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Cour administrative d'appel de Paris, 21 juin 2012, n°11PA01787 (Alternative thérapeutique - preuve) -

Madame D. a subi le 20 mars 2006 une intervention consistant en la mise en place d'une prothèse totale de la hanche droite. Après plusieurs consultations motivées par la persistance de douleurs lombaires, il a été mis en évidence une inégalité de longueur entre ses deux membres inférieurs. Elle a alors saisi l'établissement de santé d'une demande d'indemnisation des préjudices qu'elle estimait imputables à cette inégalité. Elle a ensuite saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande à fin indemnitaire, rejetée par jugement du 10 mars 2011.

La Couradministrative d'appel de Paris rejette également cette requête et considère notamment que "si l'opération litigieuse n'était pas impérative, il n'est pas établi, ni même allégué qu'il existait une véritable alternative thérapeutique à la mise en place d'une prothèse".

Cour administrative d'appel de Paris

3 ème chambre

N° 11PA01787

Inédit au recueil Lebon
 

Mme VETTRAINO, président
M. Jean-François TREYSSAC, rapporteur
M. JARRIGE, rapporteur public
MERCIER, avocat

Lecture du jeudi 21 juin 2012

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 avril et 28 avril 2011, présentés pour Mme Joséphine Josette A, demeurant ..., par Me Mercier ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900632/6-3 en date du 10 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation des préjudices consécutifs à l'intervention chirurgicale réalisée le 20 mars 2006 dans le service d'orthopédie de l'hôpital Cochin ;

2°) de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l'IPP (incapacité permanente partielle) sur la base d'une valeur du point de 3 000 euros, la somme de 5 000 euros au titre du préjudice esthétique, et la somme de 5 000 euros au titre de préjudice d'agrément ;

3°) de condamner le défendeur au paiement des frais d'expertise ;

4°) de mettre à la charge du défendeur la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale, notamment son article L. 376-1 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juin 2012 :

- le rapport de M. Treyssac, rapporteur,

- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,

- et les observations de Me Mercier, pour Mme A et celles de Me Tsoudéros, pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;

Considérant que Mme A, née en 1939, a subi le 20 mars 2006 dans le service de chirurgie orthopédique de l'hôpital Cochin (Assistance publique-Hôpitaux de Paris / AP-HP) une intervention consistant en la mise en place d'une prothèse totale de la hanche droite ; qu'après plusieurs consultations motivées par la persistance de douleurs lombaires, il a été mis en évidence une inégalité de longueur entre les deux membres inférieurs ; qu'elle a saisi le 21 juillet 2008 l'AP-HP d'une demande d'indemnisation des préjudices qu'elle estime imputables à cette inégalité, demande demeurée sans réponse ; qu'elle a par suite saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande à fin indemnitaire, rejetée par jugement en date du 10 mars 2011 dont elle relève appel devant la Cour de céans ;

Sur la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " 1. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des conclusions du rapport de l'expertise ordonnée en référé, que l'indication d'une intervention prothétique était justifiée compte tenu de la coxarthrose droite évoluée que présentait Mme A et que les pièces de la prothèse ont été correctement positionnées ; que si l'expert a relevé que la jambe droite présente une longueur de près de deux centimètres supérieure à celle de sa jambe gauche, inégalité qui serait imputable à une coupe fémorale un peu haute lors de l'intervention, il a indiqué que l'appréciation de cette hauteur était toujours délicate lors de la mise en place d'une prothèse et que la patiente avait bénéficié de soins conformes aux données acquises de la science ; que ce type de chirurgie doit prendre en compte la nécessité de garantir la stabilité des pièces de la prothèse et de la hanche comme de la nécessité de rétablir une tension musculaire adaptée ; que compte tenu de ces difficultés particulières, il ne résulte pas de l'instruction que les conditions dans lesquelles a été pratiquée la coupe fémorale en cause puissent être regardées comme une faute médicale de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique applicable aux faits en litige : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. " ;

Considérant que selon le rapport d'expertise, le dossier médical ne comportait aucune indication sur la délivrance d'une information préalable à Mme A ; que toutefois, à supposer que le risque d'inégalité de longueur invalidante des deux membres inférieurs à la suite de la mise en place d'une prothèse de la hanche puisse être regardé comme fréquent ou grave au sens des dispositions de l'article L. 1111-2 précité du code de la santé publique, la probabilité que Mme A renonce à l'intervention chirurgicale litigieuse s'il avait été porté à sa connaissance est nulle ; qu'en effet, l'intéressée présentait une coxarthrose évoluée et invalidante, source de souffrances importantes, y compris nocturnes, et limitant sérieusement la mobilité de sa hanche droite, ce qui caractérise un handicap plus important, qu'une inégalité de longueur nécessitant le port de semelles orthopédiques notamment pour l'exercice de son métier de comédienne ; que si l'opération litigieuse n'était pas impérative, il n'est pas établi, ni même allégué qu'il existait une véritable alternative thérapeutique à la mise en place d'une prothèse ;

Considérant qu'il suit de tout ce qui précède, que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence les conclusions indemnitaires de Mme A et celles présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis, y compris en ce qu'elles portent sur l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, doivent être rejetées ; qu'il en est de même en ce qui concerne leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de
Seine-Saint-Denis sont rejetées.