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Cour de cassation, 29 novembre 2012, n°11-23523 (EHPAD - soins inclus dans le forfait - remboursement)

 
En l'espèce, une CPAM a saisi la Cour de cassation après avoir été déboutée en appel parce qu'elle estimait avoir remboursé de manière indue des soins facturés par des infirmiers libéraux intervenus auprès de résidents d'un EHPAD, alors que ces actes réalisés ou prescrits était selon elle déjà inclus dans le forfait soins de l'établissement.
La Cour de cassation suit l'argumentaire de la CPAM et rappelle que "le tarif afférent aux soins des services et établissements sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article L. 312-1, I, 6° du code de l'action sociale et des familles recouvre les prestations médicales et paramédicales nécessaires à la prise en charge des affections somatiques et psychiques des personnes résidant dans l'établissement ainsi que les prestations paramédicales correspondant aux soins liés à l'état de dépendance des personnes accueillies". Par conséquent, elle conclut que les soins prodigués par des professionnels de santé libéraux aux résident d'un EHPAD ne peuvent faire l'objet d'un remboursement distinct et doivent être déduits du forfait soins versé à l'établissement.
 
Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 29 novembre 2012
N° de pourvoi: 11-23523
Publié au bulletin Cassation partielle
M. Héderer (conseiller le plus ancien non empêché, faisant fonction de président), président
SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
 
 
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société ... exploite un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (l'EHPAD) qui bénéficie d'un tarif soins couvert par un forfait versé, pour le compte de l'ensemble des régimes d'assurance maladie intéressés, par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse (la caisse) ; qu'à la suite d'un contrôle du suivi de la consommation médicale de l'établissement pendant la période du 1er juillet 2006 au 30 juin 2008, la caisse lui a réclamé une certaine somme correspondant à des soins infirmiers ayant donné lieu à une facturation et à une prise en charge distinctes ; que l'EHPAD a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
 
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
 
Attendu que l'EHPAD fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'annulation des notifications du 22 décembre 2008 et du 20 février 2009 pour irrégularité de forme, alors, selon le moyen, que, selon les dispositions de l'article R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale, la notification de payer adressée à l'établissement précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, elle mentionne l'existence d'un délai d'un mois à partir de sa réception, imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées et elle informe ce dernier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il sera mis en demeure de payer l'indu avec une majoration de 10 % ; qu'en cas de désaccord de l'établissement, la mise en demeure qui lui est adressée comporte la cause, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, le motif qui, le cas échéant, conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées, le montant de la majoration de 10 % afférente aux sommes encore dues ; qu'en l'espèce, en validant la notification de paiement et la mise en demeure contestées, qui se bornaient à faire état d'un préjudice de 104 964 euros imputable à la facturation par ailleurs d'actes réalisés et/ou prescrits aux résidents hébergés et inclus dans le forfait "soins" de l'établissement, sans comporter aucune indication des noms des patients, de la nature et des dates des actes en cause, ainsi que des praticiens auteurs de ces facturations, de sorte que la notification et la mise en demeure ne précisaient ni la cause, ni la nature, ni la date du ou des versements indus, pas plus qu'elles ne mentionnaient l'application d'une majoration de 10 % à défaut de paiement, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;
 
Mais attendu que prises pour l'application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, les dispositions de l'article R. 133-9-1 du même code ne s'appliquent pas au recouvrement, en application de l'article L. 133-4-4 du même code, par voie de déduction des sommes allouées à l'établissements au titre du forfait de soins, par les organismes d'assurance maladie du montant des prestations d'assurance maladie prises en charge alors qu'elles relèvent du forfait, pour une personne résidant dans un établissement mentionné au I de l'article L. 314-2 du code de l'action sociale et des familles ;
 
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
 
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :
 
Vu les articles L. 133-4-4 du code de la sécurité sociale et R. 314-161 du code de l'action sociale et des familles ;
Attendu, selon le second de ces textes, que le tarif afférent aux soins des services et établissements sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article L. 312-1, I, 6° du code de l'action sociale et des familles recouvre les prestations médicales et paramédicales nécessaires à la prise en charge des affections somatiques et psychiques des personnes résidant dans l'établissement ainsi que les prestations paramédicales correspondant aux soins liés à l'état de dépendance des personnes accueillies; que, selon le premier, applicable en l'espèce, lorsqu'un organisme d'assurance maladie prend en charge, pour une personne résidant dans un des établissements précédemment mentionnés, des prestations d'assurance maladie qui relèvent des tarifs afférents aux soins fixés en application de l'article L. 314-2 du même code, les sommes en cause sont déduites par la caisse primaire d'assurance maladie dans la circonscription de laquelle est implanté l'établissement ou le service et qui assure le versement du tarif pour le compte de l'ensemble des régimes obligatoires d'assurance maladie, sous réserve que l'établissement n'en conteste pas le caractère indu, des versements ultérieurs que cette caisse alloue à l'établissement au titre du forfait de soins ;
 
