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Cour de cassation, 29 octobre 2014, n°13-18173 (Licenciement – Faute grave – Conditions vexatoires - Indemnisation)

La Cour de cassation accepte qu’un licenciement vexatoire puisse être indemnisé comme un préjudice distinct, indépendamment du préjudice de la perte de l’emploi.

En l’espèce, M. X est licencié pour faute grave en raison de téléchargements illégaux et répétitifs au sein de son entreprise. Contestant cette décision, il saisit la justice. Son ancien employeur fait grief à l’arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 23 mars 2013 de le condamner à payer à M. X une certaine somme au titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.

La Cour de cassation considère que la Cour d’appel a justifié légalement sa décision en relevant que « le salarié avait été contraint de quitter brutalement son emploi pour des faits qualifiés par l'employeur d'illégaux et répétitifs, dont la preuve n'était pas faite ; (la cour a) ainsi fait ressortir que l'employeur avait, en raison des circonstances vexatoires qui avaient accompagné le licenciement, commis une faute ayant causé au salarié un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi ».

 

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du mercredi 29 octobre 2014

N° de pourvoi: 13-18173

Non publié au bulletin Rejet

M. Lacabarats (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président
SCP Monod, Colin et Stoclet, SCP Rousseau et Tapie, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Lyon, 26 mars 2013), que M. X..., engagé le 12 novembre 2009 par la société Y. , a été licencié pour faute grave le 31 mai 2010 en raison de téléchargements illégaux et répétitifs au sein de l'entreprise ; que, contestant cette décision, il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que le salarié avait été contraint de quitter brutalement son emploi pour des faits qualifiés par l'employeur d'illégaux et répétitifs, dont la preuve n'était pas faite ; qu'ayant ainsi fait ressortir que l'employeur avait, en raison des circonstances vexatoires qui avaient accompagné le licenciement, commis une faute ayant causé au salarié un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi, la cour d'appel a justifié légalement sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Y. aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Y. et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre deux mille quatorze.

 

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Y.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir décidé que le licenciement de M. X... ne reposait par sur une cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la société Y.  à lui payer 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

Aux motifs que la lettre de licenciement énonce pour seul motif «téléchargements illégaux et répétitifs au sein de l'entreprise » ; qu'il appartient en conséquence à l'employeur de démontrer que M. X... a effectué les téléchargements, qu'ils étaient illégaux, et ce à plusieurs reprises ; qu'il produit un relevé de connexions réalisé le 3 mai 2010 sur l'adresse IP 10.6.18.29 sur lequel ne figure qu'une seule visite sur le site «allotracker.com » entre 14h43mn19s t 14h45mn57 soit 2minutes30 ; qu'il prouve la recherche sur google de sites de jeux et la connexion à jeux-vidéo.com qui n'est pas un site de téléchargement ; que figurent de nombreuses connexions dans la journée à des sites tels que facebook, meetic-partners, l'équipe ou footmercato ; que toutefois la lettre de licenciement fixant les limites du litige ne vise pas l'usage d'internet au temps de travail pour un motif non professionnel ou la connexion à des sites permettant le téléchargement illégal, mais seulement l'existence de téléchargements illicites et réitérés ; que le relevé du 3 mai 2010, seul élément produit, s'il manifeste une connexion à un site permettant des téléchargements, ne caractérise pas l'action même de téléchargement, les données y figurant ne faisant état que de la consultation d'images ou pages cinéma ; que la preuve de téléchargements illicites et réitérés n'est pas faite ; que dès lors le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

Alors 1°) que les juges sont tenus d'analyser les éléments de preuve soumis à leur examen et ils ne peuvent débouter une partie de ses demandes, sans analyser la pièce qui était de nature à démontrer leur bien fondé ; qu'en statuant sans avoir analysé l'attestation du 29 juillet 2011 produite par l'employeur, mentionnée dans ses conclusions (p. 10), émanant de M. Y..., responsable technique, attestant que « Mr X... procédait à des téléchargements illégaux via le poxy web utilisé comme outil de production dans la société », qui était de nature à établir l'existence de chargements illégaux multiples effectués par M. X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 2°) et en tout état de cause que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut limiter les droits d'une partie au motif que des pièces ne figurent pas à son dossier, sans inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de pièces figurant sur le bordereau de pièces communiquées et dont la communication n'a pas été contestée ; que pour condamner la société Y.  pour licenciement abusif, la cour d'appel a énoncé que le relevé du 3 mai 2010 était le « seul élément produit » pour démontrer que M. X... avait effectué des téléchargements illégaux à plusieurs reprises ; qu'à supposer que l'attestation de M. Y..., responsable technique, attestant que « Mr X... procédait à des téléchargements illégaux via le poxy web utilisé comme outil de production dans la société », n'ait pas figuré au dossier, la cour d'appel, qui devait alors inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de cette attestation figurant sur le bordereau des pièces communiquées par la société Y. , dont la communication n'a pas été contestée par M. X... et avait même été reconnue par ce dernier (conclusions d'appel p. 16), a en tout état de cause violé l'article 16 du code de procédure civile.
 

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Y.  à payer à M. X... 1 000 € pour licenciement vexatoire ;

Aux motifs qu'en licenciant M. X... pour faute grave après une mise à pied conservatoire et en le forçant ainsi à quitter son emploi brutalement en raison de motifs non établis, la SAS Y.  lui a causé un préjudice qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 1 000 € ;

Alors que seul le comportement fautif de l'employeur, ayant causé au salarié un préjudice moral distinct de celui du licenciement, permet au salarié de prétendre à des dommages-intérêts se cumulant avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou abusif ; que pour allouer à M. X..., en plus d'une indemnité pour licenciement abusif, la somme de 1.000 €, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que la SAS Y.  l'avait licencié pour faute grave après une mise à pied conservatoire en le forçant « ainsi » à quitter son emploi brutalement en raison de motifs non établis ; qu'en ayant, ainsi, seulement constaté l'absence de faute grave et partant le caractère injustifié de la mise à pied conservatoire, sans avoir caractérisé de faute de l'employeur et de circonstances vexatoires ayant causé au salarié un préjudice distinct de la perte de son emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.