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Conseil d'État, 28 avril 2003(annulation partielle du code des marchés publics)

Suite à une requête du syndicat X, le Conseil d’Etat a annulé plusieurs articles du code des marchés publics au motif de leur non-conformité à l’égard du droit communautaire.

Il en est ainsi des articles 39 et 40 du code des marchés publics relatifs aux avis d’appel public à la concurrence.
Aux termes de la directive 93/36/CEE du 14 juin 1993, ces avis doivent être établis conformément à un modèle et préciser les renseignements qui y sont demandés. La Haute juridiction a considéré que “ les articles 39 et 40 du code des marchés publics, (…), ne comportent ni disposition fixant des modèles d’avis ni renvoi à des arrêtés ministériels pour la fixation de tels modèles ; (…) ”.

L’alinéa 4 de l’article 58 et l’alinéa 8 de l’article 63 du code des marchés publics, relatifs à la réduction du délai de réception des offres pour les appels d’offres ouverts et restreins, ont également été annulés par le Conseil d’Etat.

La directive 93/36/CEE, dans ses articles 10 et 11, fixe un délai minimum de réception des offres et subordonne la réduction de ce délai à la double condition que l’avis de pré-information ait été envoyé pour publication dans des délais particuliers et qu’il contienne en outre au moins autant de renseignements que ceux énumérés dans les modèles d’avis d’appel public à concurrence. Or, le Conseil d’Etat relève que “ ils (l’alinéa 4 de l’article 58 et l’alinéa 8 de l’article 63 du code des marchés publics) se bornent à subordonner cette réduction à la première de ces deux conditions, sans imposer que l’avis de pré-information contienne autant de renseignements que les modèles d’avis d’appel public à la concurrence ; (…) ”.

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 août 2001 et 27 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT X , dont le siège est (...) ; le SYNDICAT X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 12 juillet 2001 par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à l'annulation du décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 portant code des marchés publics et à l'abrogation du décret n° 92-1310 du 15 décembre 1992 portant simplification du code des marchés publics, ensemble le décret du 7 mars 2001 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu la directive n° 93/36/CEE du conseil des communautés européennes du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures modifiée par la directive n° 97/52/CEE ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Chantepy, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat du SYNDICAT X ,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les dispositions du décret attaqué correspondent, soit au projet de décret soumis par le gouvernement au Conseil d'Etat, soit au texte résultant de l'avis émis par le Conseil d'Etat ; qu'ainsi, les dispositions en cause ne sont pas entachées d'incompétence ;

Considérant que si l'article L. 4231-1 du code de la santé publique dispose : L'ordre national des pharmaciens a pour objet : 1° D'assurer le respect des devoirs professionnels ; 2° D'assurer la défense de l'honneur et de l'indépendance de la profession, ces dispositions n'imposaient pas que cet ordre fût consulté sur le projet de décret portant code des marchés publics ;

Considérant que le code des marchés publics comporte des dispositions permettant de faire face à des besoins urgents de la personne publique concernée ; qu'il en est ainsi du recours à la procédure négociée sans publicité préalable, mais avec mise en concurrence, en vertu du 1° du II de l'article 35, pour les marchés pour lesquels l'urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles pour la personne responsable du marché n'est pas compatible avec les délais exigés par les procédures d'appel d'offres ou de marchés négociés précédés d'un avis d'appel public à la concurrence ; qu'en outre, en vertu de l'article 28, les marchés publics peuvent être passés sans formalités préalables lorsque le seuil de 90 000 euros hors taxe n'est pas dépassé ; que, par ailleurs, le 4° du III de l'article 35 autorise le recours à la procédure négociée sans publicité préalable et sans mise en concurrence lorsque le marché ne peut être confié qu'à un prestataire déterminé pour des raisons techniques...ou tenant à la protection de droits d'exclusivité ; que par suite le moyen tiré de ce que le code des marchés publics porterait atteinte aux garanties de protection de la santé publique découlant du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel renvoie le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, dès lors qu'il ne prévoirait aucune procédure permettant de procéder à l'acquisition par les établissements publics de santé de médicaments ou de produits assimilés, en cas d'urgence ou d'innovation thérapeutique, doit être écarté ;

Sur les conclusions dirigées contre les articles 22, 33 et 67 du code des marchés publics :

Considérant qu'aux termes de l'article 22 du code des marchés publics : I. - Pour les collectivités territoriales et les établissements publics locaux, la commission d'appel d'offres est composée des membres suivants : ... g) Lorsqu'il s'agit d'un établissement public de santé ou d'un établissement public médico-social, le représentant légal de l'établissement ou son représentant, président, ainsi que deux membres de l'organe délibérant désignés par celui-ci ... IV. - Sont convoqués et peuvent participer aux réunions de la commission d'appel d'offres : ... 4° Des personnalités désignées par le président de la commission en raison de leur compétence dans la matière qui fait l'objet de l'appel d'offres ; 5° Dans les cas des établissements publics de santé et des établissements publics médico-sociaux, un représentant du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales. VI. - .... Ont voix consultative les membres mentionnés au IV. Leurs avis sont, sur leur demande, consignés au procès-verbal ; qu'aux termes du 6ème alinéa de l'article 33 : Le marché est attribué par la personne responsable du marché après avis de la commission d'appel d'offres pour l'Etat ainsi que pour les établissements publics de santé et les établissements publics médico-sociaux ... ; qu'en vertu de l'article 67, relatif aux procédures négociées, la personne responsable du marché conduit la procédure et attribue le marché ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique : Le directeur ... est compétent pour régler les affaires de l'établissement autres que celles qui sont énumérées à l'article L. 6143-1. Il assure la gestion et la conduite générale de l'établissement, et en tient le conseil d'administration informé. A cet effet, il exerce son autorité sur l'ensemble du personnel dans le respect des règles déontologiques ou professionnelles qui s'imposent aux professions de santé, des responsabilités qui sont les leurs dans l'administration des soins et de l'indépendance professionnelle du praticien dans l'exercice de son art ; que si le SYNDICAT X soutient que les dispositions précitées du code des marchés publics n'assureraient pas le respect par le directeur de l'établissement des règles déontologiques et professionnelles applicables aux pharmaciens, ces dispositions ne concernent pas l'exercice par le directeur de son autorité sur le personnel de l'hôpital ; que par suite le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 6143-7 ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 5126-5 du code de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur à la date du décret attaqué : La gérance d'une pharmacie à usage intérieur est assurée par un pharmacien. Il est responsable de celles des dispositions ayant trait à l'activité pharmaceutique... La pharmacie à usage intérieur est notamment chargée : - d'assurer , dans le respect des règles qui régissent le fonctionnement de l'établissement, la gestion, l'approvisionnement, la préparation, le contrôle, la détention et la dispensation des médicaments, produits ou objets mentionnés à l'article L. 4211-1 ainsi que des dispositifs médicaux stériles... ; que cet article prévoit expressément que l'approvisionnement de la pharmacie à usage intérieur se fait dans le respect des règles qui régissent le fonctionnement de l'établissement , et donc des règles relatives à la passation des marchés publics applicables à l'établissement ; qu'en outre le directeur de l'établissement, responsable des marchés, est tenu, pour la définition des besoins en médicaments et produits assimilés, au respect des règles fixées par le code de la santé publique, et notamment aux procédures relatives au fonctionnement de la pharmacie à usage intérieur et du comité du médicament prévu à l'article R. 5104-52 du code de la santé publique ; que dès lors le moyen tiré de ce que les dispositions précitées du code des marchés publics méconnaîtraient les dispositions législatives qui confient au pharmacien assurant la gérance de la pharmacie à usage intérieur le soin de l'approvisionnement en médicaments et produits assimilés doit être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 6141-7 du code de la santé publique : Les dispositions du code des marchés publics relatives à la passation des marchés sont adaptées, par voie réglementaire, aux conditions particulières de leur gestion ; que, contrairement à ce que soutient le SYNDICAT X , les dispositions précitées du code des marchés publics comportent des adaptations aux conditions particulières de la gestion des établissements publics de santé ;

Sur les conclusions dirigées contre les articles 39 et 40 du code des marchés publics :

Considérant qu'aux termes de l'article 9-4 de la directive 93/36/CEE du 14 juin 1993 : Les avis sont établis conformément aux modèles qui figurent à l'annexe IV et précisent les renseignements qui y sont demandés ; que les articles 39 et 40 du code des marchés publics, relatifs aux avis d'appel public à la concurrence, ne comportent ni disposition fixant des modèles d'avis ni renvoi à des arrêtés ministériels pour la fixation de tels modèles ; qu'ainsi en n'assurant pas complètement la transcription en droit interne de ladite directive, dont le délai de transposition était expiré, le décret attaqué en méconnaît les objectifs ; que par suite le SYNDICAT X  est fondé à demander l'annulation de ces articles en tant qu'ils ne prévoient pas de modèles d'avis d'appel public à la concurrence pour les marchés entrant dans le champ d'application de la directive n° 93/36/CEE modifiée, ensemble, et dans cette mesure, de la décision du Premier ministre rejetant son recours gracieux ; qu'il incombe aux auteurs du décret attaqué de compléter les articles 39 et 40 du code des marchés publics par des dispositions fixant des modèles d'avis ou renvoyant à des arrêtés ministériels la fixation de tels modèles ;

Sur les conclusions dirigées contre les articles 58 et 63 du code des marchés publics :

Considérant que les articles 10 et 11 de la directive n° 93/36/CEE du 14 juin 1993 modifiée, qui fixent un délai minimum de réception des offres, subordonnent, dans leur rédaction issue de la directive n° 97/52/CEE du 13 octobre 1997, la réduction de ce délai à la double condition que l'avis de pré-information ait été envoyé pour publication dans des délais particuliers et qu'il contienne en outre au moins autant de renseignements que ceux énumérés dans les modèles d'avis d'appel public à la concurrence ; que si le 4ème alinéa de l'article 58 et le 8ème de l'article 63 du code des marchés publics prévoient une réduction du délai de réception des offres, respectivement pour les appels d'offres ouverts et pour les appels d'offres restreints, ils se bornent à subordonner cette réduction à la première de ces deux conditions, sans imposer que l'avis de pré-information contienne autant de renseignements que les modèles d'avis d'appel public à la concurrence ; qu'ils méconnaissent ainsi les objectifs susrappelés de la directive n° 97/52/CEE ; que par suite le SYNDICAT X est fondé à demander l'annulation de ces articles, en tant qu'ils s'appliquent à des marchés entrant dans le champ d'application de la directive n° 93/36/CEE modifiée, ensemble, et dans la même mesure, de la décision du Premier ministre rejetant son recours gracieux ; qu'il incombe aux auteurs du décret attaqué d'ajouter à ces dispositions la seconde condition prévue par cette directive ;

Sur les conclusions du SYNDICAT X tendant à l'annulation de la décision du Premier ministre rejetant sa demande d'abrogation du décret n° 92-1310 du 15 décembre 1992 portant simplification du code des marchés publics :

Considérant qu'aucune des annulations partielles du code des marchés publics par la présente décision n'a pour effet de remettre en vigueur des dispositions du décret n° 92-310 du 15 décembre 1992 portant simplification du code des marchés publics ; que par suite les conclusions susanalysées ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer au SYNDICAT X la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :
Article 1er : Sont annulés les articles 39 et 40 code des marchés publics annexé au décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 en tant qu'ils ne prévoient pas de modèles d'avis d'appel public à la concurrence pour les marchés entrant dans le champ d'application de la directive n° 93/36/CEE modifiée, le 4ème alinéa de son article 58 et le 8ème alinéa de son article 63 en tant qu'ils s'appliquent à des marchés entrant dans le champ d'application de la directive n° 93/36/CEE modifiée, ensemble et dans la même mesure la décision du Premier ministre rejetant le recours gracieux du SYNDICAT X.. Ces annulations comportent pour l'Etat les obligations énoncées aux motifs de la présente décision.
Article 2 : L'Etat versera au SYNDICAT X une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT X , au Premier ministre, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.