Attendu que, pour débouter la caisse de sa demande de remboursement, l'arrêt relève que les pièces produites par celle-ci (bordereaux de paiement, images décompte informatiques, convention tripartite annuelle) sont insuffisantes à justifier de sa prétention, notamment en ce qu'elles ne permettent pas de répondre aux arguments de l'EHPAD qui explique que les prestations litigieuses n'avaient pas donné lieu à des remboursements effectués au bénéfice de son établissement, mais que des soins avaient été remboursés directement aux praticiens libéraux concernés et qu'une partie des remboursements mis en cause résultait, selon cet établissement, de prescriptions établies par les médecins traitants des assurés sociaux concernés sans en référer à l'équipe médicale de l'EHPAD, ce que semblent d'ailleurs confirmer les quelques feuilles de soins produites qui ne portent pas, à une exception près, le cachet ou la mention de l'EHPAD dans la rubrique correspondante ;
 
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les soins litigieux ne relevaient pas normalement du forfait de soins, de sorte que leur montant devait être déduit des sommes allouées à ce titre par la caisse à l'établissement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
 
PAR CES MOTIFS :
 
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse de sa demande de remboursement de la somme de 104 964 euros à titre de prestations indues, l'arrêt rendu le 15 juin 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
 
REJETTE le pourvoi incident ;
 
Condamne la société ... aux dépens ;
 
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société ... ; la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille douze.
 
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
 
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la CPAM de HAUTE CORSE de sa demande de remboursement par la société ... de la somme de 104.964 euros au titre de prestations indues ;
 
AUX MOTIFS QUE « les pièces produites aux débats par la CPAM (bordereaux de paiement, images décompte informatique, convention tripartite pluriannuelle) sont insuffisantes à justifier de sa prétention, notamment en ce qu'elles ne permettent pas de répondre aux arguments de l'EHPAD qui explique que les prestations litigieuses n'avaient pas donné lieu à des remboursements effectués au bénéfice de son établissement, mais que des soins avaient été remboursés directement aux praticiens libéraux concernés et qu'une partie des remboursements mis en cause résultaient, selon lui, de prescriptions établies par les médecins traitants des assurés sociaux concernés sans en référer à l'équipe médicale de l'EHPAD, ce que semblent d'ailleurs confirmer les quelques feuilles de soins produites qui ne portent pas, à une exception près, le cachet ou la mention de l'EHPAD dans la rubrique intitulée « si les soins sont dispensés à titre libéral, dans un établissement : cachet de l'établissement » ; il y a lieu en conséquence, faute de justificatifs de débouter la CPAM de sa demande de remboursement » ;
 
ALORS QUE, dès lors que la prise en charge des frais à caractère médical s'inscrit dans le cadre d'un forfait journalier ou d'une dotation globale versée à l'établissement médico-social par l'assurance maladie, les frais exposés par les personnes hébergées ne peuvent donner lieu à un remboursement distinct ; qu'il n'en va autrement que si les prestations en cause ne figurent pas dans les frais couverts par le forfait ; que la part du forfait correspondant à des actes de ville et remboursés par la Caisse est un indu, dont l'organisme social est fondé à demander la répétition, peu important l'erreur éventuelle de la Caisse et l'absence de faute de l'établissement ; qu'en l'espèce, la CPAM de HAUTE CORSE faisait valoir qu'un certain nombre d'actes et prestations d'infirmiers, inclus dans le forfait soins, lui avaient été facturés par des infirmiers libéraux intervenant au sein de l'établissement ; qu'en excluant tout indu et en déboutant dès lors la CPAM de HAUTE CORSE de sa demande de remboursement par cela seul que les prestations litigieuses n'avaient pas donné lieu à des remboursements effectués au bénéfice de la société Z et que les remboursements en cause résultaient de prescriptions établies par les médecins traitants des assurés sociaux concernés sans en référer à l'équipe médicale de l'EHPAD, la Cour d'appel a violé les articles L. 133-4-4, L. 162-24-1, L. 174-7 et L. 174-8 du Code de la sécurité sociale, L. 312-1, L. 314-1 et R. 314-161 du Code de l'action sociale et des familles ensemble les articles 1235 et 1376 du Code civil.Moyen produit au pourvoi incident éventuel par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Z.
 
Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté la SAS Résidence ... de sa demande tendant à l'annulation des notifications du 22 décembre 2008 et du 20 février 2099 pour irrégularité de forme,
Aux motifs qu'aux termes de l'article L 1334-4 du code de la sécurité sociale lorsqu'un organisme' chargé de la gestion d'un régime obligatoire d'assurance maladie prend en charge, pour une personne résidant dans un établissement mentionné au 1 de l'article L 313-12 du code l'action sociale et des familles, à titre individuel, des prestations d'assurance maladie qui relèvent des tarifs afférents aux soins fixés en application de l'article L 314-2 du même code, les sommes en cause, y compris lorsque celles-ci ont été prises en charge dans le cadre de la dispense d'avance de frais, sont déduites par la caisse mentionnée par l'article L. 174-8 du présent code, sous réserve que l'établissement n'en conteste pas le caractère indu, des versements ultérieurs que la caisse alloue à l'établissement au titre du ,forfait de soins. Les modalités de reversement de ces sommes aux différents organismes d'assurance maladie concernés sont définies par décret, L'action en recouvrement se prescrit par trois ans à compter de la date de paiement la personne de la somme en cause. Elle s'ouvre par l'envoi à l'établissement d'une notification du montant réclamé.." que par application de l'article R 133-9-1 du code de la sécurité sociale cette notification doit préciser la cause, la nature, le montant des sommes réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement et doit porter mention de l'existence d'un délai d'un mois à partir de sa réception imparti au débiteur pour s'en acquitter , qu'en l'espèce, le courrier du 20 février 2009 de même que celui du 22 décembre 2008 portent clairement mention du montant de l'indu (104 964 euros après prise en compte d'une partie des observations formulées par l'EHPAD), de sa nature et de sa cause (préjudice résultant du paiement de prestations indues au titre d'actes réalisés et/ou prescrits aux résidents hébergés et inclus dans, le forfait "soins" ; que ces courriers font référence explicite à un précédent courrier du 27 octobre 2008 portant constatation d'anomalies entraînant un préjudice pour l'assurance maladie et qui mentionne précisément la période des versements indus donnant lieu à recouvrement (du 1er juillet 2006 au 30 juin 2008) ; qu'ainsi l'EHPAD a bien eu connaissance, contrairement a ce qu'il prétend, de la cause, de la nature et du montant de l'indu ainsi que de la date des paiements, de sorte que la motivation des deux lettres comportait l'ensemble des éléments exigés par l'article R 133-9-1 du code de la sécurité sociale étant précisé que dans la mesure où la CPAM se proposait de procéder par voie de retenue sur les sommes à devoir à l 'EHPAD au titre du forfait "soins", la mention du délai d'un mois pour payer et de l'application d'une majoration de 10 % à défaut de paiement devenait sans objet ; que le moyen tiré de la nullité, d'ailleurs non expressément prévue par le texte précité, des lettres de notification dont s'agit sera en conséquence rejeté
 
Alors que selon les dispositions de l'article R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale, la notification de payer adressée à l'établissement précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, elle mentionne l'existence d'un délai d'un mois à partir de sa réception, imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamée et elle informe ce dernier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il sera mis en demeure de payer l'indu avec une majoration de 10 % ; qu'en cas de désaccord de l'établissement, la mise en demeure qui lui est adressée comporte la cause, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées, le montant de la majoration de 10 % afférente aux sommes encore dues ; qu'en l'espèce, en validant la notification de paiement et la mise en demeure contestées, qui se bornaient à faire état d'un préjudice de 104.964 euros imputable à la facturation par ailleurs d'actes réalisés et/ou prescrits aux résidents hébergés et inclus dans le forfait « soins » de l'établissement, sans comporter aucune indication des noms des patients, de la nature et des dates des actes en cause, ainsi que des praticiens auteurs de ces facturations, de sorte que la notification et la mise en demeure ne précisaient ni la cause, ni la nature ni la date du ou des versements indus, pas plus qu'elles ne mentionnaient l'application d'une majoration de 10 % à défaut de paiement, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées.