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Cour administrative d’appel de Nancy, 8 janvier 2009, n° 07NC00509 (Faute - Prise en charge médicale - Perte de chance)

En l’espèce, un enfant âgé de 9 ans ayant subi un traumatisme maxillo-facial a été emmené au service des urgences d’un centre hospitalier qui le réorienta vers un autre établissement public de santé, en l’occurrence un CHU. Les incisives de cet enfant n’ayant pu être réimplantés, ses parents et représentants légaux ont recherché la responsabilité solidaire des deux établissements hospitaliers devant le tribunal administratif qui a condamné solidairement ces derniers à réparer les conséquences de la perte de chance qu’a subie ce garçon de garder ces dents naturelles. Ces deux centres hospitaliers font appel de ce jugement. Or, la cour administrative d’appel de Nancy rejette la demande du premier centre hospitalier mais annule les dispositions du tribunal administratif relatives à la condamnation du centre hospitalier au motif que ce dernier n’est pas responsable de la perte de chance alléguée. La cour considère en effet que si le premier centre hospitalier soutient, sans le démontrer, avoir informé le CHU de l'arrivée de l'enfant, il ne conteste ni ne pas avoir réalisé un examen radiologique approprié pour aider cet établissement à poser un diagnostic rapide, ni ne pas avoir muni les parents d'un certificat médical relatant l'examen exobuccal et endobuccal, qui avait au surplus été réalisé tardivement. En agissant de la sorte, alors que les chances de succès d'une réimplantation des dents sont directement liées à la rapidité d'une telle intervention, le centre hospitalier a commis une faute dans la prise en charge médicale de cet enfant et fait perdre à ce dernier une chance de conserver ses dents.

Cour Administrative d'Appel de Nancy
3ème chambre - formation à 3

N° 07NC00509

Inédit au recueil Lebon

M. VINCENT, président
M. Olivier TREAND, rapporteur
M. COLLIER, commissaire du gouvernement
VILMIN ; VILMIN ; LE PRADO, avocat

Lecture du jeudi 8 janvier 2009

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu I°) la requête, enregistrée le 12 avril 2007 sous le n° 07NC00509, complétée par des mémoires enregistrés les 14 décembre 2007 et le 25 novembre 2008, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, par Me Vilmin ; le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY demande à la Cour :

1°) à titre principal :

- d'annuler le jugement n° 0501558 du 6 février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nancy, à la demande de M. X et de Mme Y, l'a condamné solidairement avec le centre hospitalier de Lunéville à réparer le préjudice subi par Rémi X à hauteur de 8 100 €, à raison des fautes médicales qui ont fait perdre à ce dernier une chance de voir réimplanter ses trois dents ;

- de rejeter la demande présentée par M. et Mme X devant le tribunal ;

2°) à titre subsidiaire :

- d'ordonner une contre-expertise ;
- de condamner le centre hospitalier de Lunéville à le garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;

Il soutient que :

- la date de la réunion d'expertise a été fixée unilatéralement par l'expert le 29 novembre 2004 ; or, le Dr Z avait fait savoir qu'il n'était pas disponible ;

- Rémi X n'a tout au plus que perdu une chance de voir ses dents réimplantées ; les risques d'échec en cas de réimplantation, voire de complications ultérieures (ankylose des racines), existaient et étaient grands ;

- la réimplantation des dents de Rémi X était impossible eu égard au délai écoulé depuis leur chute ; l'enfant n'a été pris en charge que trois heures après son accident survenu à 16 heures puisqu'il était encore au centre hospitalier de Lunéville à 18 h 20 ; les carences du centre hospitalier de Lunéville ont rendu l'examen réalisé par le Dr Z plus long ; les racines des dents étaient en mauvais état ; une anesthésie générale, qui était indispensable, ne pouvait être pratiquée avant 21 heures, l'enfant n'étant pas à jeun ; le Pr A, chef du service de chirurgie maxillo-faciale, a attiré l'attention de l'expert sur le risque de pratiquer une anesthésie générale en urgence dans ces conditions, risque qui n'est pris que lorsque le pronostic vital est engagé ; les parents de Rémi ont accepté ce constat ;

- l'examen pratiqué par le Dr Z de l'enfant Rémi X à son arrivée a été correct ; l'expert le souligne page 7 de son rapport ; l'expert n'explique pas pourquoi un examen radiologique aurait été utile ;

- à titre subsidiaire, eu égard aux fautes retenues à l'encontre du centre hospitalier de Lunéville, et notamment le retard à réorienter l'enfant vers Nancy, le tribunal aurait dû condamner ce dernier à le garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

