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Conseil d'Etat, 6 mars 2013, n° 352404 (Praticien hospitalier - Temps de travail additionnel - Droit à indemnisation - Absence de signature du contrat d'engagement)

Par cette décision, le Conseil d'Etat affirme que "le temps de travail additionnel accompli par un praticien hospitalier, avec l'accord de son établissement d'emploi, ouvre à celui-ci droit à indemnisation ; que la circonstance qu'un contrat d'engagement mentionné à l'article 4 de l'arrêté du 30 avril 2003 n'ait pas été conclu préalablement à l'accomplissement du temps de travail additionnel par le praticien, comme le permet cet article sans l'imposer, ne saurait légalement faire obstacle au droit à indemnisation de ce praticien après service fait . » C’est pourquoi, en jugeant que les plages de temps de travail additionnel effectuées par un praticien hospitalier « ne pouvaient être indemnisées en l'absence d'un tel contrat conclu avec le centre hospitalier universitaire », le tribunal administratif a ainsi entaché son jugement d'une erreur de droit.

 

Conseil d'État

N° 352404   

Mentionné dans les tables du recueil Lebon

5ème et 4ème sous-sections réunies

 

M. Gérald Bégranger, rapporteur
Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public
SCP RICHARD ; SCP ODENT, POULET, avocats

lecture du mercredi 6 mars 2013

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 septembre et 5 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X, demeurant... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0901345 du 4 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 31 mars 2009 du directeur général du centre hospitalier universitaire de Poitiers rejetant sa demande du 30 janvier 2009 tendant au versement de la somme de 2 270 euros correspondant aux plages de temps de travail additionnel non indemnisées au titre de l'année 2007 et, d'autre part, à la condamnation de cet établissement hospitalier à lui verser la somme de 2 270 euros ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à cette demande et d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 5 décembre 2011 ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Poitiers la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
Vu l'arrêté interministériel du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Gérald Bégranger, Maître C...en service extraordinaire,
- les observations de la SCP Richard, avocat de M. X, et de la SCP Odent, Poulet, avocat du centre hospitalier universitaire de Poitiers,
- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Richard, avocat de M.X, et à la SCP Odent, Poulet, avocat du centre hospitalier universitaire de Poitiers ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par lettre du 2 juillet 2008, le directeur général du centre hospitalier universitaire de Poitiers a proposé à M.X, praticien hospitalier exerçant dans cet établissement, une compensation des plages de temps de travail additionnel accomplies au cours de l'année 2007 se décomposant, d'une part, en une rémunération de 40% des plages effectuées correspondant à sept jours en temps additionnel, rémunérés à hauteur de 50% en plages de jour et 50% en plages de nuit et, d'autre part, en une compensation du différentiel entre les plages compensables et les plages rémunérées, équivalant à deux jours portés sur son compte épargne temps ; que M. X a refusé cette proposition et a demandé au directeur général de lui payer la somme de 2 270 euros correspondant aux plages de temps de travail additionnel accomplies en 2007 et non encore indemnisées ; que, par un jugement du 4 juillet 2011 contre lequel M. X se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation de la décision de refus que le directeur général a opposée à sa demande le 31 mars 2009 et, d'autre part, à la condamnation de cet établissement public hospitalier à lui verser la somme de 2 270 euros ;

2. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article R. 6152-23, du troisième alinéa de l'article R. 6152-27 et de l'article D. 6152-23-1 du code de la santé publique, dans leur rédaction alors applicable, que le praticien hospitalier qui a accompli, au-delà de ses obligations de service hebdomadaires, un temps de travail additionnel a droit à en être indemnisé ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté interministériel du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes : " Les praticiens hospitaliers (...) peuvent, sur la base du volontariat, assurer des périodes de temps de travail additionnel au-delà de leurs obligations de service dans les conditions fixées par leurs statuts respectifs. Au vu des tableaux de service, le responsable d'une structure médicale (...) peut proposer à un ou plusieurs praticiens, soumis aux dispositions du présent article, dans le cadre de l'organisation définie avec la commission relative à l'organisation de la permanence des soins, de s'engager contractuellement pour une durée d'un an renouvelable par reconduction expresse, deux mois au moins avant le terme, à effectuer un volume prévisionnel de temps de travail additionnel déterminé par quadrimestre (...). Après accord du directeur, les praticiens concernés peuvent figurer au tableau de service prévisionnel pour effectuer des périodes de temps de travail additionnel afin d'assurer la permanence des soins conformément au contrat de temps additionnel qu'ils ont signé. Le recours au temps de travail additionnel peut également être ponctuel. (...) " ;

3. Considérant que le temps de travail additionnel accompli par un praticien hospitalier, avec l'accord de son établissement d'emploi, ouvre à celui-ci droit à indemnisation ; que la circonstance qu'un contrat d'engagement mentionné à l'article 4 de l'arrêté du 30 avril 2003 n'ait pas été conclu préalablement à l'accomplissement du temps de travail additionnel par le praticien, comme le permet cet article sans l'imposer, ne saurait légalement faire obstacle au droit à indemnisation de ce praticien après service fait ; qu'en jugeant que les plages de temps de travail additionnel effectuées par M. X ne pouvaient être indemnisées en l'absence d'un tel contrat conclu avec le centre hospitalier universitaire de Poitiers, le tribunal administratif a ainsi entaché son jugement d'une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. X est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Poitiers la somme de 3 000 euros à verser à M. X, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. X qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement n° 0901345 du tribunal administratif de Poitiers du 4 juillet 2011 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Poitiers.
Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Poitiers versera à M. X une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier universitaire de Poitiers au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X et au centre hospitalier universitaire de Poitiers.