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Conseil d’État, 23 mars 2015, n° 366813 (Procédure administrative – Office du juge – Exécution du jugement – Demande d’exécution d’un jugement)

Le Conseil d’Etat précise dans cette décision la portée des articles L. 911-1 et L. 911-4 du code de justice administrative, aux termes desquels « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-4 du même code : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / (...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. / Le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut renvoyer la demande d'exécution au Conseil d'Etat ».

Le Conseil d’Etat déduit de ces dispositions «qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision ; que, si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambigüité, en préciser la portée ; que, le cas échéant, il lui appartient aussi d'en édicter de nouvelles en se plaçant, de même, à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée ; qu'en particulier, la rectification des erreurs de droit ou de fait dont serait entachée la décision en cause ne peut procéder que de l'exercice, dans les délais fixés par les dispositions applicables, des voies de recours ouvertes contre cette décision ». Il décide en outre qu’il « appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l'exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être ».

 

Conseil d'État

N° 366813   

10ème / 9ème SSR

Mme Anne Iljic, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public

lecture du lundi 23 mars 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 0903167 du 30 novembre 2011, le tribunal administratif de Bordeaux :

- a annulé la décision implicite par laquelle le maire de la commune X. avait rejeté la demande du 6 juillet 2009 de Mme Y. tendant au retrait de la croix implantée à l'entrée du village ;

- a enjoint au maire de procéder à ce retrait dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement.

Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2013 au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, Mme Y. demande :

1°) que la commune X. soit condamnée à une astreinte de 500 euros par jour en vue d'assurer l'exécution de ce jugement ;

2°) que soit mise à la charge de cette commune la somme de 2 316,65 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Iljic, auditeur,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-4 du même code : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / (...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. / Le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut renvoyer la demande d'exécution au Conseil d'Etat " ;

2. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision ; que, si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambigüité, en préciser la portée ; que, le cas échéant, il lui appartient aussi d'en édicter de nouvelles en se plaçant, de même, à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée ; qu'en particulier, la rectification des erreurs de droit ou de fait dont serait entachée la décision en cause ne peut procéder que de l'exercice, dans les délais fixés par les dispositions applicables, des voies de recours ouvertes contre cette décision ;

3. Considérant, d'autre part, qu'il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l'exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être ;

4. Considérant que, par un jugement du 30 novembre 2011, devenu définitif faute que les parties en aient relevé appel, le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir relevé que le talus communal situé en bordure de voie publique, à l'entrée du village X., sur lequel avait été installé un Christ en croix était un emplacement public, a annulé le refus du maire de cette commune de retirer cette croix et lui a enjoint d'y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement ;

5. Considérant que, s'il est loisible à la personne qui prétendrait être propriétaire du terrain sur lequel est implantée la croix litigieuse de former tierce opposition contre ce jugement, le maire de X. ne peut utilement, pour établir qu'il n'est pas en mesure de l'exécuter, se borner à invoquer une telle circonstance, dont il ne soutient pas qu'elle résulterait d'une mutation de propriété postérieure au jugement du 30 novembre 2011, ni à produire un arrêté d'alignement signé par lui le 4 juin 2013 et qui se borne à constater les limites de la voie publique, dès lors que, ce faisant, il remet nécessairement en cause le bien-fondé de la mesure d'exécution définitivement prononcée par le tribunal administratif ainsi que le motif qui en constitue le soutien nécessaire ;

6. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le maire aurait, comme il pouvait le faire au titre des diligences lui incombant pour répondre à la demande d'exécution du jugement en cause, averti la personne dont il affirme qu'elle serait propriétaire du terrain situé en bordure de la voie publique de son intention d'exécuter ce jugement afin de la mettre à même, si elle s'y croit fondée, de former un recours en tierce opposition devant le tribunal administratif ou de saisir le juge civil d'une action tendant à faire reconnaître son droit de propriété ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le maire de X. n'établit pas avoir accompli toutes les diligences utiles qui lui incombaient en vue de l'exécution du jugement du 30 novembre 2011 du tribunal administratif de Bordeaux ; qu'il y a lieu, par suite, de prononcer contre la commune, à défaut pour elle de justifier avoir procédé à ces diligences dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, une astreinte de 100 euros par mois jusqu'à la date à laquelle elle y aura procédé ;

D E C I D E :

Article 1er : Une astreinte est prononcée à l'encontre de la commune X., si elle ne justifie pas avoir, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, accompli toutes diligences utiles à l'exécution du jugement du 30 novembre 2011 du tribunal administratif de Bordeaux dans les conditions définies dans les motifs de la présente décision et jusqu'à la date de cette exécution. Le taux de cette astreinte est fixé à 100 euros par mois, à compter de l'expiration du délai de deux mois suivant la notification de la présente décision.

Article 2 : La commune X. communiquera au secrétariat du contentieux du Conseil d'État copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter le jugement du 30 novembre 2011 du tribunal administratif de Bordeaux.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Y. et à la commune X..