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Conseil d'Etat, 25 octobre 2002, CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS

L’autorité administrative peut décider en application de l’article L.76 du code des débits de boissons et de lutte contre l’alcoolisme de requérir un médecin aux fins d’examiner une personne en état d’ébriété. L’intervention du praticien se rattache à la mission de préservation de l’ordre public en vue de laquelle l'examen a été prescrit. Le règlement des honoraires du médecin incombe pour ce faire à l’administration.

Article L. 76 du code des débits de boissons et de lutte contre l’alcoolisme

Toute personne trouvée en état d'ivresse dans les rues, chemins, places, cafés, cabarets ou autres lieux publics, devra être, par mesure de police, conduite à ses frais au poste le plus voisin ou dans une chambre de sûreté, pour y être retenue jusqu'à ce qu'elle ait recouvré sa raison.

Le Conseil national de l’ordre des médecins a formé un recours pour excès de pouvoir recours pour excès de pouvoir se définit comme le recours par lequel il est demandé au juge l’annulation d’une décision administrative en raison de l’illégalité dont elle serait entachée. contre la note du 30 mars 1998 du garde des sceaux relative à la gestion des frais de justice.

En effet, ladite note prévoyait que le paiement des honoraires et indemnités de déplacement des médecins requis par les autorités de police aux fins de procéder aux examens des personnes trouvées en état d’ivresse sur la voie publique et placées en chambre de dégrisement, est à la charge de celles-ci (l’article L.76 du code des débits de boissons et de la lutte contre l’alcoolisme).

Problème juridique :

Le problème posé en l’espèce est relatif au paiement des honoraires et indemnités de déplacement aux médecins dans le cadre d’une réquisition par les autorités de police, en vue de l’examen médical d’une personne suspecte d’état alcoolique.

Solution :

Le Conseil d’Etat dans son arrêt du 25 octobre 2002 a annulé pour excès de pouvoir la note du garde des sceaux au motif que le paiement des médecins requis doit incomber à l’administration.

En effet, les dépenses occasionnées correspondent à une mission “ régalienne ” de l’Etat : le maintien de l’ordre public dans sa composante sécurité.

ARRET

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête enregistrée le 11 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS, représenté par son président en exercice, dont le siège est 180, boulevard Haussmann à Paris (75008) ; le CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS demande que le Conseil d'Etat :

1°) annule pour excès de pouvoir la note SJ.98-049-B3 en date du 30 mars 1998 du garde des sceaux, ministre de la justice, relative à la gestion des frais de justice, en tant qu'elle précise que sont à la charge des seules personnes visées à l'article L. 76 du code des débits de boissons les honoraires et indemnités de déplacement des médecins requis par les autorités de police aux fins de procéder à leur examen ;

2°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 10 000F au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des débits de boissons et de lutte contre l'alcoolisme ;
Vu l'ordonnance n° 59-63 du 6 janvier 1959 ;
Vu le décret n° 62-367 du 26 mars 1962 ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Vialettes, Auditeur,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les conclusions à fins d'annulation pour excès de pouvoir du recours formé par le CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS contre la note du 20 mars 1998 du garde des sceaux, ministre de la justice, relative aux frais de justice et adressée aux présidents des cours d'appel et aux procureurs généraux près lesdites cours, sont dirigées contre la réponse à la question Q 37 figurant au tableau annexé à la note et prévoyant que les honoraires et indemnités de déplacement des médecins requis pour examiner les personnes appréhendées en état d'ivresse sur la voie publique et placées en chambre de dégrisement en application de l'article L. 76 du code des débits de boissons et de lutte contre l'alcoolisme, sont à la charge de celles-ci ;

Considérant que si la note litigieuse a été publiée au bulletin officiel du ministère n° 69 concernant la période du 1er janvier au 31 mars 1998, cette publication n'est pas de nature à faire courir le délai de recours contentieux à l'égard du Conseil national de l'Ordre des médecins qui n'en est pas destinataire ; que, dès lors, la requête de ce dernier n'est pas tardive ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 dudit code : "une personne trouvée en état d'ivresse dans les rues, chemins, places, cafés, cabarets ou autres lieux publics, est, par mesure de sûreté, conduite à ses frais au poste le plus voisin ou dans une chambre de sûreté, pour y être retenue jusqu'à ce qu'elle y ait recouvré raison" ; que lorsque l'autorité administrative décide, à l'occasion de l'application de ces dispositions, de requérir un médecin aux fins d'examiner l'intéressé, l'intervention du praticien se rattache à la mission de préservation de l'ordre public en vue de laquelle elles ont été prises ; que, par suite, le règlement des honoraires du médecin ainsi appelé incombe à l'administration ; que le CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS est recevable et fondé à demander l'annulation de la note du garde des sceaux, ministre de la justice, en tant qu'elle méconnaît cette règle ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer au CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS la somme de 1524 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :
Article 1er : La réponse à la question Q 37 figurant au tableau annexé à la note SJ.98-049-B3 en date du 30 mars 1998 du garde des sceaux, ministre de la justice relative à la gestion des frais de justice est annulée.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser au CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS la somme de 1524 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS et au garde des sceaux, ministre de la justice.