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Conseil d’Etat, 8 octobre 2008, n° 303937 (Agents du ministère de la santé – Mission de contrôle – Interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif)

 

Par cet arrêt, le Conseil d’Etat précise qu’en application des article L. 3511-7 et L. 3512-4 du Code de la santé publique, la loi a chargé les agents du ministère de la santé, lorsqu'ils sont habilités et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et dans la limite des prérogatives qui leur sont reconnues par le Code de la santé publique, de rechercher et de constater les infractions à l'interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif. De plus, il résulte de l’article R. 1312-7 du Code de la santé publique et de la situation statutaire et réglementaire dans laquelle se trouve placés les fonctionnaires que la mission de contrôle du respect des dispositions restreignant l'usage du tabac confiée à ces agents constitue pour eux une obligation statuaire. Dès lors, le requérant ne peut se prévaloir utilement d'un droit qu'auraient les agents de refuser d'exercer cette mission en ne se prêtant pas à la formalité de la prestation de serment.

Conseil d'État
1ère et 6ème sous-sections réunies

N° 303937

Publié au recueil Lebon

M. Vigouroux, président
M. Alain Boulanger, rapporteur
M. Derepas Luc, commissaire du gouvernement
JACOUPY, avocat

Lecture du mercredi 8 octobre 2008
 

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 21 mars 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le SYNDICAT NATIONAL DES PERSONNELS DE SANTE ENVIRONNEMENTALE, dont le siège est 28, Parc-Club du Millénaire, 1025, rue Henri-Becquerel à Montpellier (34067), représenté par son secrétaire général ; le SYNDICAT NATIONAL DES PERSONNELS DE SANTE ENVIRONNEMENTALE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2007-75 du 22 janvier 2007 relatif à l'habilitation des agents de l'Etat et des collectivités territoriales chargés de constater les infractions en matière de contrôle sanitaire et modifiant les dispositions réglementaires du code de la santé publique ;

2°) d'enjoindre à l'Etat, conformément à l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de tirer toutes conséquences dans le délai d'un mois de la décision d'annulation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Boulanger, chargé des fonctions de Maître des requêtes,

- les observations de Me Jacoupy, avocat du SYNDICAT NATIONAL DES PERSONNELS DE SANTE ENVIRONNEMENTALE,

- les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 3511-7 du code de la santé publique : « Il est interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, notamment scolaire, et dans les moyens de transport collectif, sauf dans les emplacements expressément réservés aux fumeurs » ; que selon l'article L. 3512-4 du même code, tel qu'il résulte de l'article 36 de la loi du 9 août 2004 : « Les agents mentionnés à l'article L. 1312-1, les médecins inspecteurs de la santé publique, les ingénieurs du génie sanitaire, les inspecteurs de l'action sanitaire et sociale et les agents mentionnés à l'article L. 611-10 du code du travail, habilités et assermentés, veillent au respect des dispositions de l'article L. 3511-7 du présent code ainsi que des règlements pris pour son application et procèdent à la recherche et à la constatation des infractions prévues par ces textes. / A cet effet, ils disposent, chacun pour ce qui le concerne, des prérogatives qui leurs sont reconnues en matière de contrôle ou de constatation des infractions par les articles L. 1312-1, L. 1421-2, L. 1421-3 et L. 5413-1 du présent code (...) » ; que l'article L. 1312-1 mentionne les « fonctionnaires et agents du ministère de la santé ou des collectivités territoriales habilités et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat » ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la loi a chargé les agents du ministère de la santé, lorsqu'ils sont habilités et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, et dans la limite des prérogatives qui leur sont reconnues par le code de la santé publique, de rechercher et de constater les infractions à l'interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif ; que cette mission leur a ainsi été confiée par la loi et non par le décret attaqué, qui, en introduisant notamment les articles R. 1312-1 à R. 1312-7 dans la partie réglementaire du code de la santé publique, se borne, d'une part, à énumérer les corps de fonctionnaires du ministère de la santé ou des collectivités territoriales qui peuvent être habilités à constater les infractions, d'autre part, à préciser les conditions d'habilitation et d'assermentation des agents concernés ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret du 22 janvier 2007 méconnaîtrait la distinction entre police judiciaire et police administrative et serait entaché de « détournement de pouvoir dans l'attribution de nouvelles compétences » aux agents du ministère de la santé ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du second alinéa de l'article R. 1312-7 du code de la santé publique, issu de l'article 1er du décret attaqué : « Lorsque l'agent habilité a déjà été assermenté, à quelque titre que ce soit, pour constater des infractions, il n'a pas à renouveler sa prestation de serment (...) » ; que si le SYNDICAT NATIONAL DES PERSONNELS DE SANTE ENVIRONNEMENTALE soutient que ces dispositions privent les agents du ministère de la santé de la possibilité de refuser de prêter serment, il résulte des dispositions précitées du code de la santé publique et de la situation statutaire et réglementaire dans laquelle se trouvent placés les fonctionnaires que la mission de contrôle du respect des dispositions restreignant l'usage du tabac confiée à ces agents constitue pour eux une obligation statuaire ; que, dès lors, le syndicat requérant ne peut se prévaloir utilement d'un droit qu'auraient les agents de refuser d'exercer cette mission en ne se prêtant pas à la formalité de la prestation de serment ;

Considérant, enfin, que si la procédure de l'habilitation, qui est accordée aux agents du ministère de la santé en fonction leur formation et de leur expérience, rend effectifs les pouvoirs de police judiciaire qui leur sont conférés par le code de la santé publique, l'assermentation traduit seulement leur engagement à remplir loyalement leurs fonctions et à observer leurs devoirs ; que, dès lors, si une nouvelle habilitation est nécessaire à chaque extension de compétences de ces agents, il n'en est pas de même pour l'assermentation ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué ne pouvait légalement, dans un but de simplification, dispenser les agents déjà assermentés de renouveler leur serment en cas de changement d'affectation ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SYNDICAT NATIONAL DES PERSONNELS DE SANTE ENVIRONNEMENTALE n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 22 janvier 2007 ; que doivent, par suite, être rejetées ses conclusions à fin d'injonction présentées sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du SYNDICAT NATIONAL DES PERSONNELS DE SANTE ENVIRONNEMENTALE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL DES PERSONNELS DE SANTE ENVIRONNEMENTALE, au Premier ministre, à la garde des sceaux, ministre de la justice et à la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.