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Tribunal administratif de Paris, 15 juin 2012, n°1017492/6-1 (Information pré opératoire - responsabilité)

Madame L. a subi une première intervention chirurgicale le 7 mai 2008 consistant à l'ablation des trompes de Fallope et des ovaires. Au regard des résultats de l'examen anatomopathologique post-opératoire, a été diagnostiqué un carcinome épidermoïde bien différencié. Le 17 juin de la même année, Madame L a donc subi une seconde intervention consistant en un curage ganglionnaire, une omentectomie et une hystérectomie totale non conservatrice. L'examen anatomopathologique réalisé à l'issue de cette seconde intervention chirurgicale a conclu à l'absence de métastases ganglionnaires et de foyers tumoraux.

Madame L. a déposé une requête au Tribunal administratif de Paris (après avoir fait une demande d'indemnisation à l'amiable auprès de l'établissement de santé concerné), tendant à la condamnation de cet établissement de santé en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait notamment de l'information qui lui a été délivrée.

Les juges du fond rejettent la requête de Madame L. en estimant que la preuve de la délivrance de l'information pré-opératoire tenant à la nature de l'opération et aux risques encourus est rapportée. Les juges ajoutent que "Madame L. a, en outre, disposé d'un délai de treize jours entre l'annonce du protocole opératoire le 4 juin 2008 et l'intervention le 17 juin 2008, période durant laquelle elle a recueilli un second avis (au sein d'un autre établissement de santé), où lui a été confirmé le bien fondé de la thérapeutique proposée par l'équipe médicale (de l'hôpital X)".

 
 
Vu le jugement du 28 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif, avant de statuer sur les conclusions de la requête de Mme ..., demeurant ..., tendant à la condamnation de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme provisionnelle de 5 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'intervention chirurgicale dont elle a fait l'objet le 17 juin 2008 à l'hôpital de ..., a ordonné une expertise ;
Vu l'ordonnance en date 4 novembre 2011, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a confié l'expertise médicale à M. Jacques Milliez ;
Vu le rapport d'expertise déposé au greffe du tribunal le 22 février 2012 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2012, présenté par l'AP-HP, qui conclut au rejet de la requête ;
L'AP-HP soutient que l'expert désigné par le tribunal ayant estimé qu'aucune faute n'a été commise dans la prise en charge de la requérante, sa responsabilité ne saurait être engagée ;
Vu l'ordonnance en date du 2 mars 2012 rouvrant l'instruction et fixant sa clôture au 2 avril 2012, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu l'ordonnance en date du 3 avril 2012, par laquelle le président du tribunal a taxé et liquidé les frais de l'expertise à la somme de 1 200 euros et les a mis à la charge de Mme ... ;
Vu la demande préalable d'indemnisation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du juin 2012
- le rapport de M. Langrognet, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Portes, rapporteur public ;
Considérant que Mme ..., alors âgée de quarante-quatre ans, a été admise le 24 avril 2008 dans le service de gynécologie du groupe hospitalier ..., établissement relevant de l'AP-HP, pour un kyste dermoïde de l'ovaire droit ; qu'elle y a subi, le 7 mai 2008, une première intervention chirurgicale consistant en une annexectomie, c'est-à-dire une ablation des trompes de Fallope et des ovaires ; qu'au regard des résultats de l'examen anatomopathologique post-opératoire, a été diagnostiqué un carcinome épidermoïde bien différencié ; que, le 17 juin 2008, elle a fait l'objet d'une seconde opération chirurgicale, consistant en un curage ganglionnaire, une omentectomie et une hystérectomie totale non conservatrice ; que l'examen anatomopathologique réalisé à l'issue de cette seconde intervention a conclu à l'absence de métastases ganglionnaires et de foyers tumoraux dans l'utérus, l'annexe gauche, le grand épiploon et le péritoine ; que Mme ... a adressé, le 10 juin 2010, une demande d'indemnisation à l'AP-HP à raison des préjudices ayant résulté pour elle de l'intervention du 17 juin 2008 ; que par lettre en date du 5 août 2010, l'AP-HP a rejeté la réclamation de Mme ... ; que, par un jugement en date du 28 octobre 2011, le tribunal a ordonné, avant dire droit, une expertise afin de déterminer les causes et l'ampleur des préjudices subis par Mme ... ; que l'expertise s'est traduite par un rapport déposé le 22 février 2012 ;
Sur la responsabilité de l'AP-HP :
Considérant, qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : « I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences doininageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute, [...]»; qu'aux termes de l'article L. 111 1-2 du même code : « Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. [...] / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et clans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. / Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. [...] / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article, Cette preuve peut être apportée par tout moyen. » ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que la chirurgie complète de l'appareil génital, emportant les ovaires, les trompes, l'utérus, l'épiploon et les ganglions des chaînes lymphatiques à risque, y compris lomboaortiques, correspond à l'indication médicale en cas de carcinome épidermoide décelé sur un ovaire, seule une chirurgie aussi étendue permettant d'éviter une perte de chance quant au pronostic carcinologique ; que l'intervention chirurgicale du 17 juin 2008 a été techniquement exempte de manquement aux règles de l'art, sans incident opératoire ni complication postopératoire ; que, dès lors, aucune faute médicale n'a été commise à l'occasion de l'intervention chirurgicale du 17 juin 2008 ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que la preuve de la délivrance à Mme ... de l'information pré-opératoire tenant à la nature de l'opération et aux risques encourus est rapportée; que Mme ... a, en outre, disposé d'un délai de treize jours entre l'annonce du protocole opératoire le 4 juin 2008 et l'intervention le 17 juin 2008, période durant laquelle elle a recueilli un second avis à l'Institut Gustave Roussy de Villejuif, où lui a été confirmé le bien-fondé de la thérapeutique proposée par l'équipe médicale de l'AP-HP ; que, par suite, la responsabilité de l'AP-HP ne peut être engagée à raison d'un quelconque manquement à l'obligation d'information ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'indemnisation présentées par Mme ... doivent être rejetées ;
Sur les frais d'expertise
Considérant que les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 200 euros par l'ordonnance du 3 avril 2012, sont laissés à la charge définitive de Mme ... ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'AP-HP, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par Mme ... et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE:

Article 1er : La requête de Mme ... est rejetée.
Article 2 : Les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 200 (mille deux cents) euros, sont mis à la charge définitive de Mme ....
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme ..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, à l'Assistance publique-hôpitaux de Paris et à la ville de Paris.