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Conseil d'Etat, 31 mars 1989, Ministère de l'intérieur et de la décentralisation / M. X. (motivation de l'arrêté d'hospitalisation d'office)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, 1° le recours enregistré sous le n° 69 547 le 14 juin 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE LA DECENTRALISATION, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 8 mars 1985 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a annulé, sur la demande de M. X., l'arrêté du 27 mars 1980 du préfet, commissaire de la République de Seine-et-Marne par lequel M. X. a été placé d'office au centre hospitalier spécialisé de Clermont de l'Oise ;
2°) rejette la demande de M. X. devant le tribunal administratif de Versailles ;

Vu, 2° la requête enregistrée sous le n° 71 747 le 26 août 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. X., demeurant (...), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 8 mars 1985 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a rejeté la requête de M. X. tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Jouarre en date du 22 mars 1980 prononçant la séquestration provisoire de M. X. ;
2°) annule l'arrêté du 22 mars 1980 du maire de Jouarre ;

Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des communes ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;

Après avoir entendu :
- le rapport de M. Daguet, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Tiffreau, Thouin-Palat, avocat de M. X.,
- les conclusions de Mme de Clausade, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE LA DECENTRALISATION et la requête de M. X. sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant que l'association "Groupe information asiles" a intérêt à l'annulation des décisions contestées par M. X. ; qu'ainsi ses interventions, en défense contre le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE LA DECENTRALISATION et à l'appui de la requête de M. X., sont recevables ;

Sur la requête de M. X. :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 344 du code de la santé publique : "En cas de danger imminent, attesté par le certificat d'un médecin ou par la notoriété publique, les commissaires de police à Paris, et les maires dans les autres communes, ordonneront, à l'égard des personnes atteintes d'aliénation mentale, toutes les mesures provisoires nécessaires, à la charge d'en référer dans les vingt quatre heures au préfet qui statuera sans délai" ;

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " ... doivent être motivées les décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police" ; et que, selon l'article 3 de la même loi, la motivation ainsi exigée "doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision" ; que l'arrêté du maire de Jouarre en date du 22 mars 1980 ordonnant l'internement provisoire de M. X. à l'hôpital psychiatrique de Clermont de l'Oise mentionne que l'intéressé est présumé atteint d'aliénation mentale et constitue un danger pour lui-même et son entourage, en se référant à un certificat médical qui décrit avec précision l'état mental de M. X. au moment des faits ; qu'il satisfait ainsi aux exigences des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant, en deuxième lieu, que, si M. X. soutient que le maire n'a pas informé le préfet dans les 24 heures ainsi que le prescrit l'article L.344 du code de la santé publique, il ressort des pièces du dossier que ce moyen manque en fait ;

Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que l'arrêté attaqué n'a pas été notifié à M. X. est sans influence sur sa légalité ;

Considérant, enfin, que si le juge administratif est compétent pour connaître de la régularité d'une décision administrative ordonnant un internement provisoire dans un hôpital psychiatrique, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire d'apprécier la nécessité de cette mesure ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutient M. X., c'est à bon droit que le tribunal administratif s'est déclaré incompétent pour examiner les moyens par lesquels le requérant contestait le bien-fondé de la mesure d'internement provisoire prononcée à son égard ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Jouarre du 22 mars 1980 ;

Sur le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE LA DECENTRALISATION :

Considérant qu'aux termes de l'article L.343 du code de la santé publique : "A Paris, le préfet de police et, dans les départements, les préfets ordonneront d'office le placement, dans un établissement d'aliénés, de toute personne interdite ou non interdite, dont l'état d'aliénation compromettrait l'ordre public ou la sûreté des personnes. Les ordres des préfets seront motivés et devront énoncer les circonstances qui les auront rendu nécessaires ..." ;

Considérant que l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne en date du 27 mars 1980 prononçant le placement d'office de M. X. à l'hôpital psychiatrique de Clermont de l'Oise porte que l'intéressé est atteint de troubles mentaux le rendant dangereux pour lui-même et pour les autres et que son comportement est de nature à compromettre l'ordre public ou la sûreté des personnes, en se référant à un certificat médical qui décrit avec précision l'état mental de M. X. au moment des faits ; que cette motivation satisfait aux exigences des dispositions précitées du code de la santé publique ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler cet arrêté préfectoral, le tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur ce que ledit arrêté était insuffisamment motivé ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. LX devant le tribunal administratif ;

Considérant, en premier lieu, qu'à supposer même que le texte de l'arrêté du maire de Jouarre en date du 22 mars 1980 ordonnant l'internement provisoire de M. X. n'ait pas été transmis au préfet dans les 24 heures, cette circonstance est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de l'arrêté préfectoral contesté dès lors que la mesure d'urgence que peut prendre le maire sur le fondement de l'article L.344 du code de la santé publique ne constitue pas un préalable nécessaire au placement d'office que peut ordonner le préfet en application de l'article L.343 du même code ;

Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que l'arrêté préfectoral litigieux n'a pas été notifié à M. X. est sans influence sur sa légalité ;

Considérant, enfin, que si le juge administratif est compétent pour connaître de la régularité d'une décision administrative ordonnant le placement d'office dans un hôpital psychiatrique, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire d'apprécier la nécessité de cette mesure ; que, par suite, le bien-fondé de la mesure prise à l'égard de M. X. par le préfet de Seine-et-Marne ne saurait être contesté devant la juridiction administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE LA DECENTRALISATION est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté préfectoral du 27 mars 1980 ;

DECIDE :

Article 1er : Les interventions de l'association "Groupe information asiles" sont admises.
Article 2 : La requête de M. X. est rejetée.
Article 3 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Versailles du 8 mars 1985 est annulé.
Article 4 : La demande de M. X. devant le tribunal administratif de Versailles tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne en date du 27 mars 1980 est rejetée.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X., au maire de Jouarre, à l'association "Groupe information asiles" et au ministre de l'intérieur.