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Transfert d’un malade vers un autre établissement de santé (Fiche technique)

Lorsqu’un patient se présente dans un établissement public de santé, ce dernier a en principe l’obligation de l’accueillir et de lui prodiguer les soins que nécessite son état. Cependant, il peut arriver dans certaines hypothèses que cet établissement soit amené ou soit tenu de transférer le patient vers un autre hôpital.

1. Accueil de tout malade au sein d’un établissement public de santé

Principe général

En vertu de l’article R.1112-11 du code de la santé publique, tout patient bénéficie d’un droit à l’admission et aux soins dans tout établissement public de santé.

Cette obligation réglementaire d’accueil des patients par les établissements publics de santé est rappelée par les dispositions de la Charte du patient hospitalisé (annexée à la Circulaire ministérielle du 6 mai 1995) et du règlement intérieur de l’AP-HP.

En cas d’urgence

En vertu de l'article R.1112-13 du code de la santé publique, en cas d’urgence, le directeur d’hôpital doit prendre toute mesure nécessaire pour que les soins urgents soient assurés.

Article R. 1112-13 : « Si l'état d'un malade ou d'un blessé réclame des soins urgents, le directeur prend toutes mesures pour que ces soins urgents soient assurés. Il prononce l'admission, même en l'absence de toutes pièces d'état civil et de tout renseignement sur les conditions dans lesquelles les frais de séjour seront remboursés à l'établissement. »

La Cour Administrative d’Appel de Paris, dans un arrêt du 9 juin 1998 - Mme B confirme cette obligation faite au directeur d’un établissement de santé d’admettre un patient nécessitant des soins urgents, « même en l’absence de tout renseignement sur les conditions dans lesquelles les frais de séjour seraient remboursés à l’établissement (en l’espèce, patient de nationalité étrangère atteint de cécité du fait de l’absence de prise en charge à temps par l’établissement de santé)

Tout établissement public de santé a donc l’obligation d’admettre un patient, lorsque l’état de santé de celui-ci le requiert.
Une fois admis, le patient dispose de plusieurs droits, dont celui du libre choix du praticien et de l’établissement de santé, ainsi que celui d’être informé par le praticien de tout ce qui concerne sa santé.

A. Principe du libre choix du praticien et de l’établissement de santé

En vertu de l’article L.1110-8 du code de la santé publique, tout malade dispose du libre choix de son praticien et de son établissement de santé.

Le libre choix du patient est protégé par différentes dispositions réglementaires, puisque :
- le patient peut refuser de rester dans l’établissement dans lequel il a été admis en urgence, en signant une attestation de refus. A défaut, un procès-verbal de refus est dressé (article R.1112-16 du code de la santé publique)
- il peut choisir le service dans lequel il désire être admis, dans les disciplines comportant plusieurs services. Mais cette faculté peut être limitée en cas d’urgence ou compte-tenu des possibilités en lits (article R.1112-17 du code de la santé publique)

Ce principe de libre choix est confirmé par l’article 37 du règlement intérieur de l’AP-HP, qui dispose que «le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé est un principe fondamental de la législation sanitaire.
« Ce droit s’exerce au sein de la discipline médicale dont il relève, dans les limites imposées par les situations d’urgence et par les disponibilités en lits de l’hôpital.
« Dans les disciplines qui comportent plusieurs services ou départements, les malades ont le libre choix du service ou du département dans lequel ils désirent être admis. »

(à noter que la notion de département va disparaître au cours des prochains mois, en vertu des dispositions nouvelles du Code de la santé publique en la matière)

En outre, l’article 39 du règlement intérieur dispose que « le personnel de l’hôpital est formé à l’accueil des malades et de leurs accompagnants. Il donne aux malades et à leurs accompagnants (…) tous les renseignements utiles leur permettant de faire valoir leurs droits ».

B. Exceptions

Trois situations viennent limiter la possibilité du patient d’exercer son droit de choisir librement l’établissement de soins ou le praticien qui lui délivrera les soins.

- Les établissements de santé n’ont pas le droit de recevoir davantage de patients que ne le permettent les autorisations administratives résultant de la planification hospitalière, sauf en cas d’urgence. Donc, hormis les hypothèses d’urgence, et en cas d’insuffisance de place ou de lits, l’établissement de santé peut refuser l’admission d’un patient et le réorienter vers un autre établissement.

(Ces dispositions ont cependant récemment perdu de leur force avec la suppression de la carte sanitaire)

- Dans les cas d’urgence, lorsque le patient ne dispose plus de cette faculté de choix (ex : patient inconscient ou hors d ‘état de manifester sa volonté, notamment en psychiatrie) : dans ce cas, le médecin chef de service ou de département peut prendre la décision d’admettre le patient dans l’établissement ou de le réorienter vers un établissement plus adapté.
Cf CE – 21 octobre 1998 – Union nationale des établissements psychiatriques d’hospitalisations privées

Le patient retrouve cette faculté de choix dès que la situation d’urgence n’y fait plus obstacle.

