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Cour administrative d'appel de Nantes, 29 mars 2000, Centre hospitalier de Morlaix (contrat administratif - missions subsidiaires des établissements publics de santé - principe de spécialité)

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 mars et 23 juin 1997, présentés pour le Centre hospitalier de Morlaix, 29205 Morlaix Cedex (Finistère), représenté par son directeur, par Me CAROFF, avocat au barreau de Morlaix ;

Le Centre hospitalier de Morlaix demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 94-1049 et 96-54 du 18 décembre 1996 du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a annulé la décision du centre hospitalier de signer un contrat avec le Centre hélio-marin X pour le traitement du linge de cet établissement au cours de l'année 1994 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Y devant le Tribunal administratif de Rennes et de la condamner à lui verser la somme de 8 000 F au titre des frais non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Sur la recevabilité des conclusions de la demande de première instance de la société Y tendant à l'annulation de la décision du Centre hospitalier de Morlaix de conclure un marché de prestations de service avec le Centre hélio-marin X :

Considérant que, par lettre du 27 décembre 1993, le conseil de la société Y, devenue depuis la société Z, a adressé au président du conseil d'administration du Centre hospitalier de Morlaix un recours gracieux tendant au retrait de la décision du centre hospitalier de conclure le marché susvisé ; que cette demande a été rejetée par lettre du directeur du centre hospitalier du 21 janvier 1994 ; que si la demande de la société Y, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 18 mars 1994, était dirigée contre la décision de rejet dont s'agit, le jugement attaqué a pu, à bon droit, regarder la demande de la société comme également dirigée contre la décision à l'égard de laquelle la société avait exercé le recours gracieux précité ;

Sur la légalité de la décision du Centre hospitalier de Morlaix de conclure le marché de prestations de service :

Considérant que le Centre hospitalier de Morlaix, établissement public d'hospitalisation, a conclu avec le Centre hélio-marin X, établissement privé d'hospitalisation, un marché par lequel ce dernier lui confiait, moyennant rémunération, le traitement du linge nécessaire à son fonctionnement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.711-1 du code de la santé publique : "Les établissements de santé, publics et privés, assurent les examens de diagnostic, la surveillance et le traitement des malades..." ; qu'aux termes de l'article L.711-2 du même code : "Les établissements de santé publics ou privés ont pour objet de dispenser : 1° Avec ou sans hébergement : a ) des soins de courte durée ou concernant des affections graves pendant leur phase aiguë... b ) des soins de suite ou de réadaptation dans le cadre d'un traitement ou d'une surveillance médicale..." ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.711-3 de ce code, inclus dans la section II relative aux dispositions propres au service public hospitalier : "Le service public hospitalier exerce les missions définies à l'article L.711-1 et, de plus, concourt : 1° à l'enseignement universitaire et postuniversitaire et à la recherche de type médical, odontologique et pharmaceutique... 2° à la formation continue des praticiens hospitaliers et non hospitaliers... 4° à la formation initiale et continue des sages femmes et du personnel paramédical et à la recherche dans leurs domaines de compétence..." ; qu'enfin, l'article L.714-14 du même code dispose : "Dans le respect de leurs missions, les établissements publics de santé peuvent, à titre subsidiaire, assurer des prestations de service et exploiter des brevets et des licences..." ;

Considérant, alors même que le Centre hélio-marin X participe à la mission de service public définie à l'article L.711-2 susvisé du code de la santé publique, que la prestation de traitement de linge ainsi assurée par le Centre hospitalier de Morlaix ne peut être regardée comme relevant des prestations de service qui peuvent être assurées, à titre subsidiaire, dans le respect de leurs missions, par les établissements publics de santé, dès lors que le marché litigieux confie à cet établissement public administratif une activité qui est sans rapport avec ses missions principales ; que par suite, la décision par laquelle le Centre Hospitalier de Morlaix a décidé de conclure ce marché avec le Centre hélio-marin Xest intervenue en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L.714-14 du code de la santé publique et est entachée d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Centre hospitalier de Morlaix n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de la société Y, la décision susvisée ;

Sur le recours incident de la société Y :

Considérant que la requête du Centre hospitalier de Morlaix tendait à l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué par lequel le Tribunal administratif de Rennes a annulé sa décision de conclure le marché litigieux avec le Centre hélio-marin X ; que le recours incident de la société Y tendant à l'indemnisation du préjudice résultant, pour elle, de cette décision soulève un litige distinct de celui qui résulte de l'appel principal du Centre hospitalier de Morlaix ; que, dès lors, ce recours incident doit être rejeté comme irrecevable ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que la société Y, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer au Centre hospitalier de Morlaix la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de condamner le Centre hospitalier de Morlaix à payer à la société Y une somme de 6 000 F ;

DECIDE :
Article 1er : La requête du Centre hospitalier de Morlaix et le recours incident de la société Y sont rejetés.
Article 2 : Le Centre hospitalier de Morlaix versera à la société Y une somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Centre hospitalier de Morlaix, à la société Z, venant aux droits de la société Y et au ministre de l'emploi et de la solidarité.