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Cour administrative d’appel de Versailles, 16 septembre 2008, n°06VE02833 (Défaut de fonctionnement du service hospitalier – faute médicale – dossier médical)

En l’espèce, une parturiente a été admise le 9 août 1998 dans le service de gynécologie obstétrique d’un centre hospitalier pour son accouchement et a quitté cet établissement 5 jours plus tard. Le 17 août 1998, cette même patiente a été admise aux urgences pour des douleurs affectant l’hémicorps droit et a pu, à la suite de divers examens, revenir à son domicile le jour même. Toutefois, le 20 août, elle a de nouveau été admise aux urgences pour des céphalées et un état comateux. Le diagnostic d’une hémorragie cérébrale ayant été posé, elle a aussitôt été transférée dans un service de neurochirurgie mais est décédée le 24 août. La Cour administrative d’appel de Versailles indique dans cet arrêt que la surveillance et la conduite de son accouchement ainsi que les soins qui lui ont été prodigués ont été conformes aux nomes médicales en vigueur et que l’ensemble des investigations nécessaires ont été entreprise. Elle juge ainsi qu’aucune faute médicale et aucun défaut de fonctionnement du service hospitalier ne peuvent être retenus. Par ailleurs, elle précise qu'en admettant même que le dossier médical de cette patiente n'ait pas comporté l'intégralité des informations relatives aux investigations entreprises par le service, aucun lien de causalité ne saurait, en l'espèce, être établi entre son décès et la prétendue imprécision des mentions figurant dans ce dossier.

Cour Administrative d'Appel de Versailles

N° 06VE02833
Inédit au recueil Lebon
4ème Chambre
Mme CHELLE, président
Mme Françoise BARNABA, rapporteur
Mme COLRAT, commissaire du gouvernement
THOMAS, avocat

lecture du mardi 16 septembre 2008

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 27 décembre 2006, présentée pour M. Bernard X, demeurant ..., par la SCP Feyler, Donche, Thomas, avocat au barreau de la Seine-Saint-Denis ; M. X, agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure, Ségolène X, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300461 du 27 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Saint-Denis à réparer le préjudice matériel et moral qu'il subit lui-même et que subit sa fille mineure Ségolène, à la suite du décès de Mme Y, mère de l'enfant avec laquelle il vivait maritalement ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Denis à lui verser les sommes de 365 570 euros et de 150 000 euros en réparation du préjudice subi respectivement par sa fille et par lui-même ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Denis une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que, pour rejeter sa demande, les premiers juges ont repris les conclusions de l'expert alors que celles-ci ne liaient pas le tribunal ; que le dossier démontre l'existence d'une erreur de diagnostic ou, à tout le moins, d'un défaut d'organisation et de fonctionnement du service hospitalier ; que si l'expert note que le médecin de garde a pratiqué un examen neurologique, qui s'est révélé normal, la nature de cet examen n'est pas précisée dans son rapport ; que l'absence d'indication, dans le dossier médical, de la teneur des examens pratiqués établit le défaut d'organisation et de fonctionnement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2008 :

- le rapport de Mme Barnaba, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme Dominique Y, admise le 9 août 1998 dans le service de gynécologie obstétrique du centre hospitalier de Saint-Denis, a mis au monde sa fille Ségolène le même jour ; qu'après avoir été autorisée à quitter l'établissement le 14 août 1998, elle s'est rendue au service des urgences de ce même établissement le 17 août suivant en raison, notamment, de douleurs affectant l'hémicorps droit ; qu'à la suite de divers examens, elle a pu revenir à son domicile le jour même mais a été de nouveau admise dans le service des urgences le 20 août 1998 en raison de l'apparition de céphalées et d'un état comateux ; que le diagnostic d'une hémorragie cérébrale ayant été posé lors des examens pratiqués le jour même, elle a été aussitôt transférée dans le service de neurochirurgie du centre hospitalier Pitié-Salpêtrière ; qu'en dépit des soins qui ont été entrepris, elle est décédée le 24 août 1998 ; que M. X, agissant en qualité de représentant légal de sa fille mineure, Ségolène X, et en son nom personnel, eu égard aux liens qui l'unissaient à Mme Y avec laquelle il vivait maritalement, a mis en cause la responsabilité du centre hospitalier de Saint-Denis en invoquant une faute médicale et un défaut de fonctionnement du service hospitalier ; qu'il interjette appel du jugement du 27 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande en indemnisation ;

Sur l'expertise :

Considérant que l'expert désigné par les premiers juges a apporté des éléments de réponse circonstanciés aux questions posées par le tribunal dans son jugement avant dire droit du 6 mai 2004 ; que le tribunal qui, dans son jugement du 27 octobre 2006, s'est référé aux indications contenues dans le rapport de l'expert, ne s'est pas estimé lié par les conclusions de ce rapport, contrairement à ce que soutient M. X ; qu'enfin, les affirmations du requérant selon lesquelles les conclusions de l'expert seraient incomplètes ou erronées ne sont corroborées par aucune pièce du dossier ; que, dès lors, une nouvelle expertise ne serait pas utile à la solution du litige et aurait, par suite, un caractère frustratoire ; que les conclusions susmentionnées doivent donc être rejetées ;

Sur la responsabilité :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de l'expert, que la grossesse de Mme Y s'est déroulée normalement et que le suivi médical dont a bénéficié l'intéressée n'a révélé aucune pathologie vasculaire ou neurologique ; que la surveillance et la conduite de l'accouchement de Mme Y le 9 août 1998 ainsi que les soins qui lui ont été donnés jusqu'au 14 août suivant, date à laquelle elle a quitté la maternité du centre hospitalier de Saint-Denis, ont été conformes aux normes médicales en vigueur ; que lors de son admission au service des urgences le 17 août 1998, l'examen gynécologique a permis de diagnostiquer une endométrite nécessitant un traitement par antibiotiques ainsi que des soins locaux qui ont été prescrits par ordonnance et étaient appropriés à l'affection dont souffrait la patiente ; que le service a également procédé à un examen neurologique qui n'a pas révélé d'anomalies ainsi qu'à un électrocardiogramme, une angiographie pulmonaire et un examen des gaz du sang qui ont permis d'écarter l'hypothèse d'une embolie pulmonaire initialement envisagée ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient M. X, le service des urgences a entrepris l'ensemble des investigations que nécessitait l'état de Mme Y lors de son admission ;

Considérant, d'autre part, que Mme Y se trouvait dans un état comateux le 20 août 1998, lors de son arrivée dans le service des urgences, qui a aussitôt procédé à son intubation et a réalisé un examen par imagerie à résonance magnétique ; que les allégations du requérant, selon lesquelles Mme Y n'aurait pas reçu dans un délai suffisamment rapide l'assistance médicale dont elle avait besoin, ne sont assorties d'aucun élément circonstancié ; que l'examen auquel il a été procédé ayant révélé une hémorragie intra-parenchymateuse profonde, le transfert de la patiente dans le service de neurochirurgie du centre hospitalier Pitié-Salpêtrière a été immédiatement organisé ;

Considérant, enfin, qu'en admettant même que le dossier médical de Mme Y n'ait pas comporté l'intégralité des informations relatives aux investigations entreprises par le service, aucun lien de causalité ne saurait, en l'espèce, être établi entre son décès et la prétendue imprécision des mentions figurant dans le dossier susmentionné ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient M. X, les conditions dans lesquelles le centre hospitalier de Saint-Denis a pris en charge Mme Y ne caractérisent ni une faute médicale ni un défaut d'organisation ou de fonctionnement du service, de nature à engager la responsabilité de cet établissement ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.