendre la décision attaquée et de ce qu'il aurait commis une erreur d'appréciation, doivent être écartés ; Considérant que la mesure de suspension prise par le directeur général du centre hospitalier, qui a un caractère conservatoire et ne constitue pas une sanction disciplinaire, n'a pas à être précédée de la communication du dossier au praticien concerné ; Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition réglementaire ni d'aucun principe qu'une telle mesure de suspension doive être accompagnée ou suivie de l'engagement d'une procédure disciplinaire ; que le détournement de procédure allégué n'est pas établi ; Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le centre hospitalier régional universitaire de Lille, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à M. X la somme que celui-ci demande au titre de ces dispositions ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. X une somme de 2 000 euros à verser au centre hospitalier régional et universitaire de Lille ;

DECIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : M. X versera la somme de 2 000 euros au centre hospitalier régional universitaire de Lille.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Daniel X, au centre hospitalier régional universitaire de Lille et au ministre de la santé et des solidarités.