Vu les mémoires, enregistrés les 21 mai et 26 juin 2007, présentés par la caisse d'assurance maladie de Longwy, qui déclare ne pas entendre intervenir à l'instance ;

Vu II°) la requête, enregistrée le 13 avril 2007 sous le n° 07NC00512, complétée par un mémoire enregistré le 11 juin 2007, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE LUNEVILLE par Me Le Prado ; le CENTRE HOSPITALIER DE LUNEVILLE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501558 du 6 février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nancy, à la demande de M. X et de Mme Y, l'a condamné solidairement avec le centre hospitalier universitaire de Nancy à réparer le préjudice subi par Rémi X à hauteur de 8 100 €, à raison des fautes médicales qui ont fait perdre à ce dernier une chance de voir réimplantées ses trois dents ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme X devant le tribunal ;

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- l'expertise n'a pas été contradictoire ; ses représentants n'étaient pas présents à la réunion d'expertise ; le rapport d'expertise souffre d'imprécisions ;

- il n'a commis aucune faute ; l'enfant Rémi X n'a fait que transiter par ses services avant d'être réorienté vers le centre hospitalier universitaire de Nancy ; il a informé le centre hospitalier universitaire de Nancy de l'arrivée de l'enfant ;

- subsidiairement, il n'est pas établi qu'une réimplantation eut été possible, l'enfant n'étant pas à jeun, interdisant la réalisation d'une anesthésie générale, et l'état des racines dentaires n'étant pas satisfaisant ;

Vu les mémoires, enregistrés les 12 septembre 2007 et 3 décembre 2008, présentés pour M. et Mme X par Me Berna, qui demande à la Cour :

1°) de confirmer le jugement en tant qu'il a retenu la responsabilité solidaire du CENTRE HOSPITALIER DE LUNEVILLE et du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement et de condamner le CENTRE HOSPITALIER DE LUNEVILLE et le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY à leur payer une somme de 18 570 € en réparation du préjudice subi par leur fils, une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et appel abusif, ainsi que 375 € en remboursement des frais d'expertise, ces sommes portant intérêts à compter du 10 juin 2005, jour de notification de la demande préalable d'indemnités ;

3°) de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE LUNEVILLE et du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY une somme de 6 000 € au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- les fautes des deux établissements hospitaliers sont caractérisées dans le rapport d'expertise ; la prise en charge des problèmes dentaires de Rémi a été tardive au CENTRE HOSPITALIER DE LUNEVILLE ; une réimplantation des dents étaient possible au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY ; les parents auraient dû être informés d'un risque d'échec de la réimplantation ;

- au minimum, Rémi, leur fils, a perdu une chance de voir ses dents réimplantées ;

- le CENTRE HOSPITALIER DE LUNEVILLE a été convoqué à la réunion d'expertise et s'est fait représenter par les Dr Flatters et Machin ;

- le préjudice subi par Rémi s'élève à 18 570 € ;

- le refus des hôpitaux d'assumer leurs responsabilités impose une réparation à hauteur de 5 000 € ;

Vu les mémoires, enregistrés les 13 juin 2007 et 4 décembre 2008, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DE LUNEVILLE par Me Le Prado, qui conclut au rejet des conclusions d'appel en garantie formées par le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY à son encontre et au rejet des conclusions d'appel incident de M et Mme X ;

Il soutient que :

- Rémi X n'a fait que transiter par ses services avant d'être réorienté vers le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, auquel toutes les informations nécessaires avaient été transmises afin de faciliter sa prise en charge ; aucune faute n'a été commise ;

- l'enfant n'ayant perdu qu'une chance de garder ses dents naturelles, il ne peut prétendre à être indemnisé que d'une partie des préjudices qu'il a subis ;

- les conclusions d'appel incident présentées par M. et Mme X tendant au rehaussement des indemnités qui leur ont allouées en première instance devront être écartées car leurs prétentions sont injustifiées au regard des préjudices réellement subis ;

- les conclusions tendant à sa condamnation à payer une amende pour recours abusif sont irrecevables et non fondées ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la lettre en date du 26 novembre 2008 par laquelle le président de la 3ème Chambre de la Cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2008 :

- le rapport de M.Tréand, premier conseiller,

- les observations de Me Vilmin, avocat du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, et de Me Barbosa pour la SCP Michel - Frey-Michel - Bauer - Berna, avocat de M. et Mme X,

