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Cour administrative d’appel de Douai, 22 décembre 2008, n°08DA00630 (Etablissement public de santé – Vol – Bijoux –  Patient – Procédure d’admission)

En l’espèce, une patiente a été hospitalisée en milieu psychiatrique à la demande d’un tiers au sein d’un centre hospitalier le 3 mai 2005. Lors de sa procédure d’admission, elle a refusé de se séparer de ses effets personnels et d’en effectuer le dépôt auprès du comptable de l’hôpital. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de cet établissement public de santé à lui verser une certaine somme au titre du préjudice qui résulterait pour elle du vol de ses bijoux. La cour administrative d’appel a considéré que la requérante n’établit à aucun moment la valeur des bijoux qui lui auraient été dérobés. La seule production de l’attestation d’un bijoutier datant du mois d’octobre, soit postérieurement à la date des faits, indiquant avoir monté sur bague en janvier 2001 un diamant dont la valeur était estimé à 20 000 € ne suffit pas à établir que la bague qui lui a été volée était précisément celle que mentionne cette attestation et à justifier de la réalité et du montant du préjudice qu’elle invoque. La cour estime par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner si la patiente était ou non en mesure de manifester sa volonté lors de son admission au centre hospitalier, que la demande d’indemnisation est rejetée.

Cour administrative d'appel de Douai

N° 08DA00630
Inédit au recueil Lebon
2e chambre - formation à 3 (bis)
M. Mendras, président
M. Christian Bauzerand, rapporteur
M. Minne, commissaire du gouvernement
LEROY-DUPREUIL, avocat

lecture du lundi 22 décembre 2008

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 11 avril 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Marie-Jeanne épouse , demeurant ..., par Me Leroy-Dupreuil ; Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601655 du 14 février 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à ce que le Centre hospitalier Philippe Pinel soit condamné à lui verser la somme de 22 867,35 euros assortie des intérêts au titre du préjudice subi par le vol de ses bijoux lors de son séjour dans cet établissement ;

2°) de condamner le Centre hospitalier Philippe Pinel à lui verser la somme de 22 867,35 euros assortie des intérêts à compter de sa demande préalable ;

3°) de mettre à la charge du Centre hospitalier Philippe Pinel la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'elle a été hospitalisée en milieu psychiatrique à la demande d'un tiers en raison d'un péril imminent ; qu'elle n'a pas signé la lettre d'admission ; que les troubles du comportement dont elle était affectée ont connu une aggravation par la suite puisqu'ils ont nécessité son placement en chambre d'isolement ; qu'elle était donc dans l'incapacité de procéder aux formalités de dépôts n'étant pas à même de comprendre, ni d'apprécier ses engagements ou les demandes qui lui étaient soumises ; qu'il appartenait à l'hôpital de prendre lui-même les mesures nécessaires et de placer les objets de valeur au coffre dès lors que l'exposante n'était pas en état de manifester clairement sa volonté ou de mesurer la portée d'une telle décision ;
Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 20 octobre 2008 à la SCP Montigny et Doyen pour le Centre hospitalier Philippe Pinel, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 20 novembre 2008 et régularisé par la production de l'original le 21 novembre 2008, présenté pour le Centre hospitalier Philippe Pinel, dont le siège est Route de Paris à Amiens Cedex 1 (80044), par la SCP Montigy et Doyen, le centre hospitalier conclut à titre principal au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit fait application de l'article L. 1113-2 du code de la santé publique en réduisant le montant des dommages et intérêts ; il soutient que toutes les formalités ont été respectées ; que la patiente a en toute connaissance de cause souhaité conserver ses objets de valeur ; qu'elle n'était pas hors d'état de manifester sa volonté et que l'exposant ne pouvait pas procéder à une confiscation forcée ; que la requérante ne produit aucune pièce justificative de son préjudice et ne justifie pas de l'indemnisation du vol par sa compagnie d'assurance ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré par télécopie le 3 décembre 2008 et régularisé par la production de l'original le 5 décembre 2008, présenté pour Mme qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 décembre 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Marianne Terrasse, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de M. Christian Bauzerand, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Patrick Minne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme a été hospitalisée en milieu psychiatrique à la demande d'un tiers au Centre hospitalier Philippe Pinel le 3 mai 2005 ; que lors de sa procédure d'admission, elle a refusé de se séparer de ses effets personnels et d'en effectuer le dépôt auprès du comptable de l'hôpital ; qu'elle relève appel du jugement du Tribunal administratif d'Amiens en date du 14 février 2008 qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation du Centre hospitalier Philippe Pinel à lui verser la somme de 22 867,35 euros au titre du préjudice qui résulterait pour elle du vol de ses bijoux ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1113-1 du code de la santé publique : « Les établissements de santé, (...) sont, qu'ils soient publics ou privés, responsables de plein droit du vol, de la perte ou de la détérioration des objets déposés entre les mains des préposés commis à cet effet ou d'un comptable public, par les personnes qui y sont admises ou hébergées. (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 1113-3 du même code : « La responsabilité prévue à l'article L. 1113-1 s'étend sans limitation aux objets de toute nature détenus, lors de leur entrée dans l'établissement, par les personnes hors d'état de manifester leur volonté ou devant recevoir des soins d'urgence et qui, de ce fait, se trouvent dans l'incapacité de procéder aux formalités de dépôt dans les conditions prévues à l'article L. 1113-1 . Dans ce cas, ces formalités sont accomplies par le personnel de l'établissement. (...) » ;

Considérant que Mme n'établit à aucun moment, pas plus en appel qu'en première instance, la valeur des bijoux qui lui auraient été dérobés ; que la seule production de l'attestation d'un bijoutier, datant du mois d'octobre 2005, soit postérieurement à la date des faits, indiquant avoir monté sur bague en janvier 2001 un diamant d'1,90 carat dont la valeur était estimée à 20 000 euros ne suffit pas à établir que la bague qui lui a été volée était précisément celle que mentionne cette attestation, et par suite, à justifier de la réalité et du montant du préjudice qu'elle invoque ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner si Mme était ou non en mesure de manifester sa volonté lors de son admission au centre hospitalier, la demande d'indemnisation présentée ne peut qu'être rejetée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le Centre hospitalier Philippe Pinel qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à Mme la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marie-Jeanne et au Centre hospitalier Philippe Pinel.