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Tribunal administratif de Nantes, 12 mars 2013, n° 1208556, 1208668 et 1211336 (Personnel - Contractuel - Contrat à durée déterminée - Contrat à durée indéterminé – Transformation)

Entre novembre 2001 et mai 2012, Mme X a travaillé sans interruption au sein de la même unité de biologie, dans le cadre de seize contrats à durée déterminée, conclu successivement avec l’institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), le centre hospitalier universitaire de Nantes, le centre national de la recherche scientifique, enfin de nouveau avec l’INSERM.

Par décisions du 2 mai 2012 et du 6 juillet 2012, la direction de l'INSERM a mis fin au CDD de Mme X à compter du 23 septembre 2012, et a refusé la transformation du contrat de l'intéressée en CDI, en estimant que Mme X avait été rémunérée par plusieurs employeurs différents.

Si la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique requiert une ancienneté minimum de six ans de services publics effectifs pour la transformation d'un CDD en CDI, la circulaire du 26 juillet 2012 dispose que "les agents ayant changé d'employeur à l'occasion [...] d'un transfert d’activités entre deux collectivités publiques ou qui, bien que rémunérés par des employeurs successifs, sont sur le même emploi permanent conservent le bénéfice de l’ancienneté acquise auprès du précédent employeur en vue de la transformation automatique du CDD en CDI".

Le Tribunal annule les décisions contestées sur ce fondement, enjoint l’INSERM de proposer à Mme X un contrat à durée indéterminée dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification du jugement, et condamne ce dernier à verser 3000 euros à la requérante au titre des frais de justice.

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NANTES

N°s 1208556, 1208668 et 1211336

 

Mme X

M. Guéguen

Rapporteur

M. Lesigne

Rapporteur public

 

Audience du 19 février 2013

Lecture du 12 mars 2013

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

Le Tribunal administratif de Nantes

(3ème chambre)

 

36-12-03

36-12-03-02

01-06-02

R

 

Vu, (I), sous le n° 1208556, la requête enregistrée le 4 septembre 2012, présentée pour Mme X, par Me Bascoulergue ; Mme X demande au Tribunal :

- d’annuler la décision en date du 2 mai 2012 par laquelle le responsable des ressources humaines de l’institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) a mis fin à son contrat à durée déterminée à compter du 23 septembre 2012 ;

- d’annuler la décision en date du 6 juillet 2012 par laquelle le président directeur général de l’INSERM a refusé de transformer son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

- d’enjoindre au président directeur général de l’INSERM de transformer son contrat en contrat en contrat à durée indéterminée, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la date du jugement ;

- de mettre à la charge de l’INSERM une somme de 4 500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

 

Elle soutient que :

- la décision du 2 mai 2012 n’est pas motivée en droit et en fait ;

- la date de fin de contrat n’est justifiée ni en droit ni en fait, alors que la mission de recherche qu’elle exerce depuis des années perdure ;

- cette décision mettant fin à son contrat à durée déterminée est en réalité justifiée par la volonté de l’INSERM de se soustraire aux impératifs de la loi du 12 mars 2012 ; elle est donc

entachée d’erreur de droit et de détournement de procédure et de pouvoir ;

- la décision du 6 juillet 2012 est illégale, puisque la requérante a été embauchée par l’INSERM le 1er octobre 2001 sous contrat à durée déterminée, a exercé durant onze années au sein de la même unité, mais a été rémunérée par une pluralité d’employeurs, dans le cadre de transferts successifs entre diverses autorités publiques ;

- l’article 8 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 prévoit la transformation obligatoire du contrat en contrat à durée indéterminée pour les agents contractuels ; en application du septième alinéa de l’article 4 de la même loi, le transfert de son activité de recherche sur le budget du CHU de Nantes entre 2004 et 2008 et sur celui du CNRS entre février et septembre 2008 ne doit pas faire obstacle à la prise en compte de son ancienneté acquise sur son poste de travail ;

- la circulaire du 26 juillet 2012, opposable aux tiers et à l’administration, confirme le caractère erroné de l’interprétation des textes faite dans son cas par l’INSERM, cette circulaire rappelant que les agents concernés ne doivent pas être privés d’une conversion de leur contrat en contrats à durée indéterminée, indépendamment de l’imputation de leur rémunération sur des budgets relevant de personnes morales différentes ;

 

Vu les décisions attaquées ;

 

Vu la mise en demeure adressée le 4 décembre 2012 à la SCP Waquet - Farge - Hazan,

en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de

cette mise en demeure ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 3 janvier 2013, présenté pour l’institut national de la santé

et de la recherche médicale (INSERM) par la SCP Waquet - Farge - Hazan, qui conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu’il soit mis à la charge de la requérante la somme de 4 500 euros au titre de

l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

Il soutient que :

