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Conseil d'État,  24 juillet 2009, n° 306578 (Responsabilité hospitalière – Service public hospitalier – Faute médicale – Remboursement – Recours)

En l’espèce, un centre hospitalier saisit le Conseil d’Etat d’une demande d’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel qui a rejeté une requête tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif le condamnant à payer à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) une somme de 132 203,03 euros en réparation des conséquences dommageables de la prise en charge d’une patiente à l’occasion de la naissance de sa fille. En effet, le 13 janvier 1999, cette patiente a donné naissance à une fille en état de mort apparente au sein de ce centre hospitalier. Malgré les soins qui ont été prodigués à l’enfant, celle-ci garde des séquelles neurologiques. S’estimant victimes d’une faute et tenant pour responsable le centre hospitalier, les parents de cet enfant saisissent le tribunal administratif en vue de rechercher sa responsabilité et de le faire condamner. La  CPAM a également présenté au tribunal administratif des conclusions tendant à faire condamner le centre hospitalier à lui verser une somme de 132 203,03 en remboursement des prestations fournies à ses assurés. Le Conseil d’Etat a relevé que si la grossesse de la patiente présentait des anomalies qui augmentaient le risque d’accident lors de l’accouchement, des erreurs d’interprétation des examens médicaux ont cependant entraîné un retard dans le déclenchement de la césarienne et que ce retard était la cause des dommages subis par la fille de cette patiente. Le pourvoi du centre hospitalier est par conséquent rejeté .

Conseil d'État
5ème et 4ème sous-sections réunies

N° 306578

Inédit au recueil Lebon

M. Vigouroux, président
M. Jean de L'Hermite, rapporteur
SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON ; LE PRADO ; FOUSSARD, avocat

Lecture du vendredi 24 juillet 2009

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juin et 17 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DE RIOM, dont le siège est boulevard Etienne Clémentel, B.P. 167 à Riom Cedex (63204) ; le CENTRE HOSPITALIER DE RIOM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 17 avril 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 21 octobre 2003 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand le condamnant à verser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme la somme de 132.203,03 euros en réparation des conséquences dommageables de la prise en charge obstétricale de Mme A à l'occasion de la naissance de sa fille Julie le 13 janvier 1999 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit aux conclusions de sa requête devant la cour administrative d'appel de Lyon ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean de L'Hermite, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Le Prado, Didier, avocat du CENTRE HOSPITALIER DE RIOM, de Me Foussard, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme et de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Catherine de Salins, Rapporteur public,

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Le Prado, Didier, avocat du CENTRE HOSPITALIER DE RIOM, à Me Foussard, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme et à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. A ;

Considérant qu'il résulte des pièces soumises au juge du fond que Mme A a donné naissance au CENTRE HOSPITALIER DE RIOM, le 13 janvier 1999, à une fille en état de mort apparente ; que malgré les soins prodigués à l'enfant, celle-ci souffre de lourdes séquelles neurologiques ; que M. et Mme A, imputant ce préjudice à une faute du centre hospitalier, ont recherché sa responsabilité, au nom de leur fille et en leur nom propre, devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme a présenté devant le tribunal des conclusions tendant, en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER DE RIOM à lui rembourser le montant des prestations fournies à M. et Mme A ; que par un jugement du 21 octobre 2003, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté comme irrecevable la demande indemnitaire des époux A et condamné le centre hospitalier à verser à la caisse primaire d'assurance maladie la somme de 132.203,03 euros ; que le CENTRE HOSPITALIER DE RIOM se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 avril 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel contre ce jugement ;

Considérant que, sous l'empire des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2006, comme sous l'empire des dispositions du même article dans sa rédaction antérieure, les organismes de sécurité sociale ayant versé des prestations à la victime d'un accident peuvent exercer un recours subrogatoire à l'encontre du tiers responsable alors même que la victime s'est pour sa part abstenue d'introduire un recours indemnitaire ; que, dès lors, la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la circonstance que la demande d'indemnité présentée par M. et Mme A au nom de leur fille avait été rejetée comme irrecevable par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, faute de comporter des conclusions chiffrées, était sans incidence sur la recevabilité des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme tendant au remboursement par le CENTRE HOSPITALIER DE RIOM des dépenses qu'elle avait exposées ; que la circonstance que la cour a, à tort, cité l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à la loi du 21 décembre 2006, alors que les dispositions issues de cette loi étaient entrées en vigueur à la date à laquelle elle se prononçait, n'a pas eu d'incidence sur la solution du litige et ne justifie pas la cassation de l'arrêt ;

Considérant qu'en relevant qu'il résultait de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, que, si la grossesse de Mme A présentait des anomalies qui augmentaient le risque d'accident lors de l'accouchement, les erreurs d'interprétation des examens médicaux commises par le service chargé du suivi de la grossesse de l'intéressée avaient toutefois été à l'origine du retard pris à procéder à une césarienne et que ce retard était la cause des dommages subis par la fille de M. et Mme A à sa naissance, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt, a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation ; qu'en jugeant que l'ensemble de ces comportements constituait une faute et que le lien de causalité entre cette faute et le dommage survenu présentait un caractère direct, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER DE RIOM n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE RIOM les sommes que demandent la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme et les époux A au titre des frais exposés par eux devant le Conseil d'Etat ;

D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du CENTRE HOSPITALIER DE RIOM est rejeté.

Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER DE RIOM versera à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme la somme de 3 500 euros et aux époux A la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER DE RIOM, à M. et Mme Eric A, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme.

Copie pour information en sera adressée à la ministre de la santé et des sports.