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Cour administrative d’appel de Lyon, 20 mars 2014, n° 13LY01241 (Marché de travaux – Modification d’une offre par le pouvoir adjudicateur – Comparaison des offres)

Pour l'attribution du marché de travaux de menuiseries extérieures destinées à l'aménagement du groupe scolaire communal, la commune X. a lancé, par avis d'appel à la concurrence envoyé à la publication le 2 avril 2012, une procédure adaptée. Le Tribunal administratif de Dijon a annulé ledit marché de travaux, conclu le 26 avril 2012 entre la commune X. et la société Y. La commune X. a interjeté appel. La requête a été rejetée. Au cours de l'analyse des offres, le pouvoir adjudicateur ne peut pas retrancher d'office un montant du prix proposé par l'un des candidats pour permettre une comparaison des offres sur des prestations équivalentes : les principes de transparence et d'égalité de traitement lui imposent, s'il souhaite modifier ou préciser sa demande, d'en informer l'ensemble des candidats.

COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON

N° 13LY01241   

4ème chambre - formation à 3

M. WYSS, président
M. Olivier MESMIN d'ESTIENNE, rapporteur
M. DURSAPT, rapporteur public
ADIDA & ASSOCIES, avocat

lecture du jeudi 20 mars 2014

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Vu la requête enregistrée le 13 mai 2013 présentée pour la commune de X. ;

La commune de X. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201270 du 28 février 2013 du tribunal administratif de Dijon qui a annulé le marché conclu le 26 avril 2012 avec la société Y. et qui a mis à la charge de la commune de X. le versement à la société Z. d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de mettre à la charge de la société Z. le versement à la commune d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune X. soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que la société Y. avait présenté une variante en ajoutant une porte vitrée vantail avec traverse intermédiaire, non prévue dans le cahier des clauses techniques particulières affèrent à cet appel d'offres, dès lors que ce faisant elle a simplement réparé l'erreur matérielle du rédacteur dudit document qui avait omis de mentionner une porte de service alors que deux portes de service étaient à remplacer ; que la société Perroux n'a donc pas présenté une variante irrégulière au sens de l'article 50 du code des marchés publics ;

- la commune, qui a scrupuleusement analysé les trois offres qui lui étaient présentées et qui a choisi la société la moins disante, a parfaitement respecté les dispositions relatives à la conclusion des marchés publics en procédure adaptée tant en ce qui concerne le critère de la valeur technique des offres, qu'en ce qui concerne celui du prix ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2013, présenté pour la société Z., dont le siège est …, représentée par son dirigeant légal, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune X. en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Z. soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal administratif de Dijon a considéré qu'en acceptant l'offre variante présentée par la société Perroux, la commune de X. a entaché le marché en cause d'illégalité et qu'il y avait lieu, par suite, d'annuler le marché de travaux conclu le 26 avril 2012 par la commune avec cette société ;

- la commune de X. a méconnu les documents de la consultation en ne procédant à aucune appréciation du critère de la valeur technique des offres alors que la société intimée a été la seule à avoir présenté une offre dont le chiffrage est conforme aux spécifications techniques du cahier des clauses techniques particulières du marché en son article 3.2.6, alors que la société Y., attributaire du marché, n'a pas respecté lesdites spécifications techniques en incluant une porte de service supplémentaire qui n'était pas prévue ;

- la commune de X. a fait une inexacte application du critère du prix en comparant l'offre de la société attributaire, évaluée à la somme de 53 984,16 euros toutes taxes comprises, et son offre, évaluée à la somme de 55 799,38 euros toutes taxes comprises, sans y inclure une deuxième porte non prévue au cahier des clauses techniques particulières ; qu'en modifiant ainsi la prestation, la commission d'appel d'offres a modifié le prix de l'entreprise Y. et par voie de conséquence, a modifié l'offre sans en aviser le candidat placé en 2ème position ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 février 2014 :

- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., représentant la Commune X. et de MeA..., représentant la société Z. ;

1. Considérant que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a annulé le marché de travaux de menuiseries extérieures destinées à l'aménagement du groupe scolaire communal, conclu le 26 avril 2012 entre la commune X. et la société Y. et a mis à la charge de ladite commune le versement à la société Z. d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que la commune X. demande l'annulation de ce jugement ;

2. Considérant que pour l'attribution du marché de travaux de menuiseries extérieures destinées à l'aménagement le groupe scolaire communal, la commune X. a lancé, par avis d'appel à la concurrence envoyé à la publication le 2 avril 2012, une procédure adaptée ;