- concernant la décision du 2 mai 2012, les moyens tirés du défaut de motif et de l’erreur de droit sont infondés ; la requérante n’avait en effet aucun droit à une prolongation de durée de contrat supérieure à celle qui lui a été accordée ; l’INSERM n’était pas tenu de justifier une prolongation limitée à quatre mois, en raison du cadre contractuel des relations de travail, lequel ne nécessitait pas de justification particulière de la part de l’administration ;

- la requérante ne saurait prétendre à l’application des dispositions de l’article 8 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012, dès lors qu’elle n’a pas accompli six années au service de l’INSERM depuis 2004 ; elle ne peut davantage se prévaloir du 7ème alinéa de l’article 4 de la

même loi, puisque son contrat n’a fait l’objet d’aucun transfert d’activités, d’autorités ou de

compétences entre deux autorités publiques ou entre deux personnes morales et que ces dispositions ne visent que la titularisation des agents et non la transformation de leurs contrats en contrats à durée indéterminée ;

- Mme X ne peut non plus invoquer la circulaire du 26 juillet 2012, laquelle est interprétative et non créatrice de droits, et qui serait d’ailleurs illégale dans le cas où elle créerait du droit au regard des dispositions légales en vigueur ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 17 janvier 2013, présenté pour Mme X, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; elle fait valoir que le non renouvellement de son contrat à durée déterminée a nui à son entité de travail puisqu’elle y menait une étude clinique importante portant sur un système immunitaire en matière d’accidents de la route et concernant 200 patients ;

 

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 24 janvier 2013, présenté pour Mme X, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

 

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2013, présenté pour l’INSERM, qui maintient ses précédentes conclusions ;

 

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 février 2013, présentée pour Mme X ;

 

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 février 2013, présentée pour l’INSERM ;

 

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 mars 2013, présentée pour Mme X ;

 

Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 mars 2013, présentée pour l’INSERM ;

 

Vu, (II), sous le n° 1208668, la requête enregistrée le 4 septembre 2012, présentée pour Mme X, par Me Bascoulergue ; Mme X demande au Tribunal :

- d’annuler la décision en date du 2 mai 2012 par laquelle le responsable des ressources humaines de l’institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) a mis fin à son contrat à durée déterminée à compter du 23 septembre 2012 ;

- d’annuler la décision en date du 6 juillet 2012 par laquelle le président directeur général de l’INSERM a refusé de transformer son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

- d’enjoindre au président directeur général de l’INSERM de transformer son contrat en contrat à durée indéterminée, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la date du jugement ;

- de mettre à la charge de l’INSERM une somme de 4 500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

 

Elle conclut, aux mêmes fins que la requête enregistrée sous le n° 1208556, par les mêmes moyens ;

 

Vu la mise en demeure adressée le 4 décembre 2012 à la SCP Waquet - Farge - Hazan, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de

cette mise en demeure ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 3 janvier 2013, présenté pour l’institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) par la SCP Waquet - Farge - Hazan, qui conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu’il soit mis à la charge de la requérante la somme de 4 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il maintient ses conclusions contenues dans la requête enregistrée sous le n° 1208556 ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 17 janvier 2013, présenté pour Mme X qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; elle fait valoir que le non renouvellement de son contrat à durée déterminée a nui à son entité de travail puisqu’elle y menait une étude clinique importante portant sur un système immunitaire en matière d’accidents de la route et concernant 200 patients ;

 

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 24 janvier 2013, présenté pour X, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2013, présenté pour l’INSERM, qui maintient ses précédentes conclusions ;

 

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 février 2013, présentée pour Mme X ;

 

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 février 2013, présentée pour l’INSERM ;

 

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 mars 2013, présentée pour Mme X ;

 

Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 mars 2013, présentée pour l’INSERM ;

 

Vu, (III), sous le n° 1211336, la requête enregistrée le 30 novembre 2012, présentée pour Mme X, par Me Bascoulergue ; Mme X demande au Tribunal :

- d’annuler la décision en date du 6 novembre 2012 par laquelle le président directeur général de l’institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) a refusé de transformer son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

- d’enjoindre au président directeur général de l’INSERM de transformer son contrat en contrat en contrat à durée indéterminée, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la date du jugement ;

- de mettre à la charge de l’INSERM une somme de 2 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

 

Elle soutient que :

