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Cour administrative d’appel de Douai, 5 juin 2012, n° 11DA00446 (Personnel médical – Heures supplémentaires)

Un chirurgien exerçant au sein d’un centre hospitalier demande le paiement d’heures supplémentaires réalisées entre 2004 et 2007 ainsi que la condamnation de cet établissement public de santé à des dommages et intérêts. En première instance, le tribunal administratif d’Amiens a rejeté sa demande. La Cour administrative d’appel de Douai le déboute au motif qu’il ne rapporte pas « la preuve de la réalité et du quantum des heures de travail additionnel réalisées ». Elle rejette également le centre hospitalier sur son appel incident tendant au remboursement de traitements indument perçus par le chirurgien dans la mesure où le centre hospitalier ne rapporte pas la preuve de ce qu’il allègue. La Cour rappelle ainsi au centre hospitalier qu’ « il ne produit pas les tableaux de service nominatifs mensuels dont la tenue est imposées par l’article R. 6152-26 du Code de la santé publique ».

Cour administrative d'appel de Douai

2e chambre - formation à 3

N° 11DA00446

Inédit au recueil Lebon

M. Mortelecq, président
Mme Perrine Hamon, rapporteur
M. Marjanovic, rapporteur public
ZERBO, avocat

Lecture du mardi 5 juin 2012
 

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 17 mars 2011 par télécopie et régularisée par la production de l'original le 21 mars 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Ibrahim A, demeurant ..., par Me Zerbo, avocat ; il demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0802101 du 30 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Clermont de l'Oise à lui verser une somme de 49 753,20 euros, assortie des intérêts capitalisés, en rémunération de plages de travail additionnel ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Clermont de l'Oise à lui verser une somme de 50 329,43 euros avec intérêts au taux légal capitalisés ;

3°) d'enjoindre au centre hospitalier de lui verser les sommes dues, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner le centre hospitalier de Clermont de l'Oise à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Clermont de l'Oise la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961 modifiée portant loi de finances rectificative pour 1961, notamment son article modifié par la loi n° 77-826 du 22 juillet 1977 ;

Vu le décret n° 2002-8 du 4 janvier 2002 relatif aux congés annuels des agents des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu l'arrêté du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité de soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ;
Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Perrine Hamon, premier conseiller,
- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;
Considérant que M. A, chirurgien des hôpitaux, qui a exercé au centre hospitalier de Clermont de l'Oise entre 2004 et 2007, relève appel du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 30 décembre 2010 qui a rejeté sa demande tendant au paiement d'indemnités afférentes à des plages additionnelles de travail accomplies au cours des années 2004 à 2007, ainsi qu'à la condamnation du centre hospitalier de Clermont de l'Oise à lui verser 1 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

