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Conseil d'Etat , 29 octobre 2001, Mme X. (sanction disproportionnée - réparation)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 25 mai 2001 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme X, demeurant (...) ; Mme X demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance du 3 mai 2001 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Douai a ramené de 50 000 F à 10 000 F la provision que le centre hospitalier de Roubaix a été condamné par une ordonnance du 22 septembre 1999 du président délégué du tribunal administratif de Lille à lui verser en réparation du préjudice causé par l'illégalité de sa mise à la retraite d'office ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mahé, Auditeur,
- les observations de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de Mme X et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du centre hospitalier de Roubaix,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 129 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, en vigueur à la date à laquelle le juge de première instance a statué en référé : "Le président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel ou le magistrat que l'un d'eux délègue peut accorder une provision au créancier qui a saisi le tribunal ou la cour d'une demande au fond lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable" ;

Considérant qu'il ressort de l'ordonnance attaquée que, par un jugement passé en force de chose jugée, le tribunal administratif de Lille a relevé, dans des motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif, que les faits reprochés à Mme X, sage-femme au centre hospitalier de Roubaix, ne pouvaient fonder la mise à la retraite d'office à caractère disciplinaire prononcée à son encontre le 23 février 1998 par le directeur de cet établissement, dès lors que les plus graves d'entre eux, à les supposer établis, relevaient de l'inaptitude professionnelle et que les autres, dont la matérialité n'était pas formellement prouvée, ne pouvaient en tout état de cause justifier le niveau de la sanction infligée ; que constatant, d'une part, que le prononcé de cette sanction avait été ainsi entaché d'une erreur de droit de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Roubaix mais que, d'autre part, Mme X avait perçu pendant la durée de son éviction du service différents revenus qui réduisaient l'importance du préjudice qu'elle avait réellement subi, le président de la cour administrative d'appel de Douai a, par l'ordonnance attaquée, fixé à 10 000 F la part non sérieusement contestable de la créance indemnitaire née au profit de Mme X de la faute de l'hôpital et a, en conséquence, ramené à cette somme la provision de 50 000 F que le centre hospitalier de Roubaix avait été condamné à verser en application de l'article R. 129 précité par une décision en date du 22 septembre 1999 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 555-1 du code de justice administrative : "Sans préjudice du titre II du livre V du présent code, le président de la cour administrative d'appel ... est compétent pour statuer sur les appels formés devant les cours administratives d'appel contre les décisions rendues par le juge des référés" ; que, contrairement à ce que soutient Mme X, ces dispositions, applicables aux litiges en cours en matière de référé, habilitaient le président de la cour administrative d'appel de Douai à statuer sur l'appel formé contre une ordonnance rendue en application de l'article R. 129 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que l'ordonnance attaquée n'est donc pas entachée d'irrégularité ;

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

Considérant, d'une part, que Mme X demande l'annulation de l'ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Douai en tant qu'elle n'a pas maintenu à 50 000 F la provision qui doit lui être versée, en soutenant que ladite ordonnance est entachée d'une dénaturation des faits dès lors que la différence entre le traitement qui lui aurait été versé si elle n'avait pas été mise à l'écart du service et les rémunérations de remplacement qu'elle a perçues serait supérieure à cette somme ;

Considérant, d'autre part, que le centre hospitalier de Roubaix, par la voie du recours incident, critique l'existence même d'une obligation non sérieusement contestable lui incombant à l'égard de la requérante, en faisant état des allocations et des revenus que celle-ci aurait perçus pendant la durée de son éviction ;

Considérant, toutefois, qu'après avoir relevé que la mise à la retraite d'office de Mme X avait été prononcée pour un motif juridiquement erroné, le président de la cour administrative d'appel de Douai n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis en jugeant, par une appréciation souveraine qui n'est pas susceptible d'être discutée en cassation, que la faute commise par le centre hospitalier de Roubaix engageait la responsabilité de ce dernier envers la requérante et qu'il convenait de fixer à 10 000 F le montant de la provision à accorder à Mme X ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de Mme X et le recours incident du centre hospitalier de Roubaix doivent être rejetés ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Roubaix qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X la somme de 20 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner Mme X à payer au centre hospitalier de Roubaix la somme de 20 000 F qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme X et le pourvoi incident du centre hospitalier de Roubaix sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme X, au directeur du centre hospitalier de Roubaix et au ministre de l'emploi et de la solidarité.