- la décision du 6 novembre 2012, prise en dépit de la suspension de la décision précédente du 6 juillet 2012 ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes est illégale, puisqu’elle la place dans la même situation que celle qui était la sienne avant l’audience de référé ;

- elle a été embauchée par l’INSERM le 1er octobre 2001 sous contrat à durée déterminée, a exercé durant onze années au sein de la même unité, mais a été rémunérée par une pluralité d’employeurs, dans le cadre de transferts successifs entre diverses autorités publiques, les diverses entités l’ayant rémunérée depuis 2001 participant toutes à la même unité mixte de recherche, comme l’admet d’ailleurs la partie défenderesse ;

- l’article 8 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 prévoit la transformation obligatoire du contrat en contrat à durée indéterminée pour les agents contractuels ; en application du septième alinéa de l’article 4 de la même loi, le transfert de son activité de recherche sur le budget du CHU de Nantes entre 2004 et 2008 et sur celui du CNRS entre février et septembre

2008 ne doit pas faire obstacle à la prise en compte de son ancienneté acquise sur son poste de

travail ;

-la circulaire du 26 juillet 2012, opposable aux tiers et à l’administration, confirme le caractère erroné de l’interprétation des textes faite dans son cas par l’INSERM, cette circulaire rappelant que les agents concernés ne doivent pas être privés d’une conversion de leur contrat en contrats à durée indéterminée, indépendamment de l’imputation de leur rémunération sur des budgets relevant de personnes morales différentes ;

 

Vu la décision attaquée ;

 

Vu la mise en demeure adressée le 7 décembre 2012 à la SCP Waquet - Farge - Hazan, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 9 janvier 2013, présenté pour l’institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) par la SCP Waquet - Farge - Hazan, qui conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu’il soit mis à la charge de la requérante la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

Il soutient que :

- la requérante ne saurait prétendre à l’application des dispositions de l’article 8 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012, dès lors qu’elle n’a pas accompli six années au service de l’INSERM depuis 2004, mais seulement quatre années ; elle ne peut davantage se prévaloir du

7ème alinéa de l’article 4 de la même loi, puisque son contrat n’a fait l’objet d’aucun transfert d’activités, d’autorités ou de compétences entre deux autorités publiques ou entre deux personnes morales et que ces dispositions ne visent que la titularisation des agents et non la transformation de leurs contrats en contrats à durée indéterminée ;

- Mme X ne peut non plus invoquer la circulaire du 26 juillet 2012, laquelle est interprétative et non créatrice de droits, et qui serait d’ailleurs illégale dans le cas où elle créerait du droit au regard des dispositions légales en vigueur ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 17 janvier 2013, présenté pour Mme X qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

 

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 24 janvier 2013, présenté pour Mme X, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

 

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2013, présenté pour l’INSERM, qui maintient ses précédentes conclusions ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 4 février 2013, présenté pour Mme X ; elle sollicite en outre l’annulation de la décision en date du 21 janvier 2013 du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ayant rejeté son recours hiérarchique en date du 9 novembre 2012 contre la décision du 6 novembre 2012 du président directeur général de l’INSERM ;

 

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 février 2013, présentée pour Mme X ;

 

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 février 2013, présentée pour l’INSERM ;

 

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 mars 2013, présentée pour Mme X ;

 

Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 mars 2013, présentée pour l’INSERM ;

 

Vu les autres pièces des dossiers ;

 

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

 

Vu la loi n° 86-634 du 13 juillet 1983 modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires ;

 

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ;

 

Vu la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ;

 

Vu le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 février 2013 :

- le rapport de M. Guéguen, rapporteur,

- les conclusions de M. Lesigne, rapporteur public,

- et les observations de Me Bascoulergue, avocat de Mme X, requérante, et de Me Waquet, avocat de l’INSERM, partie défenderesse ;

 

1.Considérant que les requêtes n° 1208556, 1208668 et 1211336 présentées par Mme X concernent la situation d’un même agent contractuel et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement ;

 

Sur les conclusions dirigées contre la décision du 6 juillet 2012 refusant la transformation du contrat de Mme X en contrat à durée indéterminée:

 

2. Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 susvisée : « A la date de publication de la présente loi, la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée est obligatoirement proposée à l'agent contractuel, employé par l'Etat, l'un de ses établissements publics ou un établissement public local d'enseignement sur le fondement du dernier alinéa de l'article 3 ou des articles 4 ou 6 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la présente loi, qui se trouve en fonction ou bénéficie d'un congé prévu par le décret pris en application de l'article 7 de la même loi./ Le droit défini au premier alinéa du présent article est subordonné à une durée de services publics effectifs, accomplis auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public, au moins égale à six années au cours des huit années précédant la publication de la présente loi. / Le septième alinéa du I de l'article 4 de la présente loi est applicable pour l'appréciation de l'ancienneté prévue aux deuxième et troisième alinéas du présent article (…) » ; que le droit ouvert aux agents contractuels défini par ces dispositions légales est conditionné à une durée de services publics effectifs, nécessairement accomplis par l’agent auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public ; que, cependant, dans le cas où un agent sollicitant le bénéfice de ces dispositions aux fins de transformation de son contrat, fait valoir que la multiplicité de ses employeurs dissimule en réalité l’existence d’un unique et véritable employeur au titre de la période en cause, il appartient au juge administratif, saisi par l’intéressé, de rechercher, en recourant au besoin à la méthode du faisceau d’indices, si en dépit de l’apparence, l’agent a en réalité accompli la durée nécessaire de services publics effectifs auprès d’un seul et véritable employeur ;

 

3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que Mme X a exercé sans interruption de novembre 2001 à mai 2012, dans le domaine de la recherche appliquée à la santé publique, en

matière de cancérologie, des fonctions d’assistant-ingénieur, de technicien supérieur de laboratoire ou d’ingénieur en biologie dans le cadre de seize contrats à durée déterminée qu’elle a successivement conclus avec l’institut national de la santé et de la recherche médicale pour la période du 11 novembre 2001 au 31 août 2004, puis avec le centre hospitalier universitaire de Nantes pour celle du 1er septembre 2004 au 31 janvier 2008, avec le centre national de la recherche scientifique entre le 1er février et le 31 août 2008, enfin de nouveau avec l’institut national de la santé et de la recherche médicale pour la période du 1er septembre 2008 au 23 mai 2012 ; qu’il est constant que les fonctions de recherche appliquée ainsi exercées par Mme X, dans ce cadre contractuel et durant plus de dix années, ont eu un caractère permanent et continu depuis la signature par l’intéressée de son premier contrat à durée déterminée du 11 novembre 2001, conclu avec l’institut national de la santé et de la recherche médicale, son actuel employeur ; qu’il est également constant que ce premier contrat a fait l’objet d’une déclaration unique d’embauche à l’URSSAF reçue par cet organisme le 9 novembre 2011, laquelle n’a ensuite été suivie d’aucune autre déclaration de même nature, que ce soit lors de la signature du premier contrat conclu par la requérante avec le centre hospitalier universitaire de Nantes le 1erseptembre 2004 ou de la conclusion du premier contrat signé par l’intéressée, le 1er février 2008, avec le centre national de la recherche scientifique ; que l’institut national de la santé et de la recherche médicale fait valoir que la circonstance que Mme X a été successivement titulaire de sept contrats conclus entre septembre 2004 et février 2008 avec le centre hospitalier universitaire de Nantes, puis de deux contrats conclus pour une période de sept mois avec le centre national de la recherche scientifique, fait obstacle à ce qu’elle entre dans le champ d’application des dispositions de l’article 8 de la loi du 12 mars 2012 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier qu’entre le 1er septembre 2004 et le 23 mai 2012, l’intéressée, bien qu’ayant formellement signé treize contrats successifs la liant à trois employeurs différents, a été continûment employée sur le même emploi de recherche en biologie, situé dans les mêmes locaux de l’Institut de Biologie de Nantes, pour exercer des fonctions de même nature au sein de trois unités mixtes de recherche successives dénommées « U 463, U 601 et U 892 », ceci dans le cadre du service public de la recherche scientifique en cancérologie ; que ces unités de recherche étaient placées, durant la période litigieuse, sous l’autorité du même responsable hiérarchique, M. Y, directeur de recherche à l’institut national de la santé et de la recherche médicale ; que Mme X a, dans ce cadre contractuel et au titre de fonctions et d’activités qui n’ont pas varié, toujours été rémunérée soit par une prise en charge directe de l’INSERM, soit par les deux autres établissements publics précités qui lui ont servi, durant la période en cause, des rémunérations de niveau équivalent à celles perçues au titre de ses contrats avec l’INSERM, quelle que soit l’autorité signataire du contrat ; que, dès lors, le centre hospitalier universitaire de Nantes pour la période du 1er septembre 2004 au 31 janvier 2008, ainsi que le centre national de la recherche scientifique pour celle du 1er février au 31 août 2008, doivent être regardés, au regard des éléments susévoqués, comme agissant pour le compte de l’INSERM, qui apparaît en conséquence comme l’unique et véritable employeur de la requérante au titre de l’ensemble de la période litigieuse ; qu’ainsi, dans les circonstances particulières de l’espèce, les services publics effectués par Mme X entre le 13 mars 2004 et le 13 mars 2012, soit dans le délai de huit années précédant la publication de la loi susvisée du 12 mars 2012, qui ont atteint la durée minimale requise de six années prévue à l’alinéa 2 de l’article 8 de ladite loi, durée conditionnant le droit de la requérante à la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée, doivent être regardés comme ayant été effectués auprès du même établissement public, en l’espèce l’institut national de la santé et de la recherche médicale ; qu’il s’ensuit que le contrat proposé à Mme X par cet établissement public, véritable employeur de la requérante entre le 13 mars 2004 et le 13 mars 2012, ne pouvait être conclu que pour une durée indéterminée ; que celle-ci est, par suite, fondée à soutenir que c’est à tort que le président directeur général de l’INSERM a, par sa décision du 6 juillet 2012, rejeté sa demande tendant au bénéfice d’un contrat à durée indéterminée et qu’il a ainsi méconnu les dispositions précitées de l’article 8 de la loi du 12 mars 2012 ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, Mme X est fondée à solliciter l’annulation de la décision contestée du 6 juillet 2012 ;

