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Conseil d'Etat, 9 mai 2011, n°342863 (licenciement d'un agent non titulaire - fonction publique hospitalière - membre du CHSCT)

En l'espèce, M. X, masseur kinésithérapeute, a été recruté en CDI par un établissement de santé pour occuper l'emploi de directeur des soins. M. X est, par ailleurs, membre du CHSCT de ce centre hospitalier. Il est licencié par une décision du directeur de cet établissement en date du 28 juin 2010. Dans un premier temps, le juge des référés du Tribunal administratif de Nîmes rejette sa demande tendant à la suspension de l'exécution de cette décision et à sa demande de réintégration dans son emploi de directeur des soins. Le Conseil d'Etat a décidé, en l'espèce, qu'un agent non titulaire de la fonction publique hospitalière, membre du CHSCT, ne pouvait être licencié sans autorisation de l'inspecteur du travail, le moyen tiré de l'absence d'autorisation de l'inspection du travail étant jugé de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de ce licenciement : "considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article L. 2411-1 du Code du travail : bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants : (…) 7° représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité ou des conditions de travail (…) ; qu'aux termes de l'article L. 2411-3 du même code : le licenciement d'un représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail (…) ; que l'article L. 4111-1 du même code a étendu aux établissements publics de santé mentionnés à l'article 2 de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dont relève le personnel du centre hospitalier de P., les dispositions du livre quatrième du code du travail relatives aux représentants du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, inséparables de celles de l'article L. 2411-13 précité ; que seuls sont exclus de ces dispositions, ainsi que le rappelle l'article R. 2411-1 du Code du travail, les fonctionnaires titulaires ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'article L. 2411-13 est applicable aux agents non titulaires des établissements publics de santé".

Conseil d'État
N° 342863
Mentionné au tables du recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies

M. Olivier Rousselle, rapporteur
M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public
SCP PEIGNOT, GARREAU ; SCP ROGER, SEVAUX, avocats

Lecture du lundi 9 mai 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 août et 13 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de l'ordonnance n° 1001719 du 13 août 2010 par lequel le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant d'une part à la suspension de l'exécution de la décision du 28 juin 2010 du directeur du centre hospitalier de Ponteils prononçant son licenciement et d'autre part à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier de le réintégrer dans son emploi de directeur des soins ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de suspension ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Ponteils le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Roger, Sevaux, avocat de M. A et de la SCP Peignot, Garreau, avocat du centre hospitalier de Ponteils,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Roger, Sevaux, avocat de M. A et à la SCP Peignot, Garreau, avocat du centre hospitalier de Ponteils ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A, masseur kinésithérapeute que le centre hospitalier de Ponteils avait recruté par un contrat à durée indéterminée conclu le 1er mars 2003, pour occuper l'emploi de directeur des soins, a été licencié par une décision du directeur du centre hospitalier du 28 juin 2010 prenant effet à la date de notification de cette décision ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'article 2 de l'ordonnance du 13 août 2010 par lequel le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution de cette décision sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier de le réintégrer dans son emploi de directeur des soins ;

Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article L. 2411-1 du code du travail : Bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants : (...) 7° Représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (....) ; qu'aux termes de l'article L. 2411-13 du même code : Le licenciement d'un représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail (...) ; que l'article L. 4111-1 du même code a étendu aux établissements publics de santé mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dont relève le personnel du centre hospitalier de Ponteils, les dispositions du livre quatrième du code du travail relatives aux représentants du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, inséparables de celles de l'article L. 2411-13 précité ; que seuls sont exclus de ces dispositions, ainsi que le rappelle l'article R. 2411-1 du code du travail, les fonctionnaires titulaires ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'article L. 2411-13 est applicable aux agents non titulaires des établissements publics de santé ;

Considérant que, dans un mémoire enregistré le 23 juillet 2010, M. A avait invoqué un moyen tiré de ce qu'il avait la qualité de représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du centre hospitalier de Ponteils et que son licenciement aurait dû dès lors être soumis à l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail ; que, sans contester cette qualité qui ressortait d'ailleurs d'une pièce produite au dossier, le centre hospitalier s'est borné à soutenir qu'aucune disposition ne subordonnait le licenciement de l'intéressé à l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail ; que, dans ces conditions, il résulte de ce qui précède que le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a commis une erreur de droit en ne retenant pas comme sérieux, en l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que le licenciement de M. A n'avait pas été préalablement autorisé par l'inspecteur du travail ; que par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, M. est fondé à demander l'annulation de l'article 2 de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes du 13 août 2010 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la demande de suspension :

Considérant, en premier lieu, que la mesure de licenciement dont M. A a fait l'objet a eu pour effet de le priver de son emploi et de sa rémunération et qu'il n'est pas soutenu que l'intéressé aurait retrouvé un emploi ; que si, ainsi que le relève le centre hospitalier, M. A peut prétendre à diverses indemnités, l'exécution de la décision de licenciement contestée porte à sa situation une atteinte suffisamment grave pour caractériser une situation d'urgence au sens des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;

Considérant, en second lieu, que M. A soutient qu'il avait la qualité de représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du centre hospitalier de Ponteils et que son licenciement aurait dû dès lors être soumis à l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail ; que ce moyen est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision dont la suspension est demandée ;

Considérant que, les deux conditions auxquelles les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative subordonne la suspension d'une décision administrative étant ainsi réunies, il convient de prononcer la suspension de la décision du 28 juin 2010 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Ponteils a licencié M. A ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que la suspension de l'exécution de la décision du directeur du centre hospitalier de Ponteils du 28 juin 2010 prononçant le licenciement de M. A implique nécessairement, en l'état de l'instruction, que l'intéressé soit réintégré, dans l'attente du jugement au fond ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du centre hospitalier de Ponteils une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par M. A devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie au litige, la somme demandée au même titre par M. A devant le tribunal administratif ; que ces dispositions font également obstacle à ce que soient mises à la charge de M. A les sommes que demande au même titre, devant le tribunal administratif et devant le Conseil d'Etat, le centre hospitalier de Ponteils ;

D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 de l'ordonnance du 13 août 2010 du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : L'exécution de la décision du directeur du centre hospitalier de Ponteils du 28 juin 2010 est suspendue.

Article 3 : Il est enjoint au directeur du centre hospitalier de Ponteils de réintégrer M. A à compter de la date de son éviction et au plus tard jusqu'à la date à laquelle il sera statué sur la demande d'annulation de la décision du directeur du centre hospitalier de Ponteils du 28 juin 2010.

Article 4 : Le centre hospitalier de Ponteils versera à M. A la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande de M. A devant le tribunal administratif est rejeté.

Article 6 : Les conclusions du centre hospitalier de Ponteils tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. A et au centre hospitalier de Ponteils.