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Conseil d’Etat, 23 octobre 2015, N° 369113(Domaine public – Collectivité territoriale - Bail emphytéotique administratif – Avis service des domaines)

En l’espèce, une commune a décidé de conclure un bail emphytéotique  administratif pour la construction  d’un groupe scolaire. Après la consultation des entreprises et le choix d’un groupement d’entreprise, le maire a interrogé le service des domaines concernant la valeur vénale des parcelles d’objet du bail. Le conseil municipal a approuvé, par délibération, le bail emphytéotique ainsi que la convention de mise à disposition  de la commune de l’école à construire et a autorisé le maire à les signer. Une association a formulé un recours pour que soit annulé la délibération en ce que le maire n’avait pas informé le conseil municipal de la teneur de cet avis. Le tribunal administratif a annulé la délibération  et la Cour administrative d’appel a rejeté l’appel de la société attributaire en retenant une procédure irrégulière. La Haute juridiction administrative rappelle que « la consultation du service des domaines prévue au 3e alinéa précité de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales préalablement à la délibération du conseil municipal portant sur la cession d’un immeuble ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants ne présente pas le caractère d’une garantie » et vient préciser la jurisprudence Conseil d’Etat en date du 23 décembre 2011 (CE, ass., 23 déc. 2011, n° 335033), en ce qu’il appartient « en revanche au juge saisi d’une délibération prise en méconnaissance de cette obligation de rechercher si cette méconnaissance a eu une incidence sur le sens de la délibération attaquée ».

 

Conseil d'État

N° 369113
ECLI:FR:CESEC:2015:369113.20151023
Publié au recueil Lebon

Section du Contentieux

Mme Esther de Moustier, rapporteur
M. Benoît Bohnert, rapporteur public
SCP ROUSSEAU, TAPIE ; SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET ; SCP GHESTIN, avocats

Lecture du vendredi 23 octobre 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


Vu la procédure suivante :

L'association X a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du 5 mars 2007 par laquelle le conseil municipal de Cabriès a approuvé le bail emphytéotique administratif et la convention de mise à disposition conclus avec la société Y pour la construction d'un groupe scolaire dans le quartier Saint-Pierre et a autorisé le maire à les signer.

Par un jugement n° 0702890 du 29 juin 2010, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette délibération.

Par un arrêt n° 10MA03447 du 6 mai 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé contre ce jugement par la société Z.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juin et 6 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Z demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'association X  la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Esther de Moustier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de la société Z, à la SCP Ghestin, avocat de l'association X et à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la commune de Cabries ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par délibération de son conseil municipal en date du 17 novembre 2006, la commune de Cabriès a décidé de conclure un bail emphytéotique administratif pour la construction d'un groupe scolaire dans le quartier Saint-Pierre ; qu'après consultation des entreprises, elle a retenu, pour réaliser ce projet, un groupement constitué de la société Y, filiale de la S, de la société Z, promoteur, et du cabinet XXX, architecte ; qu'après que le maire de Cabriès a, par courrier du 2 mars 2007, interrogé le service des domaines sur la valeur vénale des parcelles objet du bail, le conseil municipal, par délibération du 5 mars 2007, a approuvé le bail emphytéotique administratif et la convention de mise à disposition de la commune de l'école à construire et autorisé le maire à les signer avec la société Y ; que la société Z se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 mai 2013 de la cour administrative d'appel de Marseille rejetant son appel dirigé contre le jugement du 29 juin 2010 par lequel, à la demande de l'association X, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette délibération ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable à la date de la délibération attaquée : " Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet d'un bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural, en vue de l'accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d'une mission de service public ou en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence ou en vue de l'affectation à une association cultuelle d'un édifice du culte ouvert au public ou, jusqu'au 31 décembre 2007, liée aux besoins de la justice, de la police ou de la gendarmerie nationales ainsi que d'un établissement public de santé ou d'une structure de coopération sanitaire dotée de la personnalité morale publique ou, jusqu'au 31 décembre 2010, liée aux besoins d'un service départemental d'incendie et de secours. Ce bail emphytéotique est dénommé bail emphytéotique administratif. (...) " ; que le 3e alinéa de l'article L. 2241-1 du même code précise que : " Toute cession d'immeubles ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants donne lieu à délibération motivée du conseil municipal portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles. Le conseil municipal délibère au vu de l'avis de l'autorité compétente de l'Etat. Cet avis est réputé donné à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la saisine de ce service " ;

3. Considérant que, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; que l'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte ;

4. Considérant que la consultation du service des domaines prévue au 3e alinéa précité de l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales préalablement à la délibération du conseil municipal portant sur la cession d'un immeuble ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants ne présente pas le caractère d'une garantie ; qu'il appartient en revanche au juge saisi d'une délibération prise en méconnaissance de cette obligation de rechercher si cette méconnaissance a eu une incidence sur le sens de la délibération attaquée ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en déduisant que la délibération du 5 mars 2007 était intervenue au terme d'une procédure irrégulière de la circonstance que le conseil municipal de la commune n'avait pas été informé de la teneur de l'avis du service des domaines prévu à l'article L. 2241-1 avant de prendre cette délibération, sans rechercher si l'irrégularité de la consultation de ce service avait eu une incidence sur le sens de la délibération attaquée, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société Z est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement et sur celui de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 par l'association X ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur leur fondement par la société Z ;

D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 6 mai 2013 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Z au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'association X au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Z, à l'association de sauvegarde des terres, du patrimoine et des paysages et à la commune de Cabries.