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Conseil d’Etat, 11 octobre 2007, n° 309371 (Fonction publique hospitalière – commission des recours du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière)

 

En l’espèce, un agent des services hospitaliers qualifié a été révoqué par le directeur du centre hospitalier régional (CHR) dans lequel il exerçait sa profession pour avoir, en manquement à l’obligation de probité à laquelle il était tenu, accepté des bijoux d’un patient vulnérable en échange de services et les avoir revendus. Sur recours de cet agent, la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière a proposé par avis de substituer à la sanction de révocation une exclusion temporaire des fonctions de six mois dont trois mois avec sursis. Saisi par le CHR en référé d’une demande de suspension d’avis de la commission des recours, le Conseil d’Etat fait droit à cette demande. Le Conseil d’Etat considère que le moyen tiré de ce que cet avis est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de cet avis. Pour estimer que le comportement fautif de cet agent ne justifiait que d’une sanction d’exclusion temporaire, la commission des recours avait constaté que les agents publics hospitaliers étaient très peu informés de leurs obligations professionnelles et qu’il s’agissait de la première faute reproché à cet agent. 

CONSEIL D'ETAT.
SECTION DU CONTENTIEUX.
LE JUGE DES RÉFÉRÉS

CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE LILLE

309371
11 octobre 2007

Inédit au recueil LEBON

Vu la requête, enregistrée le 13 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE LILLE ; le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE LILLE demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'avis en date du 19 juin 2007 par lequel la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière a proposé de substituer à la sanction de révocation prise à l'encontre de M. X , agent des services hospitaliers qualifié, une sanction d'exclusion temporaire de fonction de six mois, dont trois mois avec sursis ;

le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE LILLE soutient que l'urgence résulte des conséquences qu'aurait la réintégration de M. X sur la sécurité et la tranquillité des patients de l'hôpital ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'avis contesté ; qu'en effet, la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, a commis une erreur manifeste d'appréciation et une erreur de droit en considérant que les faits reprochés à M. X ne justifiaient qu'une sanction d'exclusion temporaire ;

Vu l'avis dont la suspension est demandée ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée à l'encontre du même avis ;

Vu, enregistré le 2 octobre 2007, le mémoire en défense présenté pour M. X, qui conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE LILLE de procéder à sa réintégration à compter du 19 juin 2007, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, et à ce que soit mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE LILLE une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que sa réintégration n'est pas de nature à porter atteinte à la sécurité et à la tranquillité des patients, dans la mesure où plusieurs documents produits au dossier attestent de la qualité de son travail, de ses bonnes relations avec ses collègues, et de son dévouement envers les patients ; que le centre hospitalier n'allègue pas qu'il serait dans l'impossibilité d'affecter M. X dans un autre service ou un autre établissement ; que sa révocation, en le privant de tout traitement, le place dans une situation financière très délicate ; que la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation, dès lors que les faits qui lui sont reprochés sont isolés, et qu'il n'a jamais bénéficié de formation l'informant de ses obligations à l'égard des patients ; qu'enfin, le rejet de la demande de suspension présentée pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE LILLE implique sa réintégration au sein du service public hospitalier ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 5 octobre 2007, présenté pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE LILLE qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; il soutient en outre que par un jugement en date du 22 aout 2007, le tribunal correctionnel de Lille a déclaré M. X coupable de vol sur personne vulnérable et l'a condamné à une peine d'emprisonnement de cinq mois avec sursis ;

Vu, enregistré le 8 octobre 2007, le nouveau mémoire présenté pour M. X, qui reprend les mêmes conclusions et les mêmes moyens ; il soutient en outre que les délais importants entre les faits reprochés à M. X et le déclenchement de la procédure disciplinaire, d'une part, entre la requête aux fins d'annulation de l'avis litigieux et la demande de suspension de son exécution, d'autre part, démontrent que n'est constituée aucune situation d'urgence ; que la circonstance qu'il ait fait l'objet d'une condamnation pénale est sans influence sur la légalité de l'avis attaqué ;

