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Cour administrative d'appel de Lyon, 23 juin 2011, n°10LY01647 (Aléa thérapeutique - absence d'information - perte de chance - absence)

Melle A a été victime d'un accident de la voie publique ayant provoqué une fracture du bassin droit. Elle a subi une opération chirurgicale consistant en une réduction fémorale par ostéosynthèse. Au cours de cette intervention, le chirurgien a atteint l'artère fessière, induisant un sectionnement du pédicule fessier. Melle A a recherché devant le Tribunal administratif de Sallanches la responsabilité pour faute du centre hositalier X. Elle a également demandé la réparation de ses préjudices au titre de la solidarité nationale. Le Tribunal ayant rejeté ces demandes, elle fait appel de ce jugement. La Cour rejette également ses demandes et considère qu'aucune faute médicale n'est imputable au centre hospitalier X, "l'intervention chirurgicale consistant à réparer la fracture du bassée a été menée dans les règles de l'art et conformément aux données de la science ; qu'une des complications possibles d'une telle intervention est l'atteinte de l'artère fessière et que, dans ce contexte particulier nécessitant la suture de la source d'hémorragie par voie intra-abdominale, l'atteinte du nerf glutéal relève de l'aléa thérapeutique". S'agissant du défaut d'information, la Cour relève le défaut d'information n'a pas entrainé de perte de chance pour la patiente de se soustraire au risque qui s'est réalisé, l'intervention chirurgicale étant indispensable. Enfin, les juges considèrent que cet accident médical n'ouvre pas droit à la réparation au titre de la solidarité nationale, les conséquences de cette intervention ne pouvant être regardées comme anormales au regard de son état de santé et de l'évolution prévisible de celui-ci.

Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2010, présentée pour Mlle Sandrine A, domiciliée 118 Village du Pelloux à Combloux (74920) ;

Mlle A demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 0604648 du 21 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Sallanches à lui verser diverses indemnités en réparation du préjudice subi à la suite de l'opération chirurgicale réalisée le 15 décembre 2004 ;

- de condamner le centre hospitalier de Sallanches ou à défaut l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme globale de 607 825,30 euros et la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que : une faute a été commise par la praticien ; on ne peut déduire de la bonne réduction de la fracture l'absence de faute médicale ; le médecin a reconnu que le geste chirurgical est la cause directe de la rupture de l'artère ;une nouvelle expertise est nécessaire ; elle n'a jamais été informée des risques de l'opération ; les dommages subis sont la conséquence d'un accident médical présentant le critère de gravité exigé par les articles L. 1142-1 et D. 1142-1 du code de la santé publique ; cet accident a entraîné une incapacité temporaire de travail de deux ans ;

Vu, enregistré le 6 août 2010, un mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Savoie qui demande le remboursement de la somme de 2 996,95 euros, assortie des intérêts à compter du 2 juillet 2009 ainsi que la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, transmis par télécopie le 4 mars 2011, confirmée le 8 mars 2011, un mémoire en défense présenté pour le centre hospitalier de Sallanches tendant au rejet de la requête et de la demande de la caisse ;

Il soutient que : l'expert a conclu que l'intervention avait été réalisée conformément aux règles de l'art et aux données de la science et que l'atteinte glutéale relève de l'aléa thérapeutique ; la requérante restant atteinte d'une incapacité permanente partielle de 7 %, le faible degré de gravité des séquelles ne justifiait pas une information particulière ; elle n'a subi aucune perte de chance de se soustraire au risque, dès lors qu'elle aurait accepté de se soumettre à l'acte médical ; à titre subsidiaire, il n'existe ni souffrances ni nécessité d'une assistance d'une tierce personne ; une incapacité de 7 % ne justifie pas l'exercice d'un travail à mi-temps ;

Vu, transmis par télécopie le 6 mai 2011, confirmée le 9 mai 2011, un mémoire présenté pour l'ONIAM tendant, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire à la désignation d'un nouvel expert ;

Il soutient que : le caractère anormal du dommage n'est pas rapporté ; les risques de survenance d'une paraplégie sont inhérents à ce type d'intervention ; la complication n'était pas anormale au regard de l'état de santé de l'intéressée ; cette complication est liée à une fragilisation engendrée par l'accident de la route ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2011 :

- le rapport de Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

Considérant que Mlle A a été victime, le 7 décembre 2004, d'un accident de la voie publique ayant provoqué une fracture du bassin droit ; qu'elle a subi une opération chirurgicale au centre hospitalier de Sallanches, le 15 décembre suivant, consistant en une réduction fémorale par ostéosynthèse ; qu'au cours de cette opération, le chirurgien a atteint l'artère fessière, induisant un sectionnement du pédicule fessier ; que Mlle A a recherché devant le Tribunal administratif de Grenoble la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Sallanches ; qu'elle a également demandé la réparation de ses préjudices au titre de la solidarité nationale sur le fondement des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; que le Tribunal a rejeté ses demandes ;

Sur la faute médicale :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'intervention chirurgicale consistant à réparer la fracture du bassin a été menée dans les règles de l'art et conformément au données de la science ; qu'une des complications possibles d'une telle intervention est l'atteinte de l'artère fessière et que, dans ce contexte particulier nécessitant la suture de la source d'hémorragie par voie intra-abdominale, l'atteinte du nerf glutéal relève de l'aléa thérapeutique ; qu'aucune faute médicale n'est imputable au centre hospitalier de Sallanches ;

Sur le défaut d'information :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus...Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser... ;

Considérant qu'il résulte de l'expertise que la réparation du bassin était indispensable en raison de l'évolution probable vers un cal vicieux amenant à court terme à une intervention chirurgicale de correction aux risques majeurs et au pronostic incertain et que cette intervention ne pouvait être conduite que selon le mode opératoire suivi en l'espèce, la voie dite de Kocher-Langenbeck ; que, par suite, le défaut d'information de Mlle A sur le risque d'invalidité que comportait l'opération réalisée le 15 décembre 2004, n'a pas entraîné de perte de chance pour elle de se soustraire au risque qui s'est réalisé ; qu'aucune indemnisation n'est due à ce titre ;

Sur la réparation au titre de la solidarité nationale :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la 1ère partie du code de la santé publique, résultant de l'article 98 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins : I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) / II. Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une infection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire... ;

Considérant que Mlle A présentait une fracture de l'articulation de la hanche associée, selon l'expert, à un risque de séquelles gravissimes au niveau de la hanche homolatérale, ce qui aurait conduit, en l'absence d'intervention, à la réalisation d'un dommage d'une gravité supérieure ; que, comme il a été dit, l'une des complications possibles de l'intervention chirurgicale est l'atteinte de l'artère fessière, induisant un sectionnement du pédicule fessier ; que, dans ces conditions, les conséquences de cette intervention ne peuvent être regardées comme anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci ; que, par suite, cet accident médical n'ouvre pas droit à la réparation au titre de la solidarité nationale des préjudices de Mlle A ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes d'indemnités, sans qu'il soit utile de prescrire une expertise ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de Mlle A présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mlle A et les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Sandrine A, au centre hospitalier de Sallanches, à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Savoie et à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2011 à laquelle siégeaient : M. Vivens, président de chambre, Mme Steck-Andrez, président-assesseur, M. Stillmunkes, premier conseiller. Lu en audience publique, le 23 juin 2011.