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Conseil d’Etat, 26 juillet 2011, n° 337065 (Etablissement de santé – Forfait journalier)

En l’espèce, plusieurs associations de personnes malades ont déposé un recours à l’encontre de l’arrêté du 23 décembre 2009 lequel a fixé le montant du forfait journalier hospitalier à 18 euros. La Haute juridiction administrative estime que ce montant n’a pas lieu d’être remis en cause. Concernant les personnes les plus vulnérables ou défavorisées, ce montant est pris en charge par la couverture maladie universelle complémentaire et le reste à charge des malades n’est pas excessif au regard de l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946.

Conseil d'État

N° 337065

Mentionné dans les tables du recueil Lebon
1ère et 6ème sous-sections réunies
M. Christian Vigouroux, président
M. Franck Le Morvan, rapporteur
Mme Claire Landais, rapporteur public

Lecture du mardi 26 juillet 2011
 

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

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Vu, 1°) sous le n° 337065, la requête, enregistrée le 26 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION FNATH ASSOCIATION DES ACCIDENTES DE LA VIE, représentée par son président, dont le siège est 42, rue des Alliés à Saint-Etienne, l'ASSOCIATION LE COLLECTIF INTER ASSOCIATIF SUR LA SANTE, dont le siège est 10, villa Bosquet à Paris (75007), représentée par son président et l'UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES, dont le siège est 28, place Saint-Georges à Paris (75009), représentée par son président ; l'ASSOCIATION FNATH ASSOCIATION DES ACCIDENTES DE LA VIE et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2009 du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, de la ministre de la santé et des sports et du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche fixant les montants du forfait journalier hospitalier prévu à l'article L. 174-4 du code de la sécurité sociale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2°) sous le n° 337066, la requête, enregistrée le 26 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par l'ASSOCIATION D'ENTRAIDE DES POLIOS ET DES HANDICAPES, dont le siège est à l'hôpital Raymond Poincaré à Garches (92380), représentée par son président ; l'ASSOCIATION D'ENTRAIDE DES POLIOS ET DES HANDICAPES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le même arrêté du 23 décembre 2009 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu, 3°) sous le n° 337067, la requête, enregistrée le 26 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION AIDES, dont le siège est 14, rue Scandicci à Pantin (93508), représentée par son président ; l'ASSOCIATION AIDES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le même arrêté du 23 décembre 2009 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Franck Le Morvan, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;

Considérant que les requêtes présentées par l'ASSOCIATION FNATH ASSOCIATION DES ACCIDENTES DE LA VIE et autres, l'ASSOCIATION D'ENTRAIDE DES POLIOS ET DES HANDICAPES et l'ASSOCIATION AIDES tendent à l'annulation pour excès de pouvoir du même arrêté ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 174-4 du code de la sécurité sociale : Un forfait journalier est supporté par les personnes admises dans des établissements hospitaliers ou médico-sociaux, à l'exclusion des établissements mentionnés à l'article L. 174-6 du présent code et au 6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles. Ce forfait n'est pas pris en charge par les régimes obligatoires de protection sociale, sauf dans le cas des enfants et adolescents handicapés hébergés dans des établissements d'éducation spéciale ou professionnelle, des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, des bénéficiaires de l'assurance maternité et des bénéficiaires de l'article L. 115 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, ainsi que des donneurs d'éléments et produits du corps humain mentionnés à l'article L. 1211-2 du code de la santé publique. / Le forfait journalier peut être modulé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, en fonction de l'un ou de plusieurs des critères suivants : catégorie de l'établissement, nature du service, durée du séjour. Ses différents montants sont fixés par arrêté ; qu'aux termes de l'article R. 174-5 du même code : Le forfait journalier institué à l'article L. 174-4 est déterminé compte tenu du coût journalier moyen d'hébergement. Son montant qui ne peut excéder la moitié de ce coût est fixé par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé, de l'agriculture, de l'économie, des finances et du budget ; qu'aux termes de l'article R. 174-5-1, Le montant du forfait journalier applicable en cas d'hospitalisation dans un service de psychiatrie d'un établissement de santé ne peut excéder 75 % du montant du forfait fixé en application de l'article R. 174-5 ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : La Nation (...) garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ; que le respect des exigences découlant de ces dispositions par une mesure qui accroît le montant laissé à la charge des assurés sociaux à raison de leurs dépenses de santé doit être apprécié, s'agissant notamment de l'incidence de cette mesure sur la situation des personnes les plus vulnérables ou défavorisées, en tenant compte, d'une part, de l'ensemble des autres dispositions en vertu desquelles des frais de soins sont déjà susceptibles d'être laissés à la charge des assurés sociaux et, d'autre part, du coût et des effets, sur ces restes à charge, de la souscription d'un contrat d'assurance complémentaire de santé ;

