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Conseil d'État, 19 mai 2004, Jean-Louis T. (refus de renouvellement dans les fonctions de chef de service)


Le non-renouvellement des fonctions de chef de service n'entraîne aucune perte de revenu.

Le refus de renouveler des fonctions de chef de service n'a ni pour objet, ni pour effet, de priver l'intéressé de l'emploi de professeur des universités-praticien hospitalier.

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu 1°), enregistrée sous le n° 241274, le 21 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ordonnance du président du tribunal administratif de Limoges qui, sur le fondement des articles R. 311-1 et R. 351-2 du code de justice administrative, transmet au Conseil d'Etat la demande présentée pour M. Jean-Louis X, demeurant ... ;

Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Limoges le 30 novembre 2002, présentée pour M. Jean-Louis X ; M. X demande au juge administratif :
1°) de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Limoges à lui verser la somme de 600 000 F en réparation du préjudice que lui a causé son éviction illégale de ses fonctions de chef de service ;
2°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire la somme de 12 000 F en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), enregistrée sous le n° 241772, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ordonnance du président du tribunal administratif de Limoges du 24 décembre 2001 qui, sur le fondement des articles R. 311-1 et R. 351-2 du code de justice administrative, transmet au Conseil d'Etat la demande présentée par M. Jean-Louis X ;

Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Limoges le 20 décembre 2001, présentée par M. Jean-Louis X ; M. X demande au juge administratif :
1°) de condamner l'Etat à verser à M. X la somme de 3 200 000 F en réparation des préjudices qui lui ont été causés par l'éviction illégale de ses fonctions de chef de service au centre hospitalier universitaire de Limoges ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 12 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dumortier, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. X et de Me Le Prado, avocat du centre hospitalier universitaire de Limoges,
- les conclusions de M. Keller, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées de M. X concernent la situation d'un même fonctionnaire ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;

Considérant que, par une décision n° 196380 du 1er mars 2000, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé, au motif qu'elle ne reposait pas sur un motif clairement établi, la décision, en date du 21 juillet 1997, du directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation du Limousin ayant refusé à M. X, professeur des universités-praticien hospitalier, le renouvellement de ses fonctions de chef d'un des deux services de gynécologie-obstétrique du centre hospitalier universitaire de Limoges ; que, par un jugement du 5 octobre 2000, devenu définitif, le tribunal administratif de Limoges, se fondant sur la décision du Conseil d'Etat du 1er mars 2000, a annulé la note de service du 30 janvier 1998 du directeur du centre hospitalier universitaire de Limoges ayant placé M. Baudet à la tête du service de gynécologie-obstétrique résultant de la fusion des deux services préexistants ;

Sur les conclusions de la requête n° 241274 :

Considérant qu'à l'appui de ses conclusions indemnitaires dirigées contre le centre hospitalier universitaire de Limoges, M. X se prévaut de l'illégalité de la décision du 21 juillet 1997 ayant refusé le renouvellement de ses fonctions de chef de service ; que cette décision, conformément aux dispositions combinées des articles L. 710-18, L. 710-21 et L. 714-21 du code de la santé publique alors en vigueur, a été prise par le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation au nom de l'Etat ; qu'ainsi l'illégalité invoquée ne peut qu'être écartée ;

Considérant que, si M. X invoque également l'illégalité de la note de service du directeur du centre hospitalier universitaire de Limoges en date du 30 janvier 1998, cette illégalité, d'une part, a résulté, par voie de conséquence, de l'illégalité de la décision du 21 juillet 1997, d'autre part, est sans lien direct de causalité avec le préjudice invoqué ; qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. X tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire doivent être regardées comme mal dirigées ; que, par suite, elles ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions de la requête n° 241772 :

Considérant que, sous le n° 241772, M. X demande la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice qui aurait résulté pour lui de l'illégalité du refus de renouvellement de ses fonctions de chef de service ;

Sur le préjudice matériel :

Considérant, en premier lieu, que, les fonctions de chef de service ne donnant lieu à aucune rémunération spécifique, M. X ne peut se prévaloir d'aucune perte de revenu à ce titre, à la suite du non-renouvellement de ses fonctions de chef de service ;

Considérant, en second lieu, que, si le requérant se prévaut également des préjudices matériels qui auraient résulté de son détachement, intervenu à sa demande, à compter du 1er janvier 1999, sur un poste de praticien hospitalier au centre hospitalier territorial de Nouméa, ce détachement ne saurait être regardé comme étant en relation de causalité directe avec la décision de refus de renouveler ses fonctions de chef de service au centre hospitalier universitaire de Limoges ; qu'en effet, cette décision n'avait, ni pour objet, ni pour effet, de priver l'intéressé de l'emploi de professeur des universités-praticien hospitalier qu'il occupait au centre hospitalier universitaire de Limoges ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. X tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice matériel qu'il aurait subi, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur le préjudice moral :

Considérant que la décision du Conseil d'Etat mentionnée ci-dessus en date du 1er mars 2000 ayant annulé le refus de renouvellement des fonctions de chef de service de l'intéressé, n'impliquait, eu égard à son motif, aucun droit pour M. X audit renouvellement ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral ayant résulté de l'illégalité de ladite décision de refus, en le fixant à la somme de 8 000 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Limoges, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. X la somme que le centre hospitalier universitaire de Limoges demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

Décide :
Article 1er : Les conclusions de la requête n° 241274 de M. X sont rejetées.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X la somme de 8 000 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire de Limoges tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Louis X, au centre hospitalier universitaire de Limoges, au directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation du Limousin et au ministre de la santé et de la protection sociale.