- Lorsqu’ils sollicitent une admission prise en charge financièrement par l’aide sociale les bénéficiaires de cette aide, ont un libre choix limité aux établissements publics ou aux établissements privés conventionnés avec l’Assurance Maladie.

2. Les hypothèses de transfert

Dans certaines hypothèses, l’établissement de soins qui accueille le patient ne sera pas en mesure de lui apporter les soins les plus appropriés, du fait du manque de moyens matériels face à une maladie ou un accident donné, du manque de place, de l’urgence ou du fait de la volonté du patient. Il devra donc prendre toutes les mesures nécessaires pour organiser le transfert de ce patient vers un établissement de santé qui sera en mesure de le recevoir et de lui fournir les soins rendus nécessaires par son état de santé.

A. Les conditions du transfert

Le transfert d’un patient ne peut avoir lieu que si certaines conditions cumulatives sont réunies.

- Causes du transfert

En vertu de l’article R. 1112-14 du code de la santé publique, lorsque l’état d’un malade, constaté par un médecin ou un interne de l'établissement, « requiert des soins urgents relevant d'une discipline ou d'une technique non pratiquée dans l'établissement ou nécessitant des moyens dont l'établissement ne dispose pas, ou encore lorsque son admission présente, du fait de manque de place, un risque certain pour le fonctionnement du service hospitalier, le directeur provoque les premiers secours et prend toutes les mesures nécessaires pour que le malade ou le blessé soit dirigé au plus tôt vers un établissement susceptible d'assurer les soins requis. »

« En particulier, si tous les incubateurs de l'établissement sont occupés, toutes dispositions sont prises pour le transport d'urgence d'un prématuré dans l'établissement le plus proche disposant d'incubateurs. »

Par conséquent, les principales causes de transfert évoquées sont :
- la nécessité de la maladie en cause
- la surcharge du service
- l'absence d'un médecin compétent.

L’article 46 du règlement intérieur de l’AP-HP rappelle cette obligation : « lorsqu’un médecin ou un interne de l’hôpital constate que l’état d’un malade ou d’un blessé requiert des soins relevant d’une discipline ou d’une technique non pratiquée au sein de l’hôpital ou nécessitant des moyens dont l’hôpital ne dispose pas, le directeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour que le malade ou le blessé soit dirigé au plus tôt vers un établissement susceptible d’assurer les soins requis.
« L’admission dans ce dernier établissement est décidée, sauf cas d’urgence, après entente entre le médecin du service ou du département ayant en charge le malade et le médecin de l’établissement dans lequel le transfert est envisagé. Elle est effectuée au vu d’un certificat médical attestant la nécessité de l’admission du malade dans un établissement adapté à son état de santé. »

Le transfert du patient ne pourra être effectué que si l’une de ces causes le rend inévitable et obligatoire, et que les soins les plus appropriés ne peuvent lui être apportés par cet établissement, eu égard aux circonstances.

- Le devoir d’information et le consentement du patient

Cependant, même si le transfert est souvent une décision prise par le directeur d’hôpital sur avis des médecins du service en charge du patient, il n’en demeure pas moins que le patient doit rester associé à cette décision, en tant que première personne concernée par ce transfert. Il doit donc être informé de ce projet de transfert, et doit surtout consentir à celui-ci.

L’article 46 du règlement intérieur de l’AP-HP rappelle cette obligation : « sauf en cas d’urgence, le malade doit être informé préalablement à son transfert provisoire ou à son transfert définitif dans un autre établissement.
« Le transfert ne peut être effectué sans son consentement »

En outre, en vertu de l’article L.1111-3 du code de la santé publique, « toute personne a droit, à sa demande, à une information délivrée par tous les établissements de santé, sur les frais auxquels elle pourrait être exposée à l’occasion d’activités de prévention, de diagnostic et de soins et les conditions de leur prise en charge.
Cependant, « les professionnels de santé d’exercice libéral, doivent, avant l’exécution d’un acte, informer le patient de son coût et des conditions de son remboursement par les régimes obligatoires d’Assurance Maladie. »

Cette information portant sur les frais est d’autant plus importante lorsque le patient est transféré vers un établissement privé de santé, ce qui sera de nature à engager des frais plus importants.

- Le devoir d’information vis à vis de la famille du patient

En vertu de l’article R.1112-15 du code de la santé publique, toute mesure utile doit être prise pour informer la famille du patient hospitalisé du transfert.

Article 46 du règlement intérieur : le transfert est notifié à la personne à prévenir que le patient aura désignée lors de son admission.

