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Avis du Conseil supérieur d’hygiène publique de France, section maladies transmissibles, relatif à la surveillance épidémiologique de l’hépatite A en France

Séance du 26 novembre 2004
    
Considérant, d’une part, en ce qui concerne les caractéristiques épidémiologiques de l’hépatite A en France :
    -  que l’incidence a diminué au cours des dernières décennies comme en attestent les enquêtes de séroprévalence en particulier chez les recrues du service national (1) et les données du réseau Sentinelles (Inserm U444) (2), avec pour conséquence une augmentation du nombre de sujets réceptifs à l’âge adulte où 70 % à 80 % des infections sont symptomatiques et souvent plus graves (3) ;
    -  qu’il existe donc une augmentation du risque d’épidémie chez l’adulte ;
    -  qu’en raison de son potentiel épidémique et de sa gravité possible la détection des cas groupés est indispensable ;
    -  qu’il est nécessaire de disposer de connaissances sur les caractéristiques des personnes touchées afin d’adapter éventuellement les mesures de prévention, y compris les recommandations vaccinales (4) ;
    -  qu’une surveillance épidémiologique est en place dans la plupart des autres pays européens ;
    

Considérant, d’autre part, au vu des critères (5) d’inscription d’une maladie à la liste des maladies à déclaration obligatoire du Conseil supérieur d’hygiène publique de France, (6) :
    -  que sont en faveur de l’inscription de l’hépatite A à la liste des maladies à déclaration obligatoire, relevant des critères principaux :
        -  l’augmentation potentielle du nombre de cas graves ;
        -  l’existence de mesures à prendre lors des cas groupés (enquête pour rechercher la source de contamination, mesures d’hygiène (7)) ;
        -  l’absence d’autre système de surveillance épidémiologique adapté (8) : l’estimation de l’incidence nationale par le système actuel (Réseau Sentinelles) est imprécise en raison du nombre très limité de cas notifié par an, de même pour la description des personnes touchées en termes d’âge et d’expositions ; l’étude pilote réalisée dans 14 départements en 2001 (9) a montré qu’un système basé sur le volontariat ne permettait pas de détecter les cas groupés ;
    -  le fait que la contribution aux bases de données européennes et la participation au système d’alerte européen nécessitent une surveillance nationale efficiente ;
    

et relevant des critères de faisabilité :
    -  la fréquence de la maladie (10), à l’échelon d’un département, le nombre de cas devrait être compatible avec le critère de « maladie peu fréquente » à l’exception possible des départements à densité de population importante ou lors d’épidémie ;
    -  la simplicité et la spécificité de la définition de cas (11) reposant sur le diagnostic de laboratoire utilisé en routine ;
    -  l’acceptabilité sociale garantie par la protection de l’anonymat des personnes inhérente au système de déclaration obligatoire actuel ;
    -  l’implication récente (depuis janvier 2003) des biologistes comme acteurs de la déclaration des maladies actuellement à déclaration obligatoire ;
    -  l’implication actuelle des DDASS dans l’investigation et la gestion des cas groupés lorsqu’ils sont signalés, dont la mise à déclaration obligatoire pourrait améliorer l’efficience ;
   

 Que sont en défaveur de l’inscription de l’hépatite A à la liste des maladies à déclaration obligatoire, relevant des critères principaux :
    -  la faible perception de la gravité de la maladie par une partie des acteurs du système, notamment des prescripteurs (12) ;
    -  le fait que le système ne permettra pas de déterminer avec précision les caractéristiques des personnes, des enquêtes complémentaires ponctuelles pouvant être nécessaires ;
    

Relevant des critères de faisabilité :
    -  la charge de travail supplémentaire, le coût des moyens à mettre en oeuvre notamment dans les DDASS, mal connu, la non disponibilité actuelle de ces moyens, et le fait que l’ajout d’une maladie à la liste des maladies à déclaration obligatoire risque d’alourdir le système au détriment du système de déclaration obligatoire dans son ensemble ;
    

Le Conseil supérieur d’hygiène publique de France :
    -  considère que la balance des avantages et des inconvénients est en faveur de l’inscription de l’hépatite A parmi les maladies à déclaration obligatoire ;
    -  les objectifs de cette surveillance étant :
        -  de détecter les cas groupés afin de prendre rapidement les mesures de contrôle adaptées ;
        -  d’estimer les taux d’incidence et tendances au niveau départemental et national ;
        -  de décrire l’évolution de la distribution des cas par classe d’âge et par exposition pour guider les politiques de prévention ;
    -  souligne la nécessité d’une bonne information et rétro-information des personnels impliqués afin de favoriser une bonne exhaustivité de la déclaration obligatoire ;
    -  souligne l’augmentation des moyens nécessaires notamment dans les Ddass afin de mettre en oeuvre cette déclaration.

(1)Joussemet M., Depaquit J., Nicand E. et al. Effondrement de la séroprévalence de l’hépatite virale A chez les jeunes français. Gastroenterol Clin Biol 1999 ;23 :447-452.
(2)http ://rhone.b3eme
 .jussieu.fr/senti/
(3)Lednar W.M., Lemon S. M., Kirkpatrick J. W, et al. Frequency of illness associated with epidemic hapatitis A virus infections in adults. Am J of Epidemiol 1985 ; 122 : 226-232.
(4)Recommandations vaccinales actuelles du CSHPF : Calendrier vaccinal 2004, BEH n° 28-29/2004.
(5)Desenclos J.C., Frottier J., Ilef D. et al. Critères pour proposer la surveillance d’une maladie infectieuse par la déclaration obligatoire. BEH n° 47/1999.

(6)Critères principaux (maladie pouvant justifier de mesures exceptionnelles internationales ; maladie pouvant nécessiter une intervention locale, régionale ou nationale urgente ; maladie pour laquelle une évaluation est nécessaire du fait de la mise en oeuvre, par les pouvoirs publics, d’un programme de lutte ou de prévention ; gravité de la maladie ; besoin de connaissance de la maladie en raison du caractère émergent ou mal connu de la maladie, dont dépendent sa prise en charge et sa prévention ; non existence d’un autre système de surveillance répondant aux objectifs spécifiques de surveillance du problème considéré). Critères de faisabilité (maladie peu fréquente, définition de cas simple et spécifique ; acceptabilité sociale de la déclaration aux pouvoirs publics ; coût de la mise en oeuvre du système acceptable).
(7)Begue P., Bernuau J., Courouce A.M., et al. La prévention de la transmission du virus de l’hépatite A en situation épidémique. BEH n°
 50/1996.
(8)Couturier E., Delarocque-Astagneau E., Vaillant V., Desneclos J.C. Surveillance de l’hépatite A en France au cours des vingt dernières années : les données actuelles de permettent pas d’estimer le taux d’incidence. BEH n° 5/2005.
(9)Delarocque-Astagneau E., Cordeiro E., Vaillant V., Valenciano M. Evaluation d’un système pilote de surveillance pour l’hépatite A, France 2001. BEH n° 5/2005.
(10)Delarocque-Astagneau E., Cordeiro E., Vaillant V., Valenciano M. Evaluation d’un système pilote de surveillance pour l’hépatite A, France 2001. BEH n° 5/2005.
(11)Définition reposant sur le diagnostic de laboratoire utilisant un test simple et spécifique de mise en évidence des IgM anti-VHA dans le sérum, largement disponible.
(12)Evaluation du système de surveillance pilote de l’hépatite A, France 2001. Rapport. Institut de veille sanitaire, octobre 2003, p. 23.

Source Bulletin Officiel n° 2006/4 du 15 mai 2006