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CCNE, Avis 132 du 19 septembre 2019 -Questions éthiques soulevées par la situation des personnes ayant des variations du développement sexuel

Le Haut-commissariat aux droits de l’homme des Nations-Unies définit les personnes inter-sexes comme des personnes « nées avec des caractères sexuels (génitaux, gonadiques ou chromosomiques) qui ne correspondent pas aux définitions binaires types des corps masculins ou féminins ». Suite aux demandes des associations ainsi qu’à une saisine du Directeur général de la santé, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a entrepris une réflexion sur la situation des personnes concernées par des variations du développement sexuel. Dans cet avis, le CCNE a principalement axé son analyse sur l’accueil de l’enfant, l’accompagnement des parents, l’évolution des pratiques médicales et les modalités d’un consensus entre les personnes concernées et les médecins.

Lors des différentes auditions qu’il a organisées, le CCNE a pu constater la souffrance et la colère des personnes ayant fait l’objet d’interventions chirurgicales précoces. Ces dernières ont insisté sur les traumatismes physiques, psychiques, sexuels et sociaux ressentis depuis leur enfance et sur les relations conflictuelles entretenues avec les spécialistes. Les médecins insistent pour leur part sur le malaise ressenti face à leur mise en cause par les associations de personnes inter-sexes, et s’interrogent sur leurs pratiques, tout en insistant sur la diminution des interventions chirurgicales et hormonales. En effet, ce type d’interventions ayant un caractère irréversible et étant pratiquées le plus souvent sans le consentement de l’enfant, elles sont souvent très mal vécues. Aussi, le CCNE insiste sur l’importance de mener une réflexion éthique en la matière, afin dissiper les tensions qui peuvent survenir entre les avis des médecins et ceux des parents, sur la portée du consentement, celle des interventions (ou de la non intervention) ou encore sur l’évolution de l’enfant. Au-delà de cette réflexion, il met l’accent sur l’accompagnement, l’information et le développement de la formation et de la recherche dans ce domaine complexe.

Afin de dépasser les divergences, le CCNE formule plusieurs recommandations :
- Il considère qu’il est indispensable de centraliser les consultations et les interventions dans une structure unique : le Centre de référence des maladies rares (CRMR) relatif au développement génital.
- La formation et le perfectionnement des professionnels doivent être améliorés, notamment pour ceux exerçant dans les services d’obstétrique et de néonatologie.
- Les actes médicaux et chirurgicaux (précoces ou tardifs) doivent répondre à une nécessité médicale en présentant un bénéfice thérapeutique. Deux situations doivent alors être distinguées :
• Dans le cas où un caractère particulier du phénotype interroge sur la détermination du sexe, il convient, sauf urgence ou situation particulière, de repousser l’intervention afin que la personne concernée puisse être associée au choix thérapeutique qui lui sera proposé, dès lors que son état de maturité le lui permet.
• Dans tous les autres cas de variation du développement sexuel, pour lesquelles la réalisation d’un acte médical et/ ou chirurgical est discutée, le CCNE considère que la décision devrait être prise après concertation et délibération de l’équipe pluridisciplinaire du Centre de référence avec le consentement des parents et de la personne concernée si celle-ci dispose d’un degré suffisant de maturité.

Quoi qu’il en soit, la décision devra être documentée, intégrée dans le dossier médical, signée de tous les intervenants et inscrite sur un registre placé sous la responsabilité du ministère de la santé.
- Il est nécessaire de délivrer une information claire et compréhensible aux parents et aux personnes concernées. L’annonce donnée par le CRMR doit prendre en compte toutes les possibilités de traitement et d’absence de traitement et être suivie d’un délai de réflexion suffisamment long avant qu’une décision ne soit prise. De plus, il recommande la création d’une base de données anonymes en France et en Europe à des fins de recherche, avec l’objectif de définir les directives thérapeutiques cliniques au niveau national et international.