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Cour Administrative d’Appel de Marseille, 25 juin 2009, n°08MA00883 (Hospitalisation d’office – Suicide du patient après sa sortie – Responsabilité du centre hospitalier)

Une mesure d’hospitalisation d’office est prise à l’encontre de Monsieur X. en raison de son agitation, de son agressivité et d’une psychose maniaco-dépressive. Quelques jours après la levée de cette mesure, Monsieur X. se suicide. Ses ayants droit demandent réparation au centre hospitalier de leur préjudice moral lié à l’erreur de diagnostic qui aurait été commise par l’établissement en autorisant Monsieur X. à quitter l’hôpital et qui serait à l’origine de son suicide. La Cour estime qu’aucune faute dans le fonctionnement et l’organisation du service public hospitalier ne saurait être reprochée au centre hospitalier en ce que ni le comportement de Monsieur X. ni aucun élément ne rendaient prévisible une tentative de suicide ou ne révélaient un état nécessitant la mise en place de mesures particulières de surveillance. Elle rejette donc la requête de la famille.

Cour Administrative d’Appel de Marseille

N° 08MA00883

Inédit au recueil Lebon

3ème chambre - formation à 3

M. DARRIEUTORT, président

Mme Christine MASSE-DEGOIS, rapporteur

M. DUBOIS, commissaire du gouvernement

SCP APAP - CHAPUIS, avocat(s)

lecture du jeudi 25 juin 2009

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 21 février 2008, présentée par la SCP Apap-Chapuis pour Mme Béatrice X et Mlle Lisa-Marie X élisant domicile ..., pour M. Laurent X élisant domicile ...) et pour Mme Ingrid Y élisant domicile ...) ; les consorts X et Mme Y demandent à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0502115 en date du 13 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur requête tendant à voir condamner le centre hospitalier de Béziers à réparer le préjudice moral qu’ils ont subis du fait du décès de leur époux et père ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Béziers à verser, au titre de leur préjudice moral, à Mme Béatrice X, épouse de M. X, la somme de 40 000 euros et à chacun des trois enfants la somme de 30 000 euros ;

3°) de statuer sur les dépens et de mettre à la charge du centre hospitalier de Béziers la somme de 1 000 euros au titre des frais d’instance ;

.........................................................................................................

Vu le code de la sécurité sociale et de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu, en date du 27 janvier 2009, l’arrêté du vice-président du Conseil d’Etat fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel autorisés à appliquer, à titre exceptionnel, les dispositions de l’article 2 du décret n°2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 28 mai 2009 :

- le rapport de Mme Massé-Degois, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;

- et observations de Me Combemorel, substituant Me Le Prado, pour le centre hospitalier de Béziers ;

Considérant que M. X, alors âgé de 46 ans, a fait l’objet d’une hospitalisation d’office au centre hospitalier de Béziers à compter du 2 janvier 1998 en raison d’un état d’agitation avec agressivité dans le cadre d’une psychose maniaco-dépressive ; que le 16 février suivant, la levée de l’hospitalisation d’office a été décidée par le praticien qui a assuré le suivi psychiatrique de l’intéressé ; que M. X, qui a quitté l’hôpital le 18 février 1998, s’est suicidé le 4 mars suivant ; que Mme X et ses trois enfants recherchent la responsabilité du centre hospitalier de Béziers en raison de l’erreur de diagnostic qui aurait été commise par cet établissement en autorisant leur époux et père à quitter l’hôpital et qui serait à l’origine de son suicide ; que Mme X et ses trois enfants relèvent appel du jugement du 13 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur requête tendant à voir condamner le centre hospitalier de Béziers à réparer le préjudice moral qu’ils ont subi du fait du décès de leur époux et père ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Béziers :

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction et notamment du certificat en date du 16 février 1998 de demande de levée de l’hospitalisation d’office dont faisait l’objet M. X depuis le 2 janvier 1998 que l’hospitalisation s’est déroulée sans incident particulier, hormis une tentative de suicide avortée au cours d’un épisode dépressif ayant justifié la mise en place d’un traitement antidépresseur ; que si ce certificat fait état chez l’intéressé d’une tendance dépressive à cette date, il relève également la mise en place d’un traitement adapté à cet état et mentionne que celui-ci avait montré des remords concernant ses actes passés, qu’il avait un discours plus cohérent et des projets plus réalistes ; qu’ainsi, et dès lors que la soeur de M. X assurait la prise en charge de son frère à sa sortie de l’hôpital et que le patient acceptait le suivi extérieur proposé par le centre hospitalier de Béziers consistant en la prescription d’un traitement antidépresseur et en l’organisation de consultations régulières, aucune faute ne saurait être reprochée audit centre hospitalier en ayant procédé à la levée du régime de l’hospitalisation d’office ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte également de l’instruction et notamment du compte rendu rédigé par le médecin psychiatre qui assurait le suivi de M. X à sa sortie de l’hôpital, que ce dernier s’est rendu à une consultation le 25 février 1998 au cours de laquelle il s’est montré confiant et résigné sans que des sentiments de tristesse ou d’angoisse n’aient été relevés ; que les requérants ne contestent pas que leur époux et père s’est rendu à cet entretien et qu’aucune tendance suicidaire n’a été remarquée au cours de cette consultation psychiatrique ; que, par suite, et nonobstant la diminution du traitement médicamenteux, ni le comportement de M. X ni aucun élément ne rendaient prévisible une tentative de suicide ou ne révélaient un état nécessitant la mise en place de mesures particulières de surveillance à la date du 25 février 1998 ;

Considérant, en troisième et dernier lieu, que le témoignage, établi pour les besoins de la cause près de dix ans après les faits, dont se prévaut Mme X selon lequel elle aurait fait appel le jour du suicide de son époux au psychiatre de ce dernier, est rédigé de manière trop imprécise pour établir un quelconque manquement dans la prise en charge de la victime et un quelconque lien entre le manquement allégué et le décès de M. X ; qu’il s’ensuit qu’aucune faute dans le fonctionnement et l’organisation du service public hospitalier ne saurait être reprochée au centre hospitalier de Béziers ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les consorts X et Mme Y ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu’être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête des consorts X et de Mme Y est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Béatrice X, à Mlle Lisa-Marie X, à M. Laurent X, à Mme Ingrid Y, au centre hospitalier de Béziers, à la caisse primaire d’assurance maladie de Béziers-Saint-Pons et au ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Copie en sera adressée à la SCP Apap-Chapuis, à Me Le Prado et au préfet de l’Hérault.