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Conseil d'Etat, 28 mai 1997, Fédération des établissements hospitaliers d'assistance privée à but non lucratif (FEHAP) (fin anticipée d'un détachement dans un établissement privé - rémunération)


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 février 1995 et 11 mai 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION DES ETABLISSEMENTS HOSPITALIERS D'ASSISTANCE PRIVEE A BUT NON LUCRATIF (F.E.H.A.P.), dont le siège est 10 rue de la Rosière à Paris (75015) ; la FEDERATION DES ETABLISSEMENTS HOSPITALIERS D'ASSISTANCE PRIVEE A BUT NON LUCRATIF demande au Conseil d'Etat :
1°) l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 94-1116 du 22 décembre 1994 relatif aux établissements de santé à but non lucratif participant à l'exécution du service public hospitalier et introduisant l'article R. 715-6-11 du code de la santé publique :
2°) que lui soit versée la somme de 20 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique, notamment ses articles L. 715-6 et L. 715-7 ;
Vu le décret modifié n° 84-131 du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Bellescize, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la FEDERATION DES ETABLISSEMENTS HOSPITALIERS D'ASSISTANCE PRIVEE A BUT NON LUCRATIF,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la Fédération requérante demande l'annulation des alinéas 2, 3, 4 et 5 du 3° de l'article R. 715-6-11 ajouté au code de la santé publique par l'article 1er du décret du 22 décembre 1994 relatif aux établissements de santé privés à but non lucratif participant à l'exécution du service public hospitalier et modifiant le code de la santé publique ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 715-6 du code de la santé publique : "Les établissements de santé privés à but non lucratif sont admis à participer à l'exécution du service public hospitalier lorsqu'ils répondent à des conditions d'organisation et de fonctionnement fixés par décret" ; qu'en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 715-7 du même code, ces établissements peuvent faire appel à des praticiens hospitaliers dans les conditions fixées par les statuts de ces praticiens ;

Considérant, en premier lieu, qu'en application de ces dispositions, l'alinéa 2 des dispositions litigieuses a pu légalement prévoir, sans méconnaître aucune disposition du code civil relative à la liberté contractuelle, que "les personnels et praticiens demeurent régis par les statuts qui leur sont respectivement applicables, notamment par les dispositions relatives à leur rémunération" ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en prévoyant que "le praticien détaché remis à la disposition de son établissement d'origine pour une cause autre qu'une faute commise dans l'exercice de ses fonctions continue d'être rémunéré par l'établissement auprès duquel il est détaché, au plus tard jusqu'à la date à laquelle le détachement devait prendre fin, si l'intéressé n'a pu être affecté dans un emploi vacant, "l'alinéa 3 des dispositions litigieuses a édicté des dispositions statutaires applicables aux praticiens détachés dans des établissements privés à but non lucratif et fixé des règles d'organisation et de fonctionnement du service public hospitalier à l'exercice duquel ces établissements sont admis ; que ces dispositions trouvent leur fondement légal dans les articles L. 715-6 et L. 715-7 précités du code de la santé publique ; que, les praticiens détachés conservant leur qualité de fonctionnaires, le moyen tiré de ce que ces dispositions contreviendraient aux articles L. 122-6 et suivants du code du travail ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition législative ne s'opposait à ce que, dans les formes prévues à cet effet, le quatrième alinéa des dispositions litigieuses, aux termes duquel "sont soumises à l'examen de la commission statutaire nationale, dans sa formation compétente pour les nominations des psychiatres, les candidatures de praticiens psychiatres à plein temps sollicitant une affectation dans un établissement", "et la première phrase du cinquième alinéa, aux termes de laquelle "L'avis de l'établissement considéré est recueilli par le ministre chargé de la santé préalablement à sa décision sur la demande d'affectation ou de renouvellement d'affectation", modifient dans cette mesure les dispositions statutaires applicables aux praticiens psychiatres à plein temps, issues du décret du 24 février 1984 ;

Considérant, enfin, que les dispositions contestées ne font pas obstacle à ce que des praticiens hospitaliers puissent servir autrement que par la voie du détachement, en particulier à la suite d'une mise en disponibilité, dans des établissements de santé privés à but non lucratif participant à l'exécution du service public hospitalier ;

Considérant, en revanche, qu'aux termes du cinquième alinéa des dispositions litigieuses, "L'avis de l'établissement concerné est recueilli par le ministre chargé de la santé, préalablement à sa décision sur la demande d'affectation ou de renouvellement d'affectation" ; que, selon la dernière phrase de ce même alinéa : "En cas d'avis négatif expressément motivé, aucune autre affectation de praticien hospitalier par cette voie ne pourra intervenir au titre du recrutement en cours" ; que cette dernière disposition apporte à la faculté qui est reconnue par la loi aux établissements de santé privée à but non lucratif de faire appel à des praticiens hospitaliers détachés des restrictions qui ne sont justifiées ni par les règles statutaires applicables à ces praticiens, ni par les conditions d'organisation et de fonctionnement du service public hospitalier auquel ces établissements participent ; qu'ainsi, elles excèdent les pouvoirs reconnus au gouvernement par les dispositions législatives précitées ; que la FEDERATION DES ETABLISSEMENTS HOSPITALIERS D'ASSISTANCE PRIVEE A BUT NON LUCRATIF est, dès lors, fondée à en demander l'annulation ;

Sur les conclusions de la FEDERATION DES ETABLISSEMENTS HOSPITALIERS D'ASSISTANCE PRIVEE A BUT NON LUCRATIF tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la FEDERATION DES ETABLISSEMENTS HOSPITALIERS D'ASSISTANCE PRIVEE A BUT NON LUCRATIF la somme de 20 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :
Article 1er : La dernière phrase du cinquième alinéa de l'article R. 715-6-11 du code de la santé publique, issue de l'article 1er du décret n° 94-1116 du 22 décembre 1994, commençant par "En cas d'avis négatif ..." et se terminant par " ... du recrutement en cours", est annulée.
Article 2 : L'Etat versera à la FEDERATION DES ETABLISSEMENTS HOSPITALIERS D'ASSISTANCE PRIVEE A BUT NON LUCRATIF une somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la FEDERATION DES ETABLISSEMENTS HOSPITALIERS D'ASSISTANCE PRIVEE A BUT NON LUCRATIF est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION DES ETABLISSEMENTS HOSPITALIERS D'ASSISTANCE PRIVEE A BUT NON LUCRATIF (F.E.P.H.A.P.), au Premier ministre et au ministre du travail et des affaires sociales.