Sur les conclusions tendant à l'indemnisation de temps de travail additionnel :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 6152-23 du code de la santé publique : " Les praticiens perçoivent après service fait : 1° Des émoluments mensuels variant selon l'échelon des intéressés (...) / 2° Des indemnités et allocations dont la liste est fixée par décret " ; qu'aux termes de l'article D. 6152-23-1 du même code : " Les indemnités et allocations mentionnées au 2° de l'article R. 6152-23 sont : 1° Des indemnités de participation à la permanence des soins ou de réalisation de périodes de travail au-delà des obligations de service hebdomadaires : a) Des indemnités de sujétion correspondant au temps de travail effectué, dans le cadre des obligations de service hebdomadaires, la nuit, le samedi après-midi, le dimanche et les jours fériés ; b) Des indemnités forfaitaires pour tout temps de travail additionnel accompli, sur la base du volontariat, au-delà des obligations de service hebdomadaire (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 6152-26 de ce code : " (...) Afin d'assurer la continuité des soins, l'organisation du temps de présence médicale (...) établie en fonction des caractéristiques propres aux différents services ou départements est arrêtée mensuellement par le directeur d'établissement après avis de la commission médicale d'établissement. Un tableau de service nominatif, établi sur cette base, est arrêté mensuellement par le directeur sur proposition du chef de service " ; qu'aux termes de l'article R. 6152-27 du même code : " (...) Le praticien peut accomplir, sur la base du volontariat au-delà de ses obligations de service hebdomadaires, un temps de travail additionnel donnant lieu soit à récupération, soit à indemnisation, dans les conditions prévues aux articles R. 6152-23 et R. 6152-26 " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 30 avril 2003 susvisé : " Au vu des tableaux de service, le responsable d'une structure médicale (...) peut proposer à un ou plusieurs praticiens (...), dans le cadre de l'organisation définie avec la commission relative à l'organisation de la permanence des soins, de s'engager contractuellement pour une durée d'un an renouvelable (...) à effectuer un volume prévisionnel de temps de travail additionnel déterminé par quadrimestre (...). / Après accord du directeur, les praticiens concernés peuvent figurer au tableau de service prévisionnel pour effectuer des périodes de temps de travail additionnel afin d'assurer la permanence de soins conformément au contrat de temps additionnel qu'ils ont signé. / Le recours au temps de travail additionnel peut également être ponctuel. / Le décompte du temps de travail additionnel n'intervient qu'à l'issue de chaque période de référence de quatre mois, après que la réalisation de la totalité des obligations de service hebdomadaires effectuées, en moyenne, sur cette même période aura été constatée au vu du tableau de service (...) " ; qu'enfin l'article 11 de cet arrêté dispose : " Le tableau de service nominatif mensuel (...) est arrêté avant le 20 de chaque mois, pour le mois suivant, par le directeur, sur proposition du chef de service ou de département ou du responsable de la structure conformément à l'organisation du temps de présence médicale (...) arrêtée annuellement par le directeur après avis de la commission médicale d'établissement. / (...) Le directeur de l'établissement communique à chaque praticien l'extrait du tableau le concernant. / Un récapitulatif individuel sur quatre mois est établi et également communiqué au praticien. Il fait apparaître les périodes de temps de travail, les astreintes et les déplacements ainsi que, le cas échéant, la durée des absences et leur motif, afin de permettre le décompte des indemnités dues au praticien (...) " ;

Considérant que M. A soutient que, par l'effet d'une convention conclue le 1er septembre 2004 entre le centre hospitalier de Clermont de l'Oise et celui de Creil, aux termes desquels il effectuait 20 % de son obligation de service hebdomadaire au centre hospitalier de Creil, il a été contraint de travailler au-delà de ses obligations de service hebdomadaire dans la mesure où il était tenu, le lendemain de ses gardes de nuit à Creil, de travailler le jour suivant au centre hospitalier de Clermont de l'Oise, en méconnaissance de l'obligation de respecter un temps de repos de sécurité après une nuit de travail ;

Considérant que si M. A était en droit, nonobstant l'absence de conclusion du contrat mentionné à l'article 4 de l'arrêté du 30 avril 2003 susvisé, d'obtenir paiement de l'indemnité forfaitaire rémunérant des périodes de travail additionnel, pas plus en appel qu'en première instance, il ne rapporte la preuve de la réalité et du quantum des heures de travail additionnel réalisées au centre hospitalier de Clermont de l'Oise dont il fait état pour la période en litige ; qu'il n'est dès lors pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Clermont de l'Oise à lui payer des indemnités au titre des heures de service additionnelles qu'il aurait accomplies ;

Sur les conclusions aux fins de dommages et intérêts :
Considérant que, compte tenu de ce qui précède, M. A n'est pas fondé à soutenir que le centre hospitalier de Clermont de l'Oise, en refusant de faire droit à sa demande, lui aurait opposé une résistance abusive, et à demander sa condamnation à l'indemniser sur ce fondement ;

Sur les conclusions incidentes du centre hospitalier de Clermont de l'Oise :
Considérant que le centre hospitalier de Clermont de l'Oise, qui ne produit pas les tableaux de service nominatifs mensuels dont la tenue est imposée par l'article R. 6152-26 du code de la santé publique, et fait valoir que la preuve des temps de présence effectifs de M. A dans ses services ne pourrait être rapportée que par l'étude des actes réalisés par ce dernier, n'établit nullement que l'intéressé aurait indument perçu des traitements ne correspondant pas à un temps de travail effectif ; qu'il n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que ses conclusions, tendant à ce que M. A soit condamné à lui rembourser à ce titre une somme de 4 986,55 euros de trop perçu, ont été rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. A doivent, dès lors, être rejetées ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées du centre hospitalier de Clermont de l'Oise ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Clermont de l'Oise sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ibrahim A et au centre hospitalier de Clermont de l'Oise.