3. Considérant qu'aux termes du II de l'article 1er du code des marchés publics : " Les marchés publics et les accords-cadres soumis au présent code respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. Ces obligations sont mises en oeuvre conformément aux règles fixées par le présent code " ; qu'aux termes de l'article 28 du même code : " I. - Lorsque leur valeur estimée est inférieure aux seuils de procédure formalisée définis à l'article 26, les marchés de fournitures, de services ou de travaux peuvent être passés selon une procédure adaptée, dont les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre ainsi que des circonstances de l'achat. Le pouvoir adjudicateur peut négocier avec les candidats ayant présenté une offre. Cette négociation peut porter sur tous les éléments de l'offre, notamment sur le prix. Pour la détermination de ces modalités, le pouvoir adjudicateur peut s'inspirer des procédures formalisées, sans pour autant que les marchés en cause soient alors soumis aux règles formelles qu'elles comportent. En revanche, s'il se réfère expressément à l'une de ces procédures formalisées, le pouvoir adjudicateur est tenu de l'appliquer dans son intégralité. Quel que soit son choix, le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des opérateurs économiques plus de renseignements ou de documents que ceux prévus pour les procédures formalisées par les articles 45, 46 et 48 " ;

4. Considérant que les marchés passés en application du code des marchés publics sont soumis aux principes qui découlent de l'exigence d'égal accès à la commande publique, rappelés par le II de l'article 1er de ce code ; que les marchés passés selon la procédure adaptée prévue à l'article 28 du même code sont soumis aux dispositions de son article 1er, comme tous les contrats entrant dans le champ d'application de celui-ci ; que, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou dans le cahier des charges tenu à la disposition des candidats ; que, dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite modifier sa demande ou retenir d'autres critères que ceux indiqués, l'information appropriée des candidats doit alors porter sur la teneur de sa nouvelle demande et sur les conditions de mise en œuvre des critères d'attribution du marché ; que cette information appropriée suppose que le pouvoir adjudicateur indique à l'ensemble des candidats les éléments au vu desquels il entend opérer la sélection des offres ;

5. Considérant que selon le paragraphe 3.2.6. du cahier des clauses techniques particulières marché de travaux de menuiserie extérieure pour le groupe scolaire communal annexé au dossier de consultation, la solution de base de l'appel d'offres portait notamment sur la fourniture et l'installation d'une porte vitrée un vantail avec traverse intermédiaire, repère 5, de dimensions 0,88 x 2,16 m ht, destinée à servir de porte de service ; que l'imprimé portant décomposition du prix global et forfaitaire afférent aux offres présentées pour l'obtention de ce marché mentionnait de même au titre du poste 3.2.6. et, s'agissant précisément de la fourniture et de la pose d'une porte vitrée " porte, un vantail de dimensions 0,88 x 2,16 m ht, une unité " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'offre de la société Y. a consisté en la fourniture et l'installation, non pas d'une porte vitrée un vantail avec traverse intermédiaire repère 5 de dimensions 0,88 x 2,16 m ht destinée à servir de porte de service, mais en la fourniture et l'installation de deux portes vitrées de cette dimension ; que cette offre a été jugée pertinente par la commission d'appel d'offres de la commune de X. eu égard à la circonstance que le rédacteur du cahier des clauses techniques particulières aurait omis de mentionner dans ce document qu'il convenait de prévoir deux portes de service, ce qu'aucune autre mention dans ledit document ne précisait clairement ; que la commune X. n'a toutefois pas informé la société Z., qui comme la troisième société soumissionnaire, avait déposé une offre ne comportant que la fourniture d'une unique porte de service, de la possibilité de modifier son offre afin qu'elle puisse proposer pareillement deux portes vitrées ; qu'il ressort du rapport d'analyse des offres que la commune X. a directement retranché du prix proposé par la société Y., indiqué comme s'élevant à 55 802,38 euros, la somme de 1 817 ,92 euros correspondant au prix de la porte supplémentaire incluse dans l'offre de cette dernière, ceci afin de comparer les prix proposés par l'ensemble des trois candidats ; qu'en procédant de cette manière la commune X. n'a pas respecté comme elle se devait de le faire, les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures tels que posés par le II de l'article 1er précité du code des marchés publics ; qu'elle a ainsi entaché la procédure de passation du marché litigieux d'une irrégularité ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune X. n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a estimé qu'eu égard à la gravité de l'irrégularité de la procédure suivie, il y avait lieu d'annuler le marché de travaux conclu le 26 avril 2012 par elle avec la société Y. ; que sa requête doit, en conséquence être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent, en tout état de cause, à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Z., qui n'est pas la partie perdante en l'espèce, au titre frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune X. une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Z. et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune X. est rejetée.

Article 2 : La commune X. versera à la société Z. une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Z. et à la commune X.