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Conseil d'État, 24 juillet 2009, n°325638 (Agent – Cadres – Radiation – Arrêté du directeur – Mise en demeure)

En l’espèce, par une décision du 31 décembre 2008, un agent des services hospitaliers a été radié des cadres par la direction d’un centre hospitalier. Elle saisit le juge des référés du tribunal administratif afin de demander la suspension de l’exécution de cette décision. Le juge des référés du tribunal administratif rejette sa demande pour défaut d’urgence. En outre, le Conseil d’Etat indique qu’un agent public faisant l’objet d’une mesure d’éviction qui le prive de sa rémunération n’est pas tenu de fournir des précisions sur les ressources et les charges de son foyer. Il estime que la décision de radiation de cet agent est entachée d’illégalité, dans la mesure où elle n’aurait pas été précédée d’une mise en demeure lui indiquant qu’à défaut de reprendre son service, elle s’exposait à une radiation des cadres sans pouvoir bénéficier des garanties de la procédure disciplinaire.

Conseil d'Etat

LE CONSEIL D'ETAT
SECTION DU CONTENTIEUX.
1ère et 6ème sous-sections réunies, Sur le rapport de la 1ère sous-section

325638

24 juillet 2009

Inédit au Recueil LEBON

Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 février et 13 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme X, demeurant (...) ; Mme X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 11 février 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 31 décembre 2008 du directeur du centre hospitalier de Compiègne prononçant sa radiation des cadres ;

2°) statuant en référé, de suspendre l'exécution de cette décision ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Compiègne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant que, par une décision du 31 décembre 2008, le directeur du centre hospitalier de Compiègne a prononcé la radiation des cadres de Mme X, agent des services hospitaliers ; que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a rejeté, pour défaut d'urgence, la demande de suspension de l'exécution de cette décision présentée par Mme X ; qu'en se fondant, pour apprécier si la décision litigieuse préjudiciait de manière suffisamment grave et immédiate à la situation de la requérante, sur ce que, compte tenu du travail de son mari, elle ne fournissait pas de précisions sur les ressources et les charges de son foyer, alors qu'un agent public ayant fait l'objet d'une mesure d'éviction qui le prive de sa rémunération n'est pas tenu de fournir de telles précisions à l'appui de sa demande de suspension de l'exécution de cette mesure, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a commis une erreur de droit ; que Mme X est, dès lors, fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant, en premier lieu, que Mme X doit être regardée, eu égard à la nature et aux effets de la mesure de radiation des cadres dont elle a fait l'objet, comme justifiant d'une atteinte suffisamment grave et immédiate à sa situation ;

Considérant, en second lieu, que le moyen tiré de ce que la décision du 31 décembre 2008 n'a pas été précédée d'une mise en demeure indiquant que, à défaut de reprendre son service, Mme X s'exposait à une radiation des cadres sans pouvoir bénéficier des garanties de la procédure disciplinaire, est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de cette décision ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à demander la suspension de l'exécution de la décision du 31 décembre 2008 du directeur du centre hospitalier de Compiègne ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du centre hospitalier de Compiègne le versement à Mme X de la somme de 3 000 euros ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme X qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Compiègne et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 11 février 2009 du juge des référés du tribunal administratif d'Amiens est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision du 31 décembre 2008 du directeur du centre hospitalier de Compiègne est suspendue.

Article 3 : Le centre hospitalier de Compiègne versera à Mme X une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier de Compiègne tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme X et au centre hospitalier de Compiègne.

Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes, - les observations de Me Blanc, avocat de Mme Xet de Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Compiègne, - les conclusions de Mlle Anne Courrèges, rapporteur public ; La parole ayant été à nouveau donnée à Me Blanc, avocat de Mme X et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Compiègne ; Le Président : M. Serge Daël.