- et les conclusions de M.Collier, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'alors âgé de 9 ans, Rémi X est tombé de bicyclette le 28 avril 2003 vers 16 heures et a subi un traumatisme maxillo-facial entraînant une coupure de la lèvre et l'expulsion complète de trois dents ; qu'il fut emmené par les pompiers au service des urgences du CENTRE HOSPITALIER DE LUNEVILLE, qui le réorienta vers le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY ; que les incisives de l'enfant n'ayant pu être réimplantées, M. et Mme X, parents et représentants légaux de Rémi, ont recherché la responsabilité solidaire des deux établissements hospitaliers devant le Tribunal administratif de Nancy qui, par jugement du 6 février 2007, a condamné solidairement ces derniers à réparer les conséquences de la perte de chance qu'a subie le jeune garçon de garder ses dents naturelles ; que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY et le CENTRE HOSPITALIER DE LUNEVILLE concluent à l'annulation de ce jugement en tant qu'il a retenu leur responsabilité, cependant que, par voie d'appel incident, M. et Mme X concluent à sa réformation en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leurs prétentions indemnitaires ;

Sur la jonction :

Considérant que les requêtes susvisées, enregistrées sous les n°s 07NC00509 et 07NC00512, sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que le moyen soulevé par le CENTRE HOSPITALIER DE LUNEVILLE tiré de l'insuffisante motivation du jugement, qui n'est pas, au surplus, assorti de précisions suffisantes, manque en fait et doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 621-7 du code de justice administrative : « Les parties sont averties par le ou les experts des jours et heures auxquels il sera procédé à l'expertise ; cet avis leur est adressé quatre jours au moins à l'avance, par lettre recommandée (..) » ;

Considérant, d'une part, que le CENTRE HOSPITALIER DE LUNEVILLE soutient que ses représentants étaient absents de la réunion qu'a tenue l'expert désigné en référé, le Dr Lecomte, chirurgien-dentiste, le 29 novembre 2004 à 14 heures en son cabinet à Raon l'Etape; que, toutefois, il ne prétend pas qu'il n'aurait pas été convoqué à ladite réunion par lettre recommandée avec accusé de réception le 8 novembre 2004 et qu'ainsi, auraient été méconnues les dispositions précitées de l'article R. 621-7 du code de justice administrative ; qu'au surplus, le conseil dudit hôpital a eu connaissance du pré-rapport d'expertise qui lui a été adressé le 8 décembre 2004, ainsi qu'aux autres parties, et a ainsi pu produire un dire avant la rédaction du rapport définitif daté du 8 mars 2005 ; que, d'autre part, le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY ne saurait se plaindre que l'expert ait fixé unilatéralement la date de la réunion d'expertise, dès lors qu'il dispose de ce pouvoir en vertu des dispositions précitées de l'article R 621-7 du code de justice administrative ; qu'il n'établit pas, en tout état de cause, que le Dr Z, médecin du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY qui a pris en charge l'enfant, ait averti l'expert de son impossibilité de s'y rendre pour un motif légitime ; qu'ainsi, les appelants ne sont pas fondés à prétendre que la réunion d'expertise n'a pas eu un caractère contradictoire ;

Considérant, d'autre part, que, contrairement à ce que soutiennent le CENTRE HOSPITALIER DE LUNEVILLE et le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, l'expert a accompli de manière complète sa mission telle qu'elle avait été définie par ordonnance du président du Tribunal administratif de Nancy du 15 octobre 2004 ; qu'il a notamment pris en compte leurs dires en pages 12 et 13 de son rapport ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en tant que fondé sur une expertise elle-même irrégulière doit être écarté ;

Sur les responsabilités :

En ce qui concerne le CENTRE HOSPITALIER DE LUNEVILLE :

Considérant qu'alors que Rémi X a été conduit au service des urgences du CENTRE HOSPITALIER DE LUNEVILLE le 28 avril 2003 vers 16h15, il résulte d'un certificat de passage émanant dudit service établi le 23 mai 2003 qu'il se trouvait encore sur les lieux à 18 h 20, heure où il fut seulement réorienté vers le service de chirurgie maxillo-faciale du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY ; que si le CENTRE HOSPITALIER DE LUNEVILLE soutient, sans d'ailleurs le démontrer, avoir informé l'hôpital nancéien de l'arrivée de l'enfant, il ne conteste ni ne pas avoir réalisé un examen radiologique approprié pour aider cet établissement à poser un diagnostic rapide, ni ne pas avoir muni les parents d'un certificat médical relatant l'examen exobuccal et endobuccal, qui avait au surplus été réalisé tardivement ; qu'en agissant de la sorte, alors que les chances de succès d'une réimplantation des dents sont directement liées à la rapidité d'une telle intervention, le CENTRE HOSPITALIER DE LUNEVILLE a commis une faute dans la prise en charge médicale de Rémi X et fait perdre à ce dernier une chance de conserver ses dents ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement querellé, le tribunal l'a condamné à réparer les conséquences dommageables de cette perte de chance ;

