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Conseil d'Etat, 9 juillet 1965, Sieur X. (Obligation de réserve - Interdiction de proférer des injures)

Sur le rapport de la 10ème Sous-Section

Vu 1°: sous le N° 58.778, 2°: sous le N° 58.779, les requêtes et les mémoires ampliatifs présentés pour le sieur X., demeurant (...), lesdites requêtes et lesdits mémoires enregistrés au Secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 2 août 1962, 18 octobre 1963 et 23 octobre 1963, et tendant à ce qu'il plaise au Conseil, 1°: annuler un jugement en date du 10 avril 1962 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation d'un arrêté du Maire de Caudéran en date du 10 juin 1960 le requérant d'assurer le service d'Etat civil, ensemble cet arrêté; 2°: annuler un jugement en date du 10 avril 1962 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation d'un arrêté du 4 juillet 1960 par lequel le Maire de Caudéran lui a infligé une sanction disciplinaire, ensemble cet arrêté;

Vu le Code de l'Administration communale;
Vu le décret du 12 août 1959;
Vu l'ordonnance du 13 juillet 1945;
Vu le décret du 31 août 1945;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu le Code général des impôts.

Considérant que les requêtes susvisées du sieur X. présentent à juger des questions se rattachent aux mêmes faits; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision;

Sur l'irrégularité de l'arrêté de réquisition:

Considérant que si le droit de grève a été reconnu par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel se réfère le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, la reconnaissance de ce droit ne saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre et de la sécurité publics; qu'en l'état actuel de la législation, il appartient au Maire responsable, en ce qui concerne l'administration communale, du bon fonctionnement des services publics placés sous son autorité, de prévoir lui-même, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et l'étendue de ces limites;

Considérant qu'au cours d'une grève des agents municipaux de la ville de Caudéran, le Maire de cette ville au début de l'après-midi du 10 juin, a requis le sieur X., chef du premier bureau des services municipaux, d'avoir à assurer le service de l'Etat-civil jusqu'à 18 heures 30; que s'il appartenait au Maire, en cas de grève du personnel, de prendre les mesures nécessaires pour assurer le service de l'Etat civil, en raison notamment des brefs délais impartis par le Code Civil pour procéder à certaines déclarations, il résulte des pièces du dossier que, le 10 juin 1960, ce service était assuré depuis le matin par des employés non grévistes; que, dès lors, l'arrêté par lequel le Maire a enjoint au sieur X. d'assurer ce service au cours de l'après-midi dudit jour n'était pas justifié par la nécessité de maintenir un service dont l'interruption eût pu porter une atteinte grave à l'intérêt public; que, par suite, le requérant est fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le Tribunal administratif a rejeté sa demande dirigée contre ledit arrêté;

Sur la légalité de la sanction dont le sieur X. a été l'objet:

Considérant que les injures proférées par le sieur X. sur un ton violent dans les bureaux de la Mairie en présence du maire dans la journée du 10 juin 1960, sont incompatibles avec la réserve incombant à tout fonctionnaire et spécialement à un chef de bureau dans ses rapports avec ses collègues et ses subordonnés; que cette attitude était de nature à justifier légalement à elle seule la sanction prise par le maire dans la limite de ses pouvoirs; qu'il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier l'opportunité de cette sanction;

Sur les dépens de première instance dans l'affaire avant donné lieu au jugement n° 234-60:

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre ces dépens à la charge de la commune de Caudéran.

Décide :
Article 1er - Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Bordeaux en date du 10 avril 1962, objet de la requête n° 58 778, ensemble l'arrêté en date du 10 juin 1960 par lequel le maire de Caudéran a requis le sieur X. d'avoir à assurer le service de l'Etat-civil le même jeur de 14 heures à 18 heures 30 sont annulés. Article 2 - La requête du sieur X. enregistrée sous le n°58 779 contre le jugement susvisé du Tribunal administratif de Bordeaux en date du 10 avril 1962 est rejetée.
Article 3 - Les dépens de première instance exposés dans l'affaire ayant donné lieu au jugement n° 234-60, et ceux d'appel exposés au titre de la requête enregistrée sous le n° 58 778 sont mis à la charge de la commune de Caudéran.
Article 4 - Les dépens exposés devant le Conseil d'Etat au titre de la requête n° 58 779 sont mis à la charge du sieur X.