 

Sur les conclusions dirigées contre la décision du 2 mai 2012 mettant fin au contrat à durée déterminée de Mme X:

 

4. Considérant que si un agent public, recruté par contrat à durée déterminée, ne bénéficie, au terme prévu, d'aucun droit au renouvellement de son contrat, la décision de ne pas renouveler le contrat ne peut être prise que pour des motifs tirés de l’intérêt du service et ne révélant ni inexactitude matérielle des faits, ni erreur manifeste d'appréciation, ni détournement de pouvoir ;

 

5. Considérant qu’il est constant que l’INSERM, qui ne verse au dossier aucun élément de nature à faire douter des aptitudes professionnelles de Mme X, s’est borné dans sa décision du 2 mai 2012 à faire savoir à l’intéressée, en réponse à sa demande tendant à voir transformer son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, qu’aux termes des « règles applicables à l’INSERM », une « prolongation de contrat » n’était pas « envisageable » ; que, d’une part, en se plaçant ainsi délibérément non dans le champ d’application de la loi précitée du 12 mars 2012 qui fondait la demande de Mme X, mais dans le cadre du renouvellement de son contrat initial à durée déterminée, l’INSERM n’établit pas, par les motifs imprécis qu’elle formule, l’intérêt du service à ne pas renouveler ledit contrat, la requérante faisant, en outre, valoir sans être sérieusement démentie l’impact négatif de son départ sur le fonctionnement du service ; qu’il en ressort d’autre part, au regard notamment de la teneur de sa décision précitée du 6 juillet 2009, que l’INSERM a entendu se soustraire aux contraintes nouvelles auxquelles l’exposait l’article 8 susvisé de la loi du 12 mars 2012 ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, Mme X est fondée à soutenir que la décision en litige est entachée d’un détournement de procédure et, par suite, à obtenir, l’annulation de la décision du 2 mai 2009 ayant mis fin, à compter du 23 septembre 2012, à son contrat à durée déterminée ;

 

D E C I D E:

Article 1er: Les décisions en date du 2 mai 2012 et du 6 juillet 2012, par lesquelles la direction de l’institut national de la santé et de la recherche médicale a mis fin au contrat à durée déterminée de Mme X à compter du 23 septembre 2012 et a refusé la transformation du contrat de l’intéressée en contrat à durée indéterminée, sont annulées.

Article 2: Il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 1211336 tendant à l’annulation de la décision en date du 6 novembre 2012 du président directeur général de l’INSERM et de la décision du 21 janvier 2013 du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche rejetant le recours hiérarchique de Mme X.

Article 3: Il est enjoint à l’institut national de la santé et de la recherche médicale de proposer à Mme X un contrat à durée indéterminée par application des dispositions de l’article 8 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification du présent jugement.

Article 4: L’institut national de la santé et de la recherche médicale versera à Mme X la somme de 3 000 euros (trois mille euros) au titre de l’article L. 761 du code de justice administrative.

Article 5: Les conclusions de l’institut national de la santé et de la recherche médicale tendant à la condamnation de Mme X au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 6: Le surplus des conclusions des requêtes de Mme X est rejeté.

Article 7: Le présent jugement sera notifié à Mme Sophie X et à l’institut national de la santé et de la recherche médicale.

 

Délibéré après l'audience du 19 février 2013, à laquelle siégeaient :

Mme Guichaoua, président,

M. Guéguen, premier conseiller,

M. Danet, conseiller.

Lu en audience publique le 12 mars 2013.