En ce qui concerne le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY :

Considérant d'une part que, contrairement à ce que soutient l'expert, il ne peut être déduit du seul certificat médical établi a posteriori le 30 avril 2003 par le Dr Z, qui, ne mentionnant que l'avulsion de deux dents, peut contenir une erreur matérielle, que l'examen de l'état bucco-dentaire de l'enfant n'aurait pas été réalisé avec suffisamment de soin ;

Considérant, d'autre part, qu'eu égard au délai intervenu entre l'accident de bicyclette survenu vers 16 heures et l'heure à laquelle le Dr Z aurait pu intervenir, qui ne saurait guère être antérieure à 19 heures, en raison du délai de route entre les deux hôpitaux et de l'examen pratiqué préalablement sur l'enfant, ainsi qu'au mauvais état des racines dentaires, le fait que le praticien du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY n'ait pas tenté de réimplanter les incisives, même sous anesthésie locale, à le supposer fautif, n'a pas fait perdre une chance à Rémi de conserver ses dents ; que, par ailleurs, dans ces conditions, en l'absence de chance de réussite de l'intervention, M. et Mme X ne sauraient reprocher aux médecins de ne pas les avoir informés des risques encourus en cas de réimplantation ;

Considérant que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy l'a condamné solidairement avec le CENTRE HOSPITALIER DE LUNEVILLE à réparer les conséquences dommageables de la perte de chance qu'a subie Rémi X de voir ses dents naturelles réimplantées, à rembourser les frais d'expertise à M. et Mme X et à payer à ces derniers une somme au titre des frais irrépétibles ; que les articles 1er, 3 et 5 du jugement attaqué doivent, dans cette mesure, être annulés ;

Sur le préjudice :

Considérant, d'une part, que M. et Mme X se bornent à reprendre à hauteur d'appel leurs prétentions indemnitaires formulées devant le tribunal sans critiquer aucunement l'évaluation effectuée par les premiers juges, qui ne leur ont donné que partiellement satisfaction ; que leur appel incident doit, pour ce motif, être rejeté ;
Considérant d'autre part que, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

Considérant qu'il n'est pas sérieusement contesté que la réimplantation de dents expulsées, même effectuée dans un bref délai, présente un taux de réussite de 50 % ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le préjudice dont Rémi X pouvait obtenir réparation ne correspondait donc qu'à une fraction de son dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ; qu'en l'espèce, le préjudice indemnisable doit être évalué à 50 % du dommage corporel chiffré par le tribunal, soit 4 050 € ; qu'il y a ainsi lieu de réformer le jugement attaqué en ce sens ;

Sur les intérêts :

Considérant que M. et Mme X ont droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme sus-rappelée de 4 050 € à compter du 13 juin 2005, date de réception de leur demande préalable ;

Sur la demande de M. et Mme X tendant à la condamnation des appelants à leur payer des dommages et intérêts pour résistance abusive et appel abusif :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les appelants aient fait un usage abusif de leur droit d'agir en justice ; que, par suite, les conclusions formées à ce titre par M. et Mme X doivent être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des hôpitaux appelants, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que demandent M. et Mme X au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er, 3 et 5 du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 6 février 2007 sont annulés en tant que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY a été condamné, solidairement avec le CENTRE HOSPITALIER DE LUNEVILLE, à réparer les conséquences dommageables de la perte de chance qu'a subie Rémi X de voir ses dents naturelles réimplantées, à rembourser les frais d'expertise à M. et Mme X et à payer à ces derniers une somme au titre des frais irrépétibles.

Article 2 : La somme de 8 100 € que le CENTRE HOSPITALIER DE LUNEVILLE a été condamné à verser à M. et Mme X par le jugement du Tribunal administratif de Nancy du 6 février 2007 est ramenée à 4 050 €. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2005.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 6 février 2007 est réformé en ce qu'il est contraire à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : La requête susvisée du CENTRE HOSPITALIER DE LUNEVILLE est rejetée.

Article 5 : Les conclusions d'appel incident de M. et Mme X et leurs conclusions tendant à la condamnation des appelants pour procédure abusive et en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, au CENTRE HOSPITALIER DE LUNEVILLE, à M. et Mme Jean-Jacques X et à la caisse primaire d'assurance maladie de Longwy.