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Conseil d'État, 4 juillet 2008, n° 299832 (Vaccination obligatoire - sclérose en plaques - indemnisation)

Dans ces différentes affaires (voir également les arrêts du 11 juillet 2008 n° 289763 et n° 305685), des personnes soumises à la vaccination obligatoire contre l’hépatite B ont développé une sclérose en plaques. Ils ont par la suite engagé la responsabilité de l’Etat sur le fondement de l’article L. 3111-9 du Code de la santé publique. Dans ces 3 arrêts, le Conseil d’Etat rappelle qu’il existe un lien de causalité directe entre la vaccination obligatoire contre l’hépatite B et l’apparition chez la personne vaccinée d’une sclérose en plaques dès lors que cette dernière ne souffrait pas de cette pathologie préalablement à sa vaccination et que les premiers symptômes sont apparus dans un bref délai à la suite de l’injection du vaccin.

Conseil d'État

N° 299832   

Inédit au recueil Lebon

5ème sous-section jugeant seule

Mme Hubac, président
M. Philippe Ranquet, rapporteur
ODENT ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER ; FOUSSARD, avocats


Lecture du vendredi 4 juillet 2008

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés au secrétariat du Conseil d'Etat les 18 décembre 2006, 2 février 2007, 19 mars 2007, 28 mars 2007 et 27 avril 2007, présentés pour Mme Anne-Marie A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 17 octobre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, après avoir annulé le jugement du 24 mai 2005 du tribunal administratif de Lille condamnant l'Etat à lui verser la somme de 115 000 euros et à verser à la Caisse des dépôts et consignations la somme de 31 094,50 euros en réparation des préjudices résultant de la sclérose en plaques qu'elle impute à la vaccination obligatoire contre l'hépatite B qu'elle a reçue, a rejeté les demandes d'indemnisation ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre de la santé et des solidarités et de faire droit à ses propres conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Ranquet, Auditeur,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de Mme A, de Me Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations et de Me Foussard, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Tourcoing,

- les conclusions de Mme Catherine de Salins, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que Mme A a recherché, sur le fondement de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable, la responsabilité de l'Etat à raison de la sclérose en plaques dont elle est atteinte et qu'elle impute à la vaccination obligatoire contre l'hépatite B qu'elle a reçue à raison de sa qualité de secrétaire médicale au centre hospitalier régional universitaire de Lille ; que le ministre chargé de la santé, après avoir recueilli l'avis d'une commission de règlement amiable des accidents vaccinaux, laquelle a considéré que l'état de santé de Mme A pouvait être imputable à cette vaccination, a proposé à l'intéressée, par une décision du 30 août 2004, une rente viagère annuelle indexée de 15 000 euros ; que, estimant cette somme insuffisante, Mme A a saisi le tribunal administratif de Lille, lequel, par un jugement du 24 mai 2005, a condamné l'Etat au versement d'indemnités en réparation des préjudices résultant de la sclérose en plaques dont elle est atteinte ; que Mme A, la Caisse des dépôts et consignations et la caisse primaire d'assurance maladie de Tourcoing se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 17 octobre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement et rejeté leurs demandes d'indemnisation ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A a reçu les 23 octobre 1992, 3 décembre 1992, 12 février 1993 et 22 novembre 1993 quatre injections du vaccin contre l'hépatite B, que les premiers symptômes d'une sclérose en plaques diagnostiquée le 25 juin 1993 sont apparus en janvier 1993 et que l'intéressée ne souffrait pas de cette maladie avant la vaccination ; que de telles circonstances doivent être regardées comme établissant l'existence d'un lien de causalité direct entre la vaccination obligatoire et la sclérose en plaques, de nature à engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique dans leur rédaction alors en vigueur ; que, dès lors, en jugeant qu'un tel lien de causalité direct n'était pas établi, la cour administrative d'appel de Douai a entaché d'erreur de qualification juridique l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A, la Caisse des dépôts et consignations et la caisse primaire d'assurance maladie de Tourcoing sont fondées à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 17 octobre 2006 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros que demande Mme A, une somme de 1 000 euros au bénéfice de la Caisse des dépôts et consignations et une somme de 1 000 euros au bénéfice de la caisse primaire d'assurance maladie de Tourcoing ;

D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 17 octobre 2006 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.

Article 3 : L'Etat versera 3 000 euros à Mme A, 1 000 euros à la Caisse des dépôts et consignations et 1 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Tourcoing au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A, à la Caisse des dépôts et des consignations, à la caisse primaire d'assurance maladie de Tourcoing, au centre hospitalier régional universitaire de Lille et à la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.