Vu les pièces du dossier desquelles il ressort que la requête a été communiquée au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports qui n'a pas produit d'observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la modifiée ;

Vu le décret n° 88-981 du 13 octobre 1988 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE LILLE, M. X et le ministre de la santé, de la jeunesse et des sports;

Vu le procès verbal de l'audience publique du mercredi 10 octobre 2007 à 11 heures, au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE LILLE ;

- Me Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. X;

- le représentant de M. X;

Sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de l'avis en date du 19 juin 2007 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision »;

Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 81 de la portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : "Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes" ; que les sanctions du quatrième groupe comprennent "la mise à la retraite d'office, la révocation" ; que l'article 84 de la même loi dispose que "les fonctionnaires qui ont fait l'objet d'une sanction disciplinaire des deuxième, troisième et quatrième groupes peuvent introduire un recours auprès du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière lorsque l'autorité investie du pouvoir disciplinaire a prononcé une sanction plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline"; qu'aux termes de l'article 26 du décret du 13 octobre 1988 relatif au conseil supérieur de la fonction publique hospitalière : "(...) Lorsque l'avis émis par la commission des recours prévoit une sanction moins sévère que celle qui a été prononcée par l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, celle-ci est tenue de lui substituer une nouvelle décision, qui ne peut comporter de sanction plus sévère que celle retenue par la commission des recours" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, agent des services hospitaliers qualifié, a été révoqué par le directeur du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE LILLE pour avoir, en manquement à l'obligation de probité à laquelle il était tenu, accepté des bijoux d'un patient vulnérable en échange de services, et les avoir revendus ; que cette sanction est plus sévère que celle qui avait été proposée par le conseil de discipline ; que, sur recours de M. X, la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière a proposé, par avis en date du 19 juin 2007, de substituer à la sanction de révocation une exclusion temporaire des fonctions de six mois dont trois mois avec sursis ;

Considérant qu'en application de l'article 26 du décret du 13 octobre 1988, l'exécution de l'avis de la commission de recours impose au directeur du centre hospitalier de substituer à la décision de révocation une nouvelle sanction qui ne peut être plus sévère que celle retenue par la commission des recours ; qu'elle implique en conséquence la réintégration de M. X ; que les troubles qui en résulteraient dans l'établissement hospitalier, notamment à l'égard des patients, avec lesquels ce dernier serait nécessairement en contact à raison de ses fonctions, et ce quel que soit le service où il serait affecté, nonobstant les conséquences financières pour l'intéressé d'une absence de réintégration, créent une situation d'urgence ; que les circonstances, d'une part, que le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE LILLE n'ait engagé la procédure disciplinaire à l'encontre de M. X que dix mois après les faits qui la fondaient, ce délai étant employé à l'enquête sur ces faits, d'autre part, que se soient écoulés deux mois entre le dépôt de la requête en annulation de l'avis litigieux et celui de la demande en suspension, ne sont pas de nature à remettre en cause cette appréciation ;

Considérant qu'il résulte des termes de l'avis attaqué que, pour estimer que le comportement fautif de M. X ne justifiait qu'une sanction d'exclusion temporaire, la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière a constaté que les agents publics hospitaliers sont très peu informés de leurs obligations professionnelles et qu'il s'agissait de la première faute reprochée à cet agent ; que le moyen tiré de ce que son avis est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de cet avis ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE LILLE est fondé à demandé la suspension de l'avis rendu le 19 juin 2007 par la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière ;

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. X:MM

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. X tendant à ce qu'il soit enjoint au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE LILLE de le réintégrer, sous astreinte de 75 euros par jour, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. X tendant à ce que soit mis à la charge du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE LILLE la somme de 5000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens;

ORDONNE :

Article 1er : L'exécution de l'avis émis le 19 juin 2007 par la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière est suspendue.

Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. X, ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE LILLE, à M. X et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.