REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 mai et 4 septembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour les HOSPICES CIVILS DE LYON, dont le siège est 3, quai des Célestins à Lyon (69002) ; les HOSPICES CIVILS DE LYON demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 5 mars 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, après les avoir déclarés responsables des conséquences dommageables de l'accouchement des enfants jumeaux de Mme X intervenu le 28 février 1988, a réformé le jugement du 3 décembre 1996 du tribunal administratif de Lyon et les a condamnés à verser une somme totale de 842 896,83 F à M. et Mme X sous déduction de la provision de 200 000 F qui leur avait été accordée par le jugement du 9 avril 1996 du tribunal administratif de Lyon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Sanson, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Le Prado, avocat des HOSPICES CIVILS DE LYON, de la SCP Boré, Xavier, avocat de Mme X et de la SCP Rouvière, Boutet, avocat de la caisse primaired'assurance maladie de la Drôme,
- les conclusions de M. Salat-Baroux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme X, enceinte de jumeaux depuis vingt-trois semaines, a été hospitalisée brièvement à Valence, puis à Romans, avant d'être transférée d'urgence à Lyon en raison des risques encourus en cas d'accouchement prématuré ; que n'ayant pu être admise dans le service de néonatalogie de l'hôpital Edouard Herriot de Lyon, elle a été orientée vers l'hôpital de la Croix-Rousse faisant partie, comme le précédent, des HOSPICES CIVILS DE LYON ;
Considérant que c'est par une appréciation souveraine, qui n'est entachée d'aucune dénaturation des pièces du dossier, que la cour a estimé que Mme X n'avait pu être admise, faute de place, à l'hôpital Edouard Herriot de Lyon et que les dommages survenus aux deux enfants de Mme X, dans les minutes qui ont suivi leur naissance à l'hôpital de la Croix-Rousse à Lyon, auraient été évités par une prise en charge immédiate des nouveaux-nés par des spécialistes en néonatalogie ; qu'en statuant ainsi, la cour a répondu au moyen tiré de ce que le préjudice n'était pas entièrement imputable aux HOSPICES CIVILS DE LYON ;
Considérant que la cour n'a pas entaché sa décision d'une contradiction de motifs en estimant que les dommages auraient été évités par une prise en charge des nouveaux-nés par des spécialistes en néonatalogie et en relevant que l'hôpital de la Croix-Rousse, qui n'avait pas de service de néonatalogie, ne disposait pas non plus de spécialistes en réanimation néonatale ;
Considérant qu'en estimant que les conditions de prise en charge, par le service hospitalier, de Mme X, sur le point d'accoucher en urgence à Lyon, devaient être appréciées au niveau de l'ensemble de l'établissement des HOSPICES CIVILS DE LYON et non au niveau de chacun des hôpitaux le composant, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'eu égard à la gravité du risque qu'impliquait un accouchement prématuré de jumeaux de vingt-trois semaines, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits soumis à son examen en estimant que les HOSPICES CIVILS DE LYON, en n'admettant pas, le cas échéant en surnombre, Mme X à l'hôpital Edouard Herriot ou, à défaut, en n'affectant pas à l'accouchement dans un autre hôpital des spécialistes en réanimation néonatale, ont commis une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service de nature à engager leur responsabilité, alors même que l'hôpital de la Croix-Rousse aurait utilisé au mieux les moyens humains et matériels dont il disposait ;
Considérant que la cour, qui n'a pas estimé que les époux X auraient subi une perte de chances, n'a commis aucune erreur de droit en réparant intégralement le préjudice qui leur a été causé ;
Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner les HOSPICES CIVILS DE LYON à verser à M. et Mme X la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête des HOSPICES CIVILS DE LYON est rejetée.
Article 2 : Les HOSPICES CIVILS DE LYON verseront à M. et Mme X une somme de 10 000 F en application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée aux HOSPICES CIVILS DE LYON, à M. et Mme X et au secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.