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Conseil d’État, 1er octobre 2015, n° 375356 (Fonction publique hospitalière – Stage – Titularisation – Période probatoire – Licenciement – Insuffisance professionnelle)

Aux termes de cette décision, le Conseil d'Etat affirme que "sous réserve d'un licenciement intervenant en cours de stage et motivé par ses insuffisances ou manquements professionnels, tout fonctionnaire stagiaire a le droit d'accomplir son stage dans des conditions lui permettant d'acquérir une expérience professionnelle et de faire la preuve de ses capacités pour les fonctions auxquelles il est destiné ; que la collectivité employeur ne peut, avant l'issue de la période probatoire, prendre d'autre décision que celle de licencier son stagiaire pour insuffisance professionnelle dans les conditions limitativement définies à l'article 9 du décret du 12 mai 1997 [fixant les dispositions communes applicables aux agents stagiaires de la fonction publique hospitalière] ; que ces principes ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative mette en garde, le cas échéant, le stagiaire afin qu'il sache, dès avant la fin du stage, que sa titularisation peut être refusée si l'appréciation défavorable de l'administration sur sa manière de servir se confirme à l'issue de cette période, ni à ce qu'elle l'informe, dans un délai raisonnable avant la fin du stage, de son intention de ne pas le titulariser".

 

Conseil d'État

N° 375356   

6ème / 1ère SSR
M. Cyrille Beaufils, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public

SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP LEVIS, avocats

lecture du jeudi 1 octobre 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Vu la procédure suivante :

Mme X. a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 25 juin 2012 par laquelle le directeur du centre hospitalier Y.  a mis fin à son stage en qualité d'agent des services hospitaliers qualifié et l'a radiée des cadres du centre hospitalier à compter du 1er juillet 2012. Par un jugement n° 1205015 du 17 avril 2013, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, fait droit à sa demande et, d'autre part, enjoint au directeur de ce centre hospitalier de procéder à la réintégration de Mme X. en qualité d'agent des services hospitaliers qualifié stagiaire à compter du 1er juillet 2012 et de réexaminer ses droits à une éventuelle titularisation dans le corps des agents des services hospitaliers qualifiés, dans un délai d'un mois à compter de la notification de son jugement.

Par un arrêt n° 13DA00820 du 10 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par le centre hospitalier Y. contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 février et 2 mai 2014 et le 6 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre hospitalier Y. demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de Mme X. la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 97-487 du 12 mai 1997 ;
- le décret n° 2007-1188 du 3 août 2007 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du centre hospitalier Y.  et à la SCP Lévis, avocat de Mme X. ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " (...) L'agent peut être licencié au cours de la période de stage après avis de la commission administrative paritaire compétente, en cas de faute disciplinaire ou d'insuffisance professionnelle. Dans ce dernier cas, le licenciement ne peut intervenir moins de six mois après le début du stage " ; qu'aux termes de l'article 7 du décret du 12 mai 1997 fixant les dispositions communes applicables aux agents stagiaires de la fonction publique hospitalière : " La durée normale du stage et les conditions dans lesquelles elle peut éventuellement être prorogée sont fixées par le statut particulier du corps dans lequel l'agent stagiaire a vocation à être titularisé. / Sous réserve de dispositions contraires des statuts particuliers et du présent décret, la durée normale du stage est fixée à un an. (...) " ; que, selon l'article 9 de ce décret : " L'agent stagiaire ne peut être licencié pour insuffisance professionnelle que lorsqu'il a accompli un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. / La décision de licenciement est prise après avis de la commission administrative paritaire prévue à l'article 34 du présent décret, sauf dans le cas où l'aptitude professionnelle doit être appréciée par un jury. (...) " ; qu'aux termes, enfin, de l'article 11 du décret du 3 août 2007 portant statut particulier du corps des aides soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés de la fonction publique hospitalière : " Les candidats nommés en qualité d'agent des services hospitaliers qualifiés doivent effectuer un stage d'une durée d'une année à l'issue duquel ils sont titularisés si ce stage a donné satisfaction. (...) / Les candidats dont les services n'ont pas donné satisfaction peuvent, après avis de la commission administrative paritaire, être autorisés à effectuer un stage complémentaire d'une durée maximale d'un an. Si le stage complémentaire a été jugé satisfaisant, les intéressés sont titularisés / Les candidats qui n'ont pas été autorisés à effectuer un stage complémentaire ou dont le stage complémentaire n'a pas été jugé satisfaisant sont soit licenciés s'ils n'avaient pas préalablement la qualité de fonctionnaire, soit réintégrés dans leur corps d'origine s'ils étaient fonctionnaires hospitaliers, soit remis à la disposition de leur administration d'origine s'ils étaient fonctionnaires de l'Etat ou fonctionnaires territoriaux. " ;

2. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, sous réserve d'un licenciement intervenant en cours de stage et motivé par ses insuffisances ou manquements professionnels, tout fonctionnaire stagiaire a le droit d'accomplir son stage dans des conditions lui permettant d'acquérir une expérience professionnelle et de faire la preuve de ses capacités pour les fonctions auxquelles il est destiné ; que la collectivité employeur ne peut, avant l'issue de la période probatoire, prendre d'autre décision que celle de licencier son stagiaire pour insuffisance professionnelle dans les conditions limitativement définies à l'article 9 du décret du 12 mai 1997 ; que ces principes ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative mette en garde, le cas échéant, le stagiaire afin qu'il sache, dès avant la fin du stage, que sa titularisation peut être refusée si l'appréciation défavorable de l'administration sur sa manière de servir se confirme à l'issue de cette période, ni à ce qu'elle l'informe, dans un délai raisonnable avant la fin du stage, de son intention de ne pas le titulariser ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme X. a été nommée le 27 juin 2011 en tant qu'agent des services hospitaliers qualifié stagiaire au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Z. à compter du 1er juillet 2011 ; que par une décision du 25 juin 2012, le directeur du centre hospitalier Y.  , dont dépend cet établissement, a mis fin à son stage et l'a radiée des cadres du personnel du centre hospitalier à compter du 1er juillet 2012 ; que, pour confirmer, par l'arrêt attaqué du 10 décembre 2013 le jugement du tribunal administratif de Lille du 17 avril 2013 annulant cette décision, la cour administrative d'appel de Douai a relevé que la directrice adjointe du centre hospitalier avait, par un rapport établi le 5 mai 2012 à la suite d'incidents survenus au cours des mois de mars et d'avril précédents, informé Mme X. qu'en raison de ses aptitudes professionnelles jugées insuffisantes et des nombreux éléments et incidents l'impliquant, il ne serait pas donné suite à son stage après le 30 juin 2012 et en a déduit l'existence d'une décision, prise dès le 5 mai, de ne pas titulariser l'intéressée ;

4. Considérant qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que ce rapport, dont l'auteur n'aurait pas eu qualité pour prendre une telle décision, avait pour objet d'informer l'intéressée de la suite susceptible d'être donnée au stage qui prenait fin le mois suivant, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le centre hospitalier Y. est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du centre hospitalier Y. qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le centre hospitalier au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 10 décembre 2013 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.

Article 3 : Le surplus des conclusions du centre hospitalier Y.  est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme X. sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier Y. et à Mme X.