Considérant que le forfait journalier, dont le montant prévu à l'article R. 174-5 est porté à 18 euros par l'article 1er de l'arrêté attaqué, et dont le montant prévu à l'article R. 174-5-1 est porté à 13,5 euros par l'article 2 du même arrêté, est pris en charge, pour les personnes aux revenus les plus faibles, dans le cadre de la couverture complémentaire prévue par l'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, s'agissant des personnes dont les revenus dépassent le plafond prévu par l'article L. 861-1 du même code pour bénéficier de cette couverture complémentaire, les restes à charge globaux sur les frais d'hospitalisation et de soins ambulatoires auxquels peuvent conduire les montants fixés par l'arrêté litigieux excéderaient, compte tenu notamment des remboursements susceptibles d'être obtenus d'une assurance complémentaire et du coût prévisible de cette assurance, la part de leurs revenus au-delà de laquelle seraient méconnues les exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;

Considérant, en deuxième lieu, que les requérants ne sauraient sérieusement soutenir que la suppression à l'article L. 6111-2 du code de la santé publique, par la loi du 21 juillet 2009, de l'énumération des différentes catégories de soins dispensés par les établissements de santé, au nombre desquels les soins psychiatriques, ferait désormais obstacle à ce qu'il soit fait référence aux services de psychiatrie des établissements de santé ; que cette suppression est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué qui, en tant qu'il prévoit un tarif distinct en cas d'hospitalisation au sein d'un service de psychiatrie, a été pris sur le seul fondement des articles L. 174-4 et R. 174-5-1 du code de la sécurité sociale ;

Considérant, en troisième lieu, que les requérants soutiennent que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et porterait atteinte au principe d'égalité devant la loi et les charges publiques faute d'avoir prévu une modulation du montant de forfait journalier selon la durée du séjour et le territoire de santé ; que, toutefois, l'article L. 174-4 du code de la sécurité sociale cité ci-dessus ne prévoit aucune modulation du forfait journalier en fonction du territoire ; que s'il habilite le pouvoir réglementaire à prévoir une modulation en fonction, notamment, de la durée du séjour, les dispositions des articles R. 174-5-1 et R. 174-5-2 du code de la sécurité sociale prises pour son application n'ont retenu aucune modulation de cette nature ; que, dans ces conditions, il n'appartenait pas aux ministres auteurs de l'arrêté litigieux de prévoir les modulations invoquées par les requérants ; que ces moyens doivent, dès lors, être écartés ;

Considérant, en quatrième et dernier lieu, que les requérants soutiennent que l'augmentation litigieuse fixe le forfait journalier à un niveau supérieur à la moitié du coût journalier moyen d'hébergement, en violation des dispositions de l'article R. 174-5 du code de la sécurité sociale ; que cette allégation, qui ne repose que sur l'affirmation, non établie, selon laquelle le forfait journalier aurait été égal à ce montant maximum avant l'intervention de l'arrêté attaqué, ne ressort pas des pièces du dossier ; qu'ainsi, ce moyen doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par les requérantes doivent être rejetées, y compris celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes présentées par l'ASSOCIATION FNATH ASSOCIATION DES ACCIDENTES DE LA VIE, l'ASSOCIATION LE COLLECTIF INTER ASSOCIATIF SUR LA SANTE, l'UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES, l'ASSOCIATION D'ENTRAIDE DES POLIOS ET DES HANDICAPES, et l'ASSOCIATION AIDES sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION FNATH ASSOCIATION DES ACCIDENTES DE LA VIE, à l'ASSOCIATION LE COLLECTIF INTER ASSOCIATIF SUR LA SANTE, à l'UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES, à l'ASSOCIATION D'ENTRAIDE DES POLIOS ET DES HANDICAPES, à l'ASSOCIATION AIDES, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé, à la ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.