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Conseil d'État, 25 avril 2003, (organisation des gardes - repos de sécurité)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu 1°), sous le n° 240139, la requête, enregistrée le 16 novembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT X , dont le siège est (...), représenté par son président, dûment mandaté ; le Syndicat demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêté interministériel du 14 septembre 2001 relatif à l'organisation et à l'indemnisation des services de garde et à la mise en place du repos de sécurité dans les établissements publics de santé autres que les hôpitaux locaux ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 048,98 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 240223, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 novembre 2001 et 14 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le SYNDICAT X ; le syndicat demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2001 relatif à l'organisation et à l'indemnisation des services de garde et à la mise en place du repos de sécurité dans les établissements publics de santé autres que les hôpitaux locaux ;
2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 2 286 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la note en délibéré présentée le 31 mars 2003 par le SYNDICAT X ;
Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Vu la directive 93/104/CE du 23 novembre 1993, modifiée ;
Vu la loi du 13 juin 1998, modifiée, relative à l'aménagement du temps de travail ;
Vu le décret n° 84-131 du 24 février 1984, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Guilhemsans, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées tendent à l'annulation de l'arrêté du 14 septembre 2001 relatif à l'organisation et à l'indemnisation des services de garde et à la mise en place du repos de sécurité dans les établissements publics de santé autres que les hôpitaux locaux ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la légalité externe :

Considérant que l'arrêté attaqué est signé, pour le ministre de l'emploi et de la solidarité, de M. Blémont, sous-directeur des professions médicales et des personnels médicaux hospitaliers, pour le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, de Mme Buhl, sous-directrice, et, pour le ministre de l'éducation nationale, de Mme Collet-Sasserre, sous-directrice, lesquels bénéficiaient de délégations de signature régulières, consenties respectivement par décrets des 1er mars 2001, 26 juillet 2001 et 18 avril 2000 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les directeurs compétents n'étaient ni absents, ni empêchés ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence des signataires doit être écarté ;

Sur la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué, qui détermine les modalités du repos de sécurité prévu par l'article 30, du décret du 24 février 1984, ainsi que les obligations des praticiens hospitaliers s'agissant des gardes, n'a pas pour objet de définir l'ensemble des obligations de service qui leur incombent à titre individuel ; que, dès lors, sont inopérants les moyens tirés par les syndicats requérants, d'une part, de ce que le décret du 24 février 1984, sur lequel il se fonde, méconnaîtrait les objectifs de la directive 93/104/CEE du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, notamment sa durée maximale, d'autre part, de ce que cet arrêté aurait dû définir la durée du temps de travail des praticiens hospitaliers ; que doivent être en tout état de cause écartés, pour le même motif, les moyens tirés de la méconnaissance de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de la loi du 13 juin 1998, relative à l'aménagement du temps de travail ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 7 de l'arrêté du 14 septembre 2001 : Pour chaque nuit, le service de garde ... commence à la fin du service normal de l'après-midi, et au plus tôt à 18 heures 30, pour s'achever au début du service normal du lendemain matin, et au plus tôt à 8 heures 30 ; que ces dispositions ont pour seul objet de réserver le régime des heures de garde aux services accomplis entre 18 heures 30 et 8 heures 30, et non de définir les obligations individuelles incombant à chaque praticien hospitalier ; que, contrairement à ce que soutient le SYNDICAT X, elles n'impliquent pas que les praticiens hospitaliers assurent un service normal de dix heures par jour, mais que la permanence médicale soit assurée entre 8 heures 30 et 18 heures 30 par des praticiens hospitaliers agissant dans le cadre de leurs obligations de service normal ; que, dès lors, ce syndicat n'est pas fondé à soutenir que ces dispositions, combinées avec celles de l'article 10, qui prévoit le nombre de gardes qui peuvent leur être demandées, imposeraient aux praticiens hospitaliers une durée de travail excédant celle autorisée par la directive susmentionnée ;

Considérant enfin qu'aux termes de l'article 30 du décret du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers, dans sa rédaction issue des décrets du 6 juillet 1999 et du 19 septembre 2001 : Le service normal hebdomadaire est fixé à dix demi-journées, éventuellement réparties entre plusieurs établissements. Le praticien hospitalier bénéficie d'un repos de sécurité à l'issue d'une garde, selon les conditions fixées par arrêté des ministres chargés de la santé, de l'enseignement supérieur et du budget ; qu'aux termes de la dernière phrase de l'article 1er de l'arrêté attaqué : Le repos de sécurité, d'une durée de onze heures, est constitué : - dans les activités de service continu définies à l'article 8 ci-dessous, par une interruption totale de toute activité, prise immédiatement après chaque garde de nuit effectuée ; - pour les autres activités, par une interruption de toute activité clinique en contact avec le patient, prise immédiatement après chaque garde de nuit ; que ces dispositions méconnaissent celles de l'article 30 précité du décret du 24 février 1984 accordant à tous les praticiens hospitaliers un repos de sécurité, qui, eu égard à l'objet de ce repos et en l'absence d'autres précisions dans ce décret, doivent être interprétées comme prévoyant l'arrêt de tout travail des praticiens concernés ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les syndicats requérants sont seulement fondés à demander l'annulation de la dernière phrase de l'article 1er de l'arrété attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer au SYNDICAT Y , la somme de 1 000 euros, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder au SYNDICAT X, la somme qu'il demande à ce titre ;

Décide :
Article 1er : La dernière phrase de l'article 1er de l'arrêté du 14 septembre 2001 relatif à l'organisation et à l'indemnisation des services de garde et à la mise en place du repos de sécurité dans les établissements publics de santé autres que les hôpitaux locaux, est annulée.
Article 2 : L'Etat versera au SYNDICAT Y la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT Y et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.