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Conseil d’Etat, 15 juillet 2008, n°290965 (Praticien hospitalier – Congé de longue durée – Comité médical)

Par cet arrêt, le Conseil d’Etat a considéré qu’un praticien hospitalier peut être placé en congé de longue durée contre son gré nonobstant son refus de se présenter devant un comité médical. La Haute juridiction administrative a estimé que le tribunal administratif ayant rejeté les conclusions du praticien hospitalier tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet prolongeant son congé de longue durée n’a pas commis d’erreur de droit en se fondant sur le refus du professionnel de santé de se prêter à l’examen de son cas, qui a été constaté par le procès-verbal de carence établi par le comité médical et qui n’était pas justifié par un motif légitime, pour juger que le préfet avait pu, compte tenu des éléments dont il disposait, légalement prolonger le congé de longue durée sans nouvel avis du comité médical.

Conseil d'État

N° 290965
Inédit au recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
M. Daël, président
M. Marc Lambron, rapporteur
HEMERY, avocat

lecture du mardi 15 juillet 2008

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 mars et 2 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Philippe A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 5 janvier 2006 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret du 1er juillet 2004 prolongeant son congé de longue durée pour la période du 30 décembre 2003 au 1er juillet 2004 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit aux conclusions de sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le décret n° 84-131 du 24 février 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Lambron, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Hemery, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Catherine de Salins, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 36 du décret du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers, alors en vigueur : « Un comité médical, placé auprès de chaque préfet, est chargé de donner un avis sur l'aptitude physique et mentale des praticiens régis par le présent statut à exercer leurs fonctions, ainsi que sur toute question d'ordre médical les intéressant pour l'application des dispositions du présent statut. Le comité médical est saisi soit par le préfet, soit par le directeur de l'établissement hospitalier, après avis du président de la commission médicale d'établissement. Le praticien dont le cas est soumis à un comité médical est tenu de se présenter devant lui et, si la demande lui en est faite, de lui communiquer les pièces médicales le concernant. Il peut demander que soient entendus un ou plusieurs médecins de son choix, qui ont accès au dossier constitué par le comité médical. Le comité médical comprend trois membres désignés, lors de l'examen de chaque dossier, par arrêté du préfet sur proposition du médecin inspecteur régional de la santé, parmi des membres du personnel enseignant et hospitalier titulaires et les praticiens hospitaliers régis par le présent décret. » ; qu'aux termes de l'article 39 du même décret : « Un praticien reconnu atteint de tuberculose, de maladie mentale, d'affection cancéreuse, de poliomyélite ou de déficit immunitaire grave et acquis par le comité médical et empêché d'exercer ses fonctions est de droit mis en congé de longue durée par une décision du préfet du département. Le congé de longue durée ne peut être accordé pour une durée inférieure à trois mois ou supérieure à six mois. Il peut être renouvelé à concurrence d'un total de cinq années. (...) Le praticien placé en congé de longue durée a droit au maintien de la totalité de ses émoluments pendant trois ans, et de la moitié pendant deux ans. » ;

Considérant que M. A, praticien hospitalier, demande l'annulation du jugement du 5 janvier 2006 du tribunal administratif d'Orléans en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret du 1er juillet 2004 prolongeant son congé de longue durée pour la période du 30 décembre 2003 au 1er juillet 2004 ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, en méconnaissance des dispositions de l'article 36 du décret du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers, le comité médical placé auprès du préfet du Loiret, a refusé au médecin choisi par M. A l'accès au dossier qu'il avait constitué, préalablement à l'avis qu'il a émis le 2 décembre 2002 ; qu'il en résulte que, comme l'a jugé le tribunal administratif, l'arrêté préfectoral du 24 décembre 2002 plaçant, au vu de cet avis, l'intéressé en congé de longue durée pour maladie mentale du 29 décembre 2002 au 29 juin 2003, ainsi que l'arrêté préfectoral du 16 juin 2003 prolongeant ce congé du 30 juin 2003 au 29 décembre 2003, sans nouvelle consultation du comité médical, ont été pris à l'issue d'une procédure irrégulière ; que l'irrégularité de l'avis du 2 décembre 2002 a été toutefois sans incidence sur la régularité de la procédure à l'issue de laquelle a été pris l'arrêté préfectoral du 1er juillet 2004 plaçant à nouveau M. A en congé de longue durée du 30 décembre 2003 au 1er juillet 2004 dès lors que, préalablement à ce nouvel arrêté, l'intéressé a été à nouveau convoqué devant le comité médical ; qu'il en résulte qu'en écartant le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du 2 décembre 2002 en tant qu'il était invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre l'arrêté du 1er juillet 2004, alors qu'il l'accueillait pour annuler les arrêtés des 24 décembre 2002 et 16 juin 2003, le tribunal administratif n'a entaché son jugement ni de contradiction de motifs ni d'erreur de droit ;

Considérant, en deuxième lieu, que, pour écarter le moyen tiré de ce que le défaut de nouvel avis du comité médical aurait vicié l'arrêté du 1er juillet 2004, le tribunal administratif s'est fondé sur ce que, convoqué à nouveau devant le comité médical pour le 21 juin 2004, M. A ne s'était pas présenté comme il était tenu de le faire en application des dispositions de l'article 36 du décret du 24 février 1984 et n'avait invoqué aucun motif légitime justifiant son absence ; que, si le requérant soutient que son refus de se présenter devant le comité médical aurait été motivé par la circonstance que celui-ci ne l'aurait pas suffisamment informé de son droit à ce qu'un médecin désigné par lui pouvait avoir accès au dossier, il n'a, en tout état de cause, pas invoqué ce motif devant les juges du fond et ne saurait dès lors l'invoquer utilement pour la première fois devant le juge de cassation ; que, dans ces conditions, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit en se fondant sur le refus du praticien hospitalier de se prêter à l'examen de son cas, qui a été constaté par le procès-verbal de carence établi par le comité médical le 21 juin 2004 et qui n'était pas justifié par un motif légitime, pour juger que le préfet avait pu, compte tenu des éléments dont il disposait, légalement prolonger le congé de longue durée sans nouvel avis du comité médical ;

Considérant enfin que, pour juger que l'état de santé de M. A était de nature à justifier sa mise en congé de longue durée, le tribunal administratif s'est fondé sur le rapport d'expertise du comité médical du 2 décembre 2002 ainsi que sur une expertise psychiatrique du 10 septembre 2003 effectuée dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 460 du code de la santé publique alors en vigueur ; qu'en considérant ainsi que l'irrégularité de la procédure devant le comité médical ne faisait pas obstacle à ce que l'expertise effectuée par ce dernier soit prise en compte parmi les autres éléments du dossier, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit ; que cette expertise ainsi que celle du 10 septembre 2003 concluant toutes deux à l'inaptitude de M. A, en raison d'une pathologie mentale, à exercer des fonctions hospitalières, le tribunal administratif n'a pas dénaturé les pièces du dossier en jugeant que l'état de l'intéressé était de nature à justifier sa mise en congé de longue durée sur le fondement de l'article 39 du décret du 24 février 1984 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 5 janvier 2006 du tribunal administratif d'Orléans en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret du 1er juillet 2004 ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. A est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe A et à la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.