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Conseil d'Etat, 16 décembre 2019, n° 423295 (Egalité de traitement, Equivalence de produits, Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé)

Deux sociétés demandent au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 26 juin 2018 par laquelle la ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l’action et des comptes publics ont rejeté la demande d’inscription en nom de marque du cotyle à double mobilité Avantage 3P Plasma TiHA sur la liste des dispositifs médicaux remboursables et d’enjoindre à la ministre des solidarités et de la santé et ministre de l’action et des comptes publics de procéder à l’inscription sollicitée.

Le Conseil d’Etat rappelle que le remboursement par l’assurance maladie des dispositifs médicaux à usage individuel et des prestations de services et d’adaptation associées est subordonné à leur inscription sur une liste établie après avis d’une commission de la Haute Autorité de santé.

De plus, les produits ou les prestations mentionnée à l’article L.165-1 sont inscrits sur la liste prévue audit article au vu de l’appréciation du service qui en est attendu. Le service attendu est évalué, dans chacune des indications du produit ou de la prestation et, le cas échéant, par groupe de population en fonction des deux critères suivants : l’intérêt du produit ou de la prestation au regard, d’une part, de son effet thérapeutique, diagnostique ou de compensation du handicap ainsi que des effets indésirables ou des risques liés à son utilisation, d’autre part, de sa place dans la stratégie thérapeutique, diagnostique ou de compensation du handicap compte tenu des autres thérapies ou moyens de diagnostic ou de compensation disponibles ; et son intérêt de santé publique attendu, dont notamment son impact sur la santé de la population, en terme de mortalité, de morbidité et de qualité de vie, sa capacité à répondre à un besoin thérapeutique, diagnostique ou de compensation du handicap non couvert, eu égard à la gravité de la pathologie ou du handicap, son impact sur le système de soins et son impact sur les politiques et programmes de santé publique.
Les produits ou prestations dont le service attendu est insuffisant pour justifier l’inscription au remboursement ne sont pas inscrits sur la liste.

En l’espèce, la commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé a estimé, par son avis du 15 mai 2018, que la société n’était pas fondée à se prévaloir d’une équivalence des cotyles Avantage 3P et Avantage Reload, dont le service attendu avait été jugé suffisant, dès lors que les cotyles Avantage 3P Plasma TiHA différaient des premiers par le revêtement utilisé et des seconds par le dessin. Relevant qu’aucune donnée clinique n’avait été produite à l’appui de la demande d’inscription, elle a considéré que les données disponibles ne permettaient pas d’établir l’intérêt des cotyles considérés et en a déduit que leur service attendu était insuffisant pour qu’ils soient inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables.

Le Conseil rappelle que « les Etats membres ne font pas obstacle, sur leur territoire, à la mise sur le marché et à la mise en service des dispositifs portant le marquage CE indiquant qu’ils ont été soumis à une évaluation de leur conformité ». De plus, « ces dispositions ne s’opposent pas à ce que les autorités nationales, dans l’exercice de leurs compétences et en application d’une législation directe, refusent d’inscrire un dispositif médical portant ce marquage sur la liste pour un motif tiré de ce que les études cliniques fournies à l’appui de la demande d’inscription alors même qu’elles ont permis d’obtenir le marquage CE, ne permettent pas de regarder le service attendu par ce dispositif comme suffisant pour permettre la prise en charge par le régime national de sécurité sociale ».
Les ministres n'ont pas laissé entendre que serait automatiquement inscrit sur la liste des produits et prestations remboursables tout dispositif médical dont le dossier comprendrait les données ayant permis l'obtention du marquage CE ; ils ont, au contraire, rappelé que les critères prévus par l'article R. 165-2 du code de la sécurité sociale devraient être satisfaits. Par ailleurs, si la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé a estimé que les données cliniques ayant permis l'obtention du marquage CE, fournies par la société à l'appui de sa demande d'inscription du cotyle Avantage 3P Plasma TiHA sur la liste des produits et prestations remboursables, ne permettaient pas d'établir l'équivalence revendiquée, il n'en résulte pas qu'elle aurait exigé des fabricants des données autres que celles qu'ils devaient fournir en application des dispositions du code de la sécurité sociale mentionnées au point 1, précisées par l'avis publié le 14 avril 2017.

Il résulte de l'article L. 161-37 du code de la sécurité sociale que le rapport annuel d'activité que devait remettre au Parlement la Haute Autorité de santé, mentionne notamment les modalités et principes selon lesquels sont mis en œuvre " les critères d'évaluation des produits de santé en vue de leur prise en charge par l'assurance maladie ".Ainsi que le précise le rapport d'activité de la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé pour 2015, conformément à ces dispositions, une étude clinique spécifique du dispositif médical à évaluer est attendue si l'équivalence avec un autre dispositif médical n'est pas démontrée.
Les lignes directrices adoptées par la Commission européenne MEDDEV 2.7.1 prévoient, dès leur version de décembre 2009, que l'équivalence entre deux dispositifs signifie, notamment, sur le plan technique, un dessin similaire et, sur le plan biologique, l'utilisation des mêmes matériaux en contact avec les mêmes tissus ou fluides du corps humain. Dans leur version issue de leur quatrième révision, publiée en juin 2016, ces lignes directrices précisent en outre que les caractéristiques cliniques, techniques et biologiques de l'équivalence doivent être réunies à l'égard d'un même dispositif pour que l'équivalence soit démontrée.

Ainsi la requête des sociétés est rejetée.