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Cour administrative d'appel de Nantes, 24 avril 1997, Mme X. (recrutement - aptitude physique- avis du comité médical)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 septembre 1994, présentée pour Mme X., demeurant (...), par Me LAURET, avocat au barreau de Brest ;

Mme X. demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 91-1320 du 6 janvier 1993 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 19 avril 1991 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Lanmeur a mis fin à ses fonctions et a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'indemnités réparant le préjudice moral et financier, ainsi que d'indemnités de licenciement et de congés payés ;
2 ) d'annuler ladite décision et de condamner le centre hospitalier à lui verser :
- 50 000 F pour préjudice moral ;
- 12 fois la rémunération nette du mois précédant le licenciement pour préjudice matériel et financier ;
- les indemnités compensatrices de congés payés ;
3 ) de condamner le centre hospitalier de Lanmeur sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel à lui verser la somme de 5 000 F et le condamner aux dépens et frais de justice ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n 88-386 du 19 avril 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 1997 :
-le rapport de Mme LISSOWSKI, conseiller,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;

Sur les fins de non recevoir opposées par le centre hospitalier de Lanmeur :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X. a saisi le bureau d'aide juridictionnelle près la Cour administrative d'appel de Nantes dès le 25 février 1993 aux fins de faire appel du jugement du 6 janvier 1993 du Tribunal administratif de Rennes et d'être assistée dans la procédure qui l'opposait au centre hospitalier de Lanmeur ; que la décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 17 juin 1994 lui accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été notifiée au plus tôt le 21 juillet 1994 ; que, par suite, la saisine du bureau d'aide juridictionnelle ayant eu pour effet de prolonger les délais de recours contentieux, la requête de Mme X., enregistrée au greffe de la cour le 20 septembre 1994, n'est pas, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, tardive ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en faisant appel du jugement du tribunal administratif rejetant sa demande d'annulation de la décision en date du 19 avril 1991 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Lanmeur a mis fin à ses fonctions, Mme X. a implicitement mais nécessairement demandé l'annulation de cette décision ;

Considérant enfin qu'il ressort des pièces du dossier que le centre hospitalier s'est prononcé en première instance sur les conclusions en indemnités que présentait Mme X. ; qu'ainsi le contentieux a été lié sur ce point ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les fins de non recevoir opposées par le centre hospitalier à la requête de Mme X. doivent être rejetées ;

Sur les conclusions en annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article 10 du décret du 19 avril 1988 modifié, relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière : "Nul ne peut être nommé à un emploi de la fonction publique hospitalière s'il ne produit, dans le délai prescrit par l'autorité administrative, un certificat médical délivré par un médecin généraliste agréé attestant que l'intéressé n'est atteint d'aucune maladie ou infirmité, ou que les maladies ou infirmités constatées ne sont pas incompatibles avec l'exercice des fonctions auxquelles il postule." ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X., alors qu'elle avait été recrutée comme agent auxiliaire par le centre hospitalier de Lanmeur le 1er juin 1985, a été victime d'un accident le 10 février 1988 ; qu'elle a été nommée aide soignante stagiaire par décision du directeur de l'hôpital de Lanmeur à compter du 1er novembre 1989 ; qu'au cours de sa période de stage, elle a bénéficié de divers arrêts de travail consécutifs à l'accident susvisé ; que, pour se prononcer sur la titularisation de Mme X., le centre hospitalier a saisi le comité médical départemental lequel, au cours de sa séance du 21 février 1991, a constaté l'incapacité de l'intéressée à exercer la fonction d'aide soignante ; que le directeur du centre hospitalier a, alors, par décision du 19 avril 1991, mis fin aux fonctions de Mme X. à compter du 2 mai 1991 pour inaptitude physique ;

Considérant qu'il est constant que Mme X. bénéficiait, le 21 février 1991, d'un congé de maladie, et avait demandé au comité médical de reporter sa séance en lui faisant connaître qu'elle allait subir, le 5 mars suivant, une opération qui devait conduire à sa guérison ;

Considérant que, compte tenu du dossier dont elle disposait et des éléments d'information apportés par l'intéressée, l'autorité administrative ne pouvait, sans commettre une erreur d'appréciation, se fonder uniquement sur l'avis du comité médical du 21 février 1991 pour mettre fin aux fonctions de Mme X., dès lors que son état de santé était susceptible d'évolution et qu'elle n'avait pas été déclarée inapte à titre définitif à exercer ses fonctions ; que, d'ailleurs, la consolidation de l'état de santé de Mme X. a été constatée le 16 juin 1991 et que l'intéressée a pu reprendre une activité professionnelle d'aide soignante ; que, par suite, Mme X. est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; qu'il y a donc lieu d'annuler, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la décision du centre hospitalier de Lanmeur mettant fin aux fonctions de Mme X. ;

Sur les conclusions aux fins d'indemnité :

Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit ne reconnaît aux agents publics non titulaires, en cas de licenciement, le droit au paiement d'une indemnité représentative de congés payés ; qu'ainsi Mme X. n'est pas en droit de prétendre au versement d'une telle indemnité ;

Considérant, en deuxième lieu, que si Mme X. ne peut prétendre, en l'absence de service fait, à un rappel de ses salaires, elle est fondée à demander réparation du préjudice résultant de l'irrégularité de la mesure de licenciement ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une équitable appréciation des préjudices matériels et financiers qu'elle a subis en les arrêtant à une somme de 20 000 F ;

Considérant, enfin, qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme X. en évaluant celui-ci à une somme de 10 000 F ;

Considérant, en conséquence, qu'il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Lanmeur à verser à Mme X. une indemnité totale de 30 000 F ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner le centre hospitalier de Lanmeur à verser à Mme X. la somme de 5 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, sans préjudice des droits du trésor ;

Considérant, en revanche, que les mêmes dispositions font obstacle à ce que le centre hospitalier de Lanmeur, qui succombe dans la présente instance, demande la condamnation de Mme X. à lui verser une indemnité au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Décide :
Article 1er:Le jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 6 janvier 1993 est annulé, ensemble la décision en date du 19 avril 1991 du directeur du centre hospitalier de Lanmeur mettant fin aux fonctions de Mme LX.
Article 2:Le centre hospitalier de Lanmeur est condamné à verser à Mme X. une somme de trente mille francs (30 000 F).
Article 3:Le centre hospitalier de Lanmeur est condamné à verser à Mme X. une somme de cinq mille francs (5 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sans préjudice des droits du trésor.
Article 4:Les conclusions du centre hospitalier de Lanmeur tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 5:Le présent arrêt sera notifié à Mme X., au centre hospitalier de Lanmeur et au ministre du travail et des affaires sociales. Une copie sera transmise au trésorier payeur général du Finistère. La République mande et ordonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.