C. Responsabilité de l’établissement de santé dans le transfert des patients

L’établissement de santé pourra voir sa responsabilité pour faute engagée en cas de retard dans le transfert ou de l’absence de transfert, lorsque celui-ci s’imposait du fait de la situation de détresse vitale dans laquelle se trouvait le patient, et de l’impossibilité de l’établissement d’y faire face.

- Responsabilité du fait du retard dans le transfert

Au regard des décisions jurisprudentielles récentes, la responsabilité de l’établissement de santé est rarement engagée du seul fait du retard dans le transfert, mais davantage du fait du défaut d’organisation d’un service, ayant empêché de réaliser un transfert présentant un caractère d’urgence et parfois vital.

Ex : CAA Nantes – 7 mai 1997 – Epoux P. : hypothèse de retard dans le transfert d’un nouveau-né dans un service néonatal, ayant entraîné à terme le décès de l’enfant.

La Cour de Cassation, dans une décision du 27 novembre 1984 de la Chambre Criminelle, a également cassé l’arrêt d’une Cour d’Appel, qui avait condamné un praticien sur le seul fondement du retard dans le transfert. Cependant, l’établissement de santé peut voir sa responsabilité engagée en cas de délai excessif entre la décision de transfert et le transfert effectif, et si le lien de causalité entre la faute retenue (ex : faute dans l’organisation du service) et le dommage subi par la victime est réel et certain.

- Responsabilité du fait de l’absence de transfert

La jurisprudence a souvent retenu la responsabilité de l’établissement en cas de faute relative au transfert d’un patient qui présentait un intérêt vital. Cette faute peut être liée au défaut du transfert d’un patient dont l’état le nécessite ou à son transfert vers un établissement ne disposant pas des services appropriés à son état.

La Cour administrative d'appel de Paris, dans un arrêt du 15 octobre 1996 - Dame Tavenart/CH René Dubos, qualifie de manquement à l'obligation de soins une intervention chirurgicale tardive, qui aurait nécessité le transfert du patient vers un hôpital non surchargé.

La Cour de Cassation a ainsi condamné un anesthésiste pour faute dans un arrêt de la Chambre Criminelle du 19 février 1997, du fait de l’absence de transfert d’un patient, rendu nécessaire par la rapide dégradation de son état de santé (en l’espèce, le transfert était rendu nécessaire par l’insuffisance manifeste du plateau technique de l’hôpital, et par l’absence d’accord sur le diagnostic entre les deux praticiens en charge de la patiente, avec en outre l’impossibilité de recourir à l’intervention d’un médecin tiers de la même discipline).

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt rendu le 16 juin 2000 – Hospices Civils de Lyon, retient que l’établissement de santé qui n’accueille pas dans le service que nécessite son état, un patient qui se trouve dans une situation d’urgence - le cas échéant en surnombre (ou à défaut en ne la transférant pas dans un hôpital disposant des mêmes services), - commet une faute dans l’organisation et le fonctionnement du service de nature à engager sa responsabilité. La faute de l’établissement est retenue même si celui-ci a « utilisé au mieux les moyens humains et matériels dont il disposait."
(en l’espèce, patiente présentant un risque grave d’accouchement prématuré, transférée dans un hôpital ne possédant pas de service spécialisé de néonatalogie, faute de place)

Cependant, un établissement de santé ne peut voir sa responsabilité engagée du seul fait de la survenance d’un risque, d’une pathologie rare ou d’une complication lors d’une intervention, sans avoir pris la décision de transférer le patient.

En effet, la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, dans un arrêt du 5 juillet 2005 pose l’exigence d’un lien de causalité établi pour pouvoir engager la responsabilité de l’hôpital (en l’espèce, un décès lié à une pathologie très rare, « dont les causes exactes et les conditions de sa survenance sont, en l’état des connaissances médicales, indéterminées, et qui, intervenant quelque soit le mode d’accouchement retenu, est sans lien avec un acte médical et entraîne un taux de mortalité élevé », ne peut suffire à engager la responsabilité pour faute de l’hôpital). « Les causalités susceptibles d’avoir initié, favorisé ou aggravé la survenue du risque ne peuvent rester au nombre des suppositions ». Par conséquent, l’établissement de santé ne peut voir sa responsabilité engagée pour absence de transfert du patient si la preuve de sa faute et du lien de causalité n’est pas rapportée.

- Responsabilité pour faute dans le cadre du transfert

L’établissement de santé peut également voir sa responsabilité engagée, pour toute faute commise dans l’organisation du transfert, dés lors qu’elles révèlent une imprudence grave dans l’organisation du service, un manquement aux règles de sécurité…

Ainsi l’établissement de santé où se présente le patient doit-il toujours rester très vigilant lorsque l’état de celui-ci rend nécessaire un transfert vers un autre établissement, et détermine avec tout le discernement possible les cas où ce transfert est réellement rendu nécessaire par l’état du patient.