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Cour administrative d’appel de Nantes, 16 octobre 2009, n°08NT03416 (Formation professionnelle – Accident – Responsabilité du centre hospitalier employeur)

Cet arrêt indique que la prise en charge d’un accident de service pendant une session de formation relève de la compétence de l’établissement public de santé employeur. En l’espèce, il s’agissait d’une infirmière victime d’un accident à l’occasion d’une formation assurée par un prestataire privé. Même si son préjudice avait pour origine un défaut de maîtrise imputable à l’animateur de la séance de formation, son employeur, le centre hospitalier, est regardé comme responsable du préjudice subi par l’infirmière dans le cadre de son service, même en l’absence de faute.

Cour Administrative d’Appel de Nantes

N° 08NT03416

Inédit au recueil Lebon

4ème chambre

M. PIRON, président

Mme Isabelle PERROT, rapporteur

M. VILLAIN, commissaire du gouvernement

HOUDART, avocat(s)

lecture du vendredi 16 octobre 2009

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2008, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE BAYEUX, 13, rue de Nesmond à Bayeux Cedex (14401), représenté par son directeur en exercice, par Me Houdart, avocat au barreau de Paris ; le CENTRE HOSPITALIER DE BAYEUX demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 06-1723 en date du 17 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Caen l’a condamné à verser à Mme Christelle X la somme de 10 000 euros, assortie des intérêts au taux légal calculés à compter du 12 mai 2006, en réparation du préjudice subi à l’occasion de l’accident de service dont celle-ci a été victime le 7 janvier 2003 ainsi qu’à payer à l’intéressée les frais d’expertise et de déplacement s’élevant respectivement à 900 et 300 euros ;

2°) de condamner la SARL Concept Formation Conseil à le garantir en totalité des condamnations mises à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de la SARL Concept Formation Conseil la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 18 septembre 2009 :
- le rapport de Mme Perrot, rapporteur ;
- les conclusions de M. Villain, rapporteur public ;
- les observations de Me Thomas-Tinot, avocat de la SARL Concept Formation Conseil ;
- et les observations de Mme X ;

Considérant que Mme X, infirmière diplômé d’Etat affectée au CENTRE HOSPITALIER DE BAYEUX, a été victime, le 7 janvier 2003, d’un accident de service alors qu’elle participait à une session de formation continue dont son employeur avait confié la réalisation à la SARL Concept Formation Conseil, par une convention conclue avec cette société le 20 novembre 2001 ; qu’atteinte d’une fracture d’une vertèbre lombaire, elle a été placée en congé de maladie, puis a repris son service le 20 octobre 2003, la date de consolidation étant fixée au 6 janvier 2004 ; que Mme X a sollicité la condamnation du CENTRE HOSPITALIER DE BAYEUX et de la SARL Concept Formation Conseil devant le Tribunal de grande instance de Caen qui l’a déboutée par un jugement du 21 juin 2005 ; qu’après avoir présenté, le 12 mai 2006, une demande préalable d’indemnisation à l’établissement public hospitalier, elle a saisi le Tribunal administratif de Caen afin d’être indemnisée de l’ensemble des préjudices qu’elle estimait avoir subis ; que, par un jugement en date du 17 octobre 2008, ce tribunal a rejeté les conclusions indemnitaires qu’elle avait dirigées contre la SARL Concept Formation Conseil ainsi que les conclusions d’appel en garantie présentées par le CENTRE HOSPITALIER DE BAYEUX à l’encontre de cette société et a condamné ledit centre hospitalier à verser à Mme X la somme de 10 000 euros, assortie des intérêts au taux légal calculés à compter du 12 mai 2006, en réparation du préjudice subi par celle-ci, outre les sommes de 900 et 300 euros en remboursement respectivement des frais d’expertise et des frais de déplacement s’y rapportant ; que le CENTRE HOSPITALIER DE BAYEUX relève appel de ce jugement ; que, par la voie de l’appel incident, Mme X demande que la somme que le CENTRE HOSPITALIER DE BAYEUX doit être condamné à lui verser soit portée à 16 200 euros, outre les frais d’expertise ;

Sur la compétence :

Considérant que la convention de prestations de service du 20 novembre 2001 par laquelle le CENTRE HOSPITALIER DE BAYEUX a confié à la SARL Concept Formation Conseil la réalisation de l’action de formation de son personnel, qui est identique aux conventions de formation conclues par les employeurs de droit privé en vertu des dispositions du code du travail, ne contient aucune clause exorbitante du droit commun et n’a ni pour objet l’exécution d’une mission de service public ni pour effet la participation du cocontractant privé à la mission de service public assurée par le centre hospitalier ; que, dès lors, c’est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les conclusions d’appel en garantie présentées par cet établissement à l’encontre de la SARL Concept Formation Conseil ne relevaient pas de leur compétence et que le litige susceptible de naître entre les deux cocontractants à raison de la condamnation exclusive du centre hospitalier par le juge administratif ressortissait à la compétence du juge judiciaire ; que, faute pour lui d’avoir déjà soumis, sans succès, un tel litige au jugement du Tribunal de grande instance, le CENTRE HOSPITALIER DE BAYEUX n’est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que le jugement attaqué du Tribunal administratif de Caen serait constitutif d’un déni de justice ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu’il est constant que le préjudice subi par Mme X a pour origine un défaut de maîtrise imputable au collaborateur de la SARL Concept Formation Conseil qui animait la séance de formation du 7 janvier 2003 et à laquelle a participé l’intéressée ; qu’en sa qualité d’employeur chargé d’assurer la formation professionnelle, notamment, du personnel paramédical, le centre hospitalier doit, même en l’absence de faute de sa part, être regardé comme étant responsable du préjudice subi par Mme X dans le cadre du service ;

Sur la réparation :

Considérant qu’aux termes de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l’intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l’indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l’une des causes exceptionnelles prévues à l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ou jusqu’à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l’accident. (...) L’établissement ou la collectivité dont il relève est subrogé dans les droits éventuels du fonctionnaire victime d’un accident provoqué par un tiers jusqu’à concurrence du montant des charges qu’il a supportées ou supporte du fait de cet accident. L’établissement ou la collectivité est admis à poursuivre directement contre le responsable du dommage ou son assureur le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées audit fonctionnaire pendant la période d’indisponibilité de celui-ci par dérogation aux dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l’Etat et de certaines autres personnes publiques (...) ;

Considérant que les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d’accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d’invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d’invalidité en cas de maintien en activité déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l’atteinte à l’intégrité physique, dans le cadre de l’obligation qui incombe aux établissements ou aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu’ils peuvent courir dans l’exercice de leurs fonctions ; qu’elles ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l’accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d’agrément ou des troubles dans les conditions d’existence, obtienne de l’établissement ou de la collectivité qui l’emploie une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu’une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l’ensemble du dommage soit engagée contre l’établissement ou la collectivité, dans le cas notamment où l’accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de ceux-ci ; qu’il suit de là que le CENTRE HOSPITALIER DE BAYEUX n’est pas fondé à soutenir que Mme X ne pouvait prétendre à l’indemnisation de ses souffrances physiques ainsi que des troubles dans ses conditions d’existence et de son préjudice d’agrément telle qu’y a fait droit le Tribunal administratif de Caen ;

Considérant qu’en fixant à 10 000 euros, somme à laquelle il convient d’ajouter celle de 300 euros au titre des frais de déplacement pour se rendre à l’expertise médicale et celle de 900 euros correspondant au remboursement des frais de cette expertise, le montant de la réparation de l’ensemble des préjudices subis par Mme X, qui a dû après son hospitalisation rester alitée plusieurs semaines, a connu plusieurs épisodes douloureux évalués par l’expert à 3 sur 7 et s’est vue attribuer une IPP de 5 %, les premiers juges n’ont pas fait une inexacte appréciation de ces préjudices ; qu’il suit de là que Mme X n’est pas fondée à demander, par la voie de l’appel incident, que la condamnation du CENTRE HOSPITALIER DE BAYEUX soit portée à 16 200 euros ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE BAYEUX, qui est, pour l’essentiel, la partie perdante, le paiement à Mme X de la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés ; qu’il n’y a pas lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par le centre hospitalier et par la SARL Concept Formation Conseil ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER DE BAYEUX est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d’appel incident présentées par Mme X sont rejetées.

Article 3 : Le CENTRE HOSPITALIER DE BAYEUX versera à Mme X la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la SARL Concept Formation Conseil au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER DE BAYEUX, à Mme Christelle X et à la SARL Concept Formation Conseil.

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