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Conseil d’Etat, 9 décembre 1988, M. X. (infection nosocomiale - faute dans l'organisation du service)

 

Abstrat

La responsabilité pour faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service hospitalier est retenue lorsqu’un patient est victime d’une infection nosocomiale et ce, même si aucune faute lourde médicale ne peut être reprochée au personnel médical.

Faits :

Lors d’un examen chirurgical, Monsieur X. est victime d’une infection méningée compliquée d’une lésion de la moelle dorsale dont la cause est l’introduction accidentelle dans son organisme d’une germe microbien.

Solution :

Le conseil d’Etat annule le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 7 novembre 1984 et décide que, même si l’existence d’une faute lourde médicale, notamment en matière d’asepsie, ne peut être établie, le fait qu’une infection nosocomiale ait pu se produire révèle une faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service public hospitalier.

Il incombe ainsi au service hospitalier de fournir à son personnel médical un matériel et des produits stériles.

L’arrêt :

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 janvier 1985 et le 11 avril 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M X., demeurant (...), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :

1°) annule le jugement du 7 novembre 1984 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que l'administration générale de l'assistance publique à Paris soit condamnée à lui verser diverses indemnités en réparation du préjudice qu'il a subi lors d'une intervention et de soins subis à l'hôpital de la Pitié en Août 1976 ;

2°) condamne l'administration générale de l'assistance publique à Paris à lui verser la somme de 1 599 580,71 F et une rente capitalisée d'un montant de 1 642 500 F au titre de la tierce-personne, avec intérêts de droit et capitalisation ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;

Après avoir entendu :

- le rapport de M Challan-Belval, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, avocat de M X. et de Me Foussard, avocat de l'administration générale de l'assistance publique à Paris et de la SCP Desaché, Gatineau, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris,
- les conclusions de M Stirn, Commissaire du gouvernement ;

Sur le principe de la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que l'infection méningée compliquée d'une lésion de la moelle dorsale dont M X. a été victime a eu pour cause l'introduction accidentelle dans l'organisme du patient d'un germe microbien lors de la sacco-radiculographie qu'il a subie le 18 août 1976 au groupe hospitalier de la Pitié-Salpetrière à Paris ou de l'intervention chirurgicale de cure de la hernie discale confirmée par cet examen qu'il a subie le 19 août 1976 dans le même établissement, alors qu'il résulte des constatations des experts qu'aucune faute lourde médicale, notamment en matière d'asepsie, ne peut être reprochée aux praticiens qui ont exécuté cet examen et cette intervention ; que le fait qu'une telle infection ait pu néanmoins se produire, révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier à qui il incombe de fournir au personnel médical un matériel et des produits stériles ; que, dès lors, M X. est fondé à demander à l'administration générale de l'assistance publique à Paris, réparation du préjudice qu'il a subi du fait de cette faute et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation de ce préjudice ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M X. qui a subi des douleurs importantes, reste atteint dune paralysie des membres inférieurs, de l'abdomen et de la partie basse du tronc, entraînant une incapacité permanente partielle de 80 % et, outre un préjudice esthétique important, des troubles de toute nature dans les conditions d'existence ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces chefs de préjudice en l'évaluant à la somme de 500 000 F ;

Considérant que M X. a droit au remboursement des pertes de revenus qu'il justifie avoir subies durant la période d'incapacité temporaire totale et dont le montant, déduction faite des indemnités journalières qui lui ont été accordées, s'élève à 205 640,77 F ;

Considérant que l'état de M X. impose l'assistance d'une tierce personne au titre de laquelle il doit lui être attribué une somme de 400 000 F ;

Considérant qu'à ces divers chefs de préjudice, il y a lieu d'ajouter une somme de 469 794,07 F exposés par la caisse primaire d'assurance maladie de Paris à titre de frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation ainsi que les indemnités journalières servies à M X. durant la période d'incapacité temporaire totale ; qu'ainsi le préjudice total dont la réparation incombe à l'administration générale de l'assistance publique à Paris s'élève à 1 575 434,84 F ;

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Paris justifie de débours s'élevant à 469 794,07 F à titre d'indemnités journalières et de frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation ; que ces dépenses ne peuvent, en vertu de l'article 397 du code de la sécurité sociale applicable à la présente espèce en vertu de l'article 3 de la loi du 27 décembre 1973, s'imputer que sur la part de la condamnation de l'administration générale de l'assistance publique à Paris assurant la réparation de l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, c'est-à-dire aux indemnités allouées en compensation des pertes de salaires subies, en remboursement des frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation payés tant par la caisse primaire d'assurance maladie que par la victime, et, enfin, de la fraction de l'indemnité allouée en réparation de troubles dans les conditions d'existence qui couvre les troubles physiologiques subis par la victime ; que, dans les circonstances de l'affaire, cet élément d'indemnisation doit être évalué à 875 434,84 F ; qu'ainsi la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, inférieure à cette somme, peut être intégralement recouvrée ;

Sur les droits de M X. :

Considérant que M X. a droit à la différence entre le montant total du préjudice causé par la faute du service hospitalier et le montant de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie, soit la somme de 1 105 640,80 F ;

Sur les intérêts :

Considérant qu'à défaut de demande préalable d'indemnité, M X. a droit aux intérêts des sommes que l'administration générale de l'assistance publique à Paris est condamnée à lui verser à compter du 23 janvier 1981, date de l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Paris ; que la caisse primaire d'assurance maladie à Paris a droit aux intérêts à compter du 16 mars 1982 date d'enregistrement de ses conclusions ; Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée par M X. les 7 janvier 1985, 8 janvier 1986, 26 mai 1987 et 4 juillet 1988 ; qu'à chacune de ces dates il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 novembre 1984 est annulé. Article 2 : L'administration générale de l'assistance publique à Paris est condamnée à verser la somme de 1 105 640,80 F à M X. avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 1981. Les intérêts échus les 7 janvier 1985, 8 janvier 1986, 26 mai 1987 et 4 juillet 1988 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'administration générale de l'assistance publique à Paris est condamnée à verser la somme de 469 794 ,07 F à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 1982.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande de M X. est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M X., à l'administration générale de l'assistance publique à Paris, à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et au ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale.