Revenir aux résultats de recherche

Conseil d'Etat, 30 janvier 2002, M. X. (Non-renouvellement d'un contrat d'activité libérale)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juin et 8 octobre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X., élisant domicile à (...) ; M. X. demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions des 14 août et 15 décembre 1998 par lesquelles le préfet du Doubs s'est opposé au renouvellement de son contrat d'exercice d'activité libérale et la décision du 6 avril 1999 par laquelle le ministre de l'emploi et de la solidarité a rejeté son recours hiérarchique contre ces décisions ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 87-944 du 25 novembre 1987 relatif à l'exercice d'une activité libérale par les praticiens hospitaliers à temps plein dans les établissements d'hospitalisation publics ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Picard, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. X.,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X., professeur des universités et chef du service de chirurgie maxillo-faciale du centre hospitalier universitaire Jean Minjoz à Besançon, a sollicité le renouvellement de son contrat d'activité libérale venant à expiration le 23 septembre 1998 ; que, par une lettre en date du 14 août 1998, le préfet du Doubs l'a informé de son intention de refuser ce renouvellement ainsi que de la saisine de la commission de l'activité libérale puis lui a notifié, par lettre du 15 décembre 1998, son opposition au renouvellement de son contrat d'activité libérale, décision contre laquelle M. X. a formé un recours hiérarchique qui a été rejeté par le ministre de l'emploi et de la solidarité le 6 avril 1999 ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision du 6 avril 1999 du ministre de l'emploi et de la solidarité :

Considérant que, sauf dans les cas où des dispositions législatives ou réglementaires ont organisé des procédures particulières, toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour introduire un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai ;

Considérant que, pour rejeter le recours hiérarchique formé par M. X. contre la décision du préfet du Doubs refusant d'autoriser le renouvellement de son contrat d'activité libérale, le ministre de l'emploi et de la solidarité s'est uniquement fondé sur ce que la procédure prévue pour l'approbation ou le renouvellement d'un contrat d'exercice d'activité libérale ne prévoyait pas de recours auprès du ministre en cas de refus opposé par le préfet ; qu'en rejetant pour ce motif le recours hiérarchique de M. X. le ministre a entaché d'erreur de droit sa décision du 6 avril 1999 dont M. X. est fondé à demander l'annulation ;

Sur les conclusions dirigées contre la lettre du 14 août 1998 du préfet du Doubs :

Considérant que, par cette lettre, le préfet du Doubs s'est borné à informer M. X. de son intention de s'opposer au renouvellement de son contrat d'activité libérale ainsi que de la saisine de la commission de l'activité libérale du centre hospitalier régional universitaire de Besançon ; que cette lettre ne contient aucune décision faisant grief susceptible de recours ; que, dès lors, les conclusions tendant à son annulation sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision du 15 décembre 1998 du préfet du Doubs :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 714-30 du code de la santé publique alors en vigueur : "Dès lors que l'intérêt du service public hospitalier n'y fait pas obstacle, les praticiens statutaires exerçant à temps plein dans les établissements d'hospitalisation publics sont autorisés à exercer une activité libérale dans les conditions définies ci-après" ; qu'aux termes de l'article L. 714-33 du même code : "Les modalités d'exercice de l'activité libérale font l'objet d'un contrat conclu entre le praticien concerné et l'établissement public de santé sur la base d'un contrat type d'activité libérale établi par voie réglementaire./Ce contrat est approuvé par le représentant de l'Etat dans le département après avis du conseil d'administration et de la commission médicale d'établissement pour une durée de cinq ans renouvelable. L'approbation du contrat vaut autorisation d'exercice de l'activité libérale ( ...)" ; qu'aux termes de l'article 13 du décret du 25 novembre 1987 alors en vigueur : "La commission de l'activité libérale de l'établissement est chargée de veiller au bon déroulement de cette activité et au respect des dispositions législatives et réglementaires la régissant ainsi que des stipulations des contrats des praticiens. Elle peut se saisir de toute question relative à l'exercice de l'activité libérale des praticiens ou en être saisie par le commissaire de la République du département ( ...)" et qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 16 du même décret : "Le praticien peut prendre connaissance des pièces de son dossier trente jours au moins avant la réunion de la commission. Il peut demander à être entendu par celle-ci ou présenter des observations écrites et se faire assister par un ou des défenseurs" ;

Considérant que le préfet du Doubs ayant décidé de saisir la commission de l'activité libérale pour avis sur la demande de renouvellement de son contrat d'activité libérale présentée par M. X., en application des dispositions précitées de l'article 13 du décret du 25 novembre 1987, cette commission s'est réunie le 19 octobre 1998 ; que M. X. a reçu copie dès le 23 février 1998 du rapport du médecin conseil qui contenait l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés et faisait notamment référence à l'attestation établie par la mère d'une patiente concernant le règlement en espèces d'honoraires pour une intervention de chirurgie esthétique ; qu'il a été reçu à plusieurs reprises par le professeur Mantion, désigné comme rapporteur devant la commission de l'activité libérale par le président de celle-ci ; que la commission, qui a entendu M. X. et a pu prendre connaissance de ses observations écrites, a été complètement informée des faits reprochés au praticien avant d'émettre son avis ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la procédure suivie aurait été irrégulière doit être écarté ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport établi par le médecin conseil près la caisse primaire d'assurance maladie de Besançon, que M. X., praticien hospitalier, a, dans l'exercice de son activité libérale, méconnu au cours de la période ayant fait l'objet du contrôle plusieurs des stipulations contenues dans son précédent contrat d'activité libérale et qui avaient un caractère substantiel ; qu'il a, notamment, omis de recueillir, dans plusieurs cas, l'accord écrit des patients devant être opérés ; qu'il a transmis à la direction du budget de l'hôpital le relevé de son activité libérale sous forme globale mois par mois, sans individualiser les actes effectués ; qu'il a méconnu à plusieurs reprises les jours et heures de consultation prévus par son contrat, sans que ces écarts soient justifiés par des contraintes liées à l'exercice de ses activités de service public ; qu'il a reconnu, dans deux cas d'interventions en chirurgie esthétique, ne pas avoir déclaré les honoraires perçus et, dans l'un de ces cas, avoir négocié et perçu ses honoraires en espèces ; qu'il a pratiqué plusieurs actes de chirurgie ambulatoire en dehors des cas prévus par le contrat ; que, dans ces conditions, M. X. a méconnu les règles applicables à l'exercice par les praticiens hospitaliers à temps plein d'une activité libérale dans les établissements d'hospitalisation publics ; que le préfet du Doubs a pu légalement se fonder sur ce motif pour refuser le renouvellement du contrat d'activité libérale de M. X. ; que le requérant, n'est, dès lors, pas fondé à demander l'annulation de la décision du 15 décembre 1998 ;

Sur les conclusions relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer la somme demandée par le requérant au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :
Article 1er : La décision du ministre de l'emploi et de la solidarité du 6 avril 1999 est annulée.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X. est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X., au préfet du Doubs et au ministre de l